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JEAN-BAPTISTE ROUSSEAU.

SKETCH OF HIS LIFE AND WORKS.

JEAN-BAPTISTE ROUSSEAU, the lyric poet, was born at Paris in 1670. Though only a cobbler, his father gave him an excellent education, and from an early age the youth gave promise of some day becoming a great poet. Boileau himself condescended to direct his first attempts. Rousseau was scarcely twenty years old, when he found himself courted by persons of the highest rank; he went to London as secretary to marshal Tallard and afterwards lived as a friend with Rouillé de Coudray, minister of finance. The most successful productions of his pen were odes and epigrams; but he richly earned the public contempt by thus appearing in the double character of a sacred and a licentious poet. In 1712 there appeared in Paris some satirical couplets, in which several most estimable men of letters were foully slandered; common report ascribed them to J.-B. Rousseau, and though he indignantly denied the accusation, he was prosecuted for diffamation of character and condemned by sentence of parliament to banishment for life. He retired to Switzerland, where he was amicably received by the French ambassador, count du Luc, whom he subsequently accompanied to Vienna. There he succeeded in obtaining the protection of Prince Eugene of Savoy and finally came to live at Brussels. In 1716 the French government offered to cancel his sentence, but he refused to avail himself of the offer, saying that he expected, not a pardon, but a public rehabilitation of character. So he remained at Brussels, where he died in 1741. Piron (v. p. 307) composed for him the following epitaph:

Ci-gît l'illustre et malheureux Rousseau:

Le Brabant fut sa tombe et Paris son berceau.
Voici l'abrégé de sa vie,

Qui fut trop longue de moitié :
Il fut trente ans digne d'envie,
Et trente ans digne de pitié.

I. ODE III, TIRÉE DU PSAUME XLIX.

SUR L'AVEUGLEMENT DES HOMMES DU SIÈCLE.

Qu'aux accents de ma voix la terre se réveille.
Rois, soyez attentifs; peuples, ouvrez l'oreille:
Que l'univers se taise et m'écoute parler.

Mes chants vont seconder les accords de ma lyre,
L'esprit saint me pénètre, il m'échauffe, il m'inspire
Les grandes vérités que je vais révéler.

L'homme en sa propre force a mis sa confiance.
Ivre de ses grandeurs et de son opulence,

L'éclat de sa fortune enfle sa vanité.

Mais, ô moment terrible, ô jour épouvantable,
Où la mort saisira ce fortuné coupable,
Tout chargé des liens de son iniquité!

Que deviendront alors, répondez, grands du monde,
Que deviendront ces biens où votre espoir se fonde,
Et dont vous étalez l'orgueilleuse moisson?
Sujets, amis, parents, tout deviendra stérile;
Et, dans ce jour fatal, l'homme à l'homme inutile
Ne pairal point à Dieu le prix de sa rançon.

Vous avez vu tomber les plus illustres têtes;
Et vous pourriez encore, insensés que vous êtes,
Ignorer le tribut que l'on doit à la mort?
Non, non, tout doit franchir ce terrible passage:
Le riche et l'indigent, l'imprudent et le sage,
Sujets à même loi, subissent même sort.

D'avides étrangers, transportés d'allégresse,
Engloutissent déjà toute cette richesse,

Ces terres, ces palais de vos noms ennoblis.
Et que vous reste-t-il en ces moments suprêmes?
Un sépulcre funèbre, où vos noms, où vous-mêmes
Dans l'éternelle nuit serez ensevelis.

Les hommes, éblouis de leurs honneurs frivoles,
Et de leurs vains flatteurs écoutant les paroles,
Ont de ces vérités perdu le souvenir:

Pareils aux animaux farouches et stupides,

Les lois de leur instinct sont leurs uniques guides,
Et pour eux le présent paraît sans avenir.

Un précipice affreux devant eux se présente;
Mais toujours leur rasion, soumise et complaisante,
Au-devant de leurs yeux met un voile imposteur.
Sous leurs pas cependant s'ouvrent les noirs abîmes,
Où la cruelle mort, les prenant pour victimes,
Frappe ces vils troupeaux, dont elle est le pasteur.

Là s'anéantiront ces titres magnifiques,
Ce pouvoir usurpé, ces ressorts politiques,
Dont le juste autrefois sentit le poids fatal:
Ce qui fit leur bonheur deviendra leur torture;
Et Dieu, de sa justice apaisant le murmure,

Livrera ces méchants au pouvoir infernal.

Justes, ne craignez point le vain pouvoir des hommes; Quelque élevés qu'ils soient, ils sont ce que nous sommes:

Si vous êtes mortels, ils le sont comme vous.

Nous avons beau vanter nos grandeurs passagères,
Il faut mêler sa cendre aux cendres de ses pères;

Et c'est le même Dieu qui nous jugera tous.

A poetical licence for paiera or payera.

II. ÉPIGRAMMES.

VI ÉPIGRAMME DU Ier LIVRE.

Ce monde-ci n'est qu'une œuvre comique
Où chacun fait ses rôles différents.
Là, sur la scène, en habit dramatique,
Brillent prélats, ministres, conquérants.
Pour nous, vil peuple, assis aux derniers rangs,
Troupe futile et des grands rebutée,
Par nous d'en bas la pièce est écoutée.
Mais nous payons, utiles spectateurs;
Et quand la farce est mal représentée,
Pour notre argent nous sifflons les acteurs.

XVIII ÉPIGRAMME DU II LIVRE.

AUX JOURNALISTES DE TRÉVOUX.

Petits auteurs d'un fort mauvais journal,
Qui d'Apollon vous croyez les apôtres,
Pour Dieu, tâchez d'écrire un peu moins mal,
Ou taisez-vous sur les écrits des autres.

Vous vous tuez à chercher dans les nôtres

De quoi blâmer, et l'y trouvez très-bien:

Nous, au rebours, nous cherchons dans les vôtres
De quoi louer, et nous n'y trouvons rien.

XIII ÉPIGRAMME DU III LIVRE.

A PRADON, QUI AVAIT FAIT UNE SATIRE PLEINE D'INVECTIVES CONTRE
BOILEAU.

Au nom de Dieu, Pradon, pourquoi ce grand courroux
Qui contre Despréaux exhale tant d'injures?

Il m'a berné, me direz-vous,

Je veux le diffamer chez les races futures.
Hé! croyez-moi, laissez d'inutiles projets.
Quand vous réussiriez à ternir sa mémoire,
Vous n'avanceriez rien pour votre propre gloire,
Et le Grand Scipion2 sera toujours mauvais.

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MASSILLON.

SKETCH OF HIS LIFE AND WORKS.

JEAN-BAPTISTE MASSILLON, born on the 24th of June 1663 at Hyères,

in Provence, was the son of a notary. He was brought up in a school of the Oratoriens and at eighteen he joined this religious order, whose members took no vows and devoted themselves to theological studies, to preaching and the instruction of the young. After preaching some brilliant trial-sermons, Massillon was for some years professor of literature and Divinity in various provincial towns. When thirty-three years old he was sent to Paris as head of a seminary. The Conférences ecclésiastiques, a set of lectures he had to deliver in this capacity, soon placed him in the first line among contemporary preachers, side by side with Bourdaloue,' who was then in his decline. Massillon succeeded him and for twenty years ruled supreme in the French pulpit. He preached a course of sermons during one Advent and two Lent seasons before Louis XIV, who had engaged to hear him preach once in every two years; but court intrigues soon discarded the man through whose eloquent accents some particles of truth might have reached the throne. In 1717 the Regent made Massillon bishop of Clermont and appointed him to preach during Lent 1718 before Louis XV, who was then nine years of age. These sermons, called le Petit Carême, are his masterpiece.

The remainder of his life Massillon spent in his diocese, where his charity and other virtues earned the love and gratitude of all his flock. When he died in 1742, he left nothing behind him.

Massillon never preached extempore; he was wont to say that his best sermon was the one he knew best by heart. He did not shine equally in Funeral Orations, in which he did not reach the same level as Bossuet2 and Fléchier. We reprint some fragments of the PETIT CARÊME. I. FRAGMENT DU DEUXIÈME SERMON.

Sire, quel fleau pour les grands, que ces hommes nés pour applaudir à leurs passions, ou pour dresser des pieges à leur innocence! quel malheur pour les peuples, quand les princes et les puissants se livrent à ces ennemis de leur gloire, parce qu'ils le sont de la sagesse et de la verite! Les fleaux des guerres et des sterilites sont des fleaux passagers, et des temps plus heureux ramènent bientôt la paix et l'abondance; les peuples en sont affliges, mais la sagesse du gouvernement leur laisse esperer des ressources; le fleau, de l'adulation ne permet plus d'en attendre; c'est une calamite pour l'Etat, qui en promet toujours de nouvelles: l'oppression des peuples deguisée au souverain, ne leur annonce que des charges pluse onreuses; les gémissements les plus touchants que forme la misère publique passent bientôt pour des murmures; les remontrances les plus justes et les plus respectueuses, l'adulation les travestit en une temerite punissable; et l'impossibilite d'obeir n'a plus d'autre nom que la rebellion et la mauvaise volonte qui refuse. Que le Seigneur, disait autrefois un saint roi, confonde ces langues trompeuses et ces lèvres fausses qui cherchent à nous perdre, parce qu'elles ne s'etudient qu'à nous plaire!

Sire, defiez-vous de ceux qui, pour autoriser les profusions immenses des rois, leur grossissent sans cesse l'opulence de leurs peuples. Vous succedez à une monarchie florissante, il est vrai, mais que les pertes

BOURDALOUE, a famous preacher, was born at Bourges 1632 and died in 1704; he preached frequently before Louis XIV and the court. 2 V. p. 153. 3 V. p. 160.

'passées ont accablée; le zèle de vos sujets est inépuisable, mais ne mesurez pas là-dessus les droits que vous avez sur eux: leurs forces ne répondront de longtemps à leur zèle, les nécessités de l'État les ont épuisées; laissez-les respirer de leur accablement: vous augmenterez vos ressources en augmentant leur tendresse. Écoutez les conseils des sages et des vieillards auxquels votre enfance est confiée, et qui présidèrent aux conseils de votre auguste bisaïeul; et souvenez-vous de ce jeune roi de Juda dont je vous ai déjà cité l'exemple, qui, pour avoir préféré les avis d'une jeunesse inconsidérée à la sagesse et à la maturité de ceux aux conseils desquels Salomon son père était redevable de la gloire et de la prospérité de son règne, et qui lui conseillaient d'affermir les commencements du sien par le soulagement de ses peuples, vit un nouveau royaume se former des débris de celui de Juda; et, pour avoir voulu exiger de ses sujets au-delà de ce qu'ils lui devaient, il perdit leur amour et leur fidélité, qui lui était due. Les conseils agréables sont rarement des conseils utiles; et ce qui flatte les souverains fait d'ordinaire le malheur des sujets.

II. FRAGMENT DU TROISIÈME SERMON.

C'est une erreur, mes frères, de regarder la naissance et le rang comme un privilége qui diminue et adoucit à votre égard vos devoirs envers Dieu et les règles sévères de l'évangile. Au contraire, il exigera plus de ceux à qui il aura plus donné; ses bienfaits deviendront la mesure de vos devoirs; et comme il vous a distingués des autres hommes par des largesses plus abondantes, il demande que vous vous en distinguiez aussi par une plus grande fidélité. Mais outre la reconnaissance qui vous y engage, plus tout allume les passions dans votre État, plus vous avez besoin de vigilance pour vous défendre. Il faut aux grands de grandes vertus: la prospérité est comme une persécution continuelle contre la foi; et si vous n'avez pas toute la force et le courage des saints, vous aurez bientôt plus de vices et de faiblesses que le reste des hommes.

Mais d'ailleurs sur quoi prétendez-vous que Dieu doit se relâcher en votre faveur, et exiger moins de vous que du commun des fidèles? Avez-vous moins de plaisirs à expier? votre innocence est-elle le titre qui vous donne droit à son indulgence? vous êtes-vous moins livrés aux désirs de la chair, pour vous croire plus dispensés des violences qui la mortifient et la punissent? Votre élévation a multiplié vos crimes, et elle adoucirait votre pénitence! Vos excès vous distinguent encore plus du peuple que votre rang, et vous prétendriez trouver làdessus dans la religion des exceptions qui vous fussent favorables!

Quelle idée de la divinité avons-nous, mes frères! quel dieu de chair et de sang nous formons-nous! Quoi! dans ce jour terrible où Dieu seul sera grand, où le roi et l'esclave seront confondus, où les œuvres seules seront pesées, Dieu n'exercerait que des jugements favorables envers ces hommes que nous appelons grands, ces hommes qu'il avait comblés de biens, qui avaient été les heureux de la terre, Louis XV was the great-grandson of Louis XIV. The aged king witnessed the death of his son, the Dolphin, and the elder of his two grandsons, the duke of Burgundy, father to Louis XV. His second grandson, who after the war of the Spanish succession was recognized as king of Spain under the name Philip V, survived his grandfather.

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