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II. BRITANNICUS.

(1659.)

Tacitus' Annals (XIII, 15-17) have furnished Racine with the subject of this tragedy. The historian relates that Agrippina, Nero's mother, indignant at the banishment of her freedman Pallas, threatened her son with supporting the claims of young Britannicus, the son of Claudius, who was then only fourteen years of age, but who had already shown by his demeanour that he was sensible of the wrong that had been done him by Nero's elevation. The latter fearing the result of an alliance between his mother and his rival, resolved his death. The poison was prepared by the famous Locusta and administered to Britannicus diluted with water. Its effect was instantaneous. Nero's ministers, Burrhus and Seneca, though not cognizant of his design, continued to serve him after the commission of the crime. These events happened in A. D. 55.

On these data of the Roman historian Racine has constructed his plot. He represents Britannicus as being seventeen years old and in love with Junie (Junia Calvina), whom Tacitus mentions in the 12th book of the Annals. Of course Racine only uses a poet's freedom, when he gives Junie a character quite at variance with historical truth and makes Narcissus at the same time the confidant of Britannicus, whom he betrays, and Nero's accomplice.

We may add that Nero, and not Britannicus, is the true hero of the play, however interesting the latter may be on account of his misfortunes, and Racine might very well have called his piece Néron. As to the moral bearings of the play they could not be better described than in the words of M. Vinet: Le triomphe d'une nature perverse sur les soins et les espérances d'une éducation prudente: l'éveil d'une âme féroce qui, pliée, pendant le sommeil des passions, à des habitudes morales qu'elle n'aime ni ne hait, à la première rencontre du crime reconnaît son élément, et s'y précipite avec une indomptable impétuosité; la crise terrible qui va décider dans une destinée individuelle du sort d'un empire et de celui du monde: tel est le véritable sujet de la tragédie de Britannicus."

At the beginning of the first act we see Agrippina impatiently awaiting in an antechamber the rising of her son; she has come to tax him with having carried off Junie, the intended bride of young Britannicus. At length Burrhus appears and tells her that she cannot see Nero, as he is busied with matters of state.

Déjà, par une porte au public moins connue,

L'un et l'autre consul vous avaient prévenue.

Agrippina accuses Nero of ingratitude and bitterly reproaches Burrhus and Seneca with using against her the powers she has herself committed to them. Burrhus replies with much dignity that the emperor is his own master and that his ministers are answerable only to the state: Vous m'avez de César confié la jeunesse,

Je l'avoue, et je dois m'en souvenir sans cesse.
Mais vous avais-je fait serment de le trahir,
D'en faire un empereur qui ne sût qu'obéir?

Non. Ce n'est plus à vous qu'il faut que j'en réponde.
Ce n'est plus votre fils, c'est le maître du monde.

J'en dois compte, Madame, à l'empire romain,
Qui croit voir son salut ou sa perte en ma main.
Ah! si dans l'ignorance il fe fallait instruire,'
N'avait-on que Sénèque et moi pour le séduire?

1 Racine here uses instruire in its primary sense; in prose we should say élever dans l'ignorance.

Pourquoi de sa conduite éloigner les flatteurs?
Fallait-il dans l'exil chercher des corrupteurs?
La cour de Claudius, en esclaves fertile,

Pour deux que l'on cherchait, en eût présenté mille
Qui tous auraient brigué l'honneur de l'avilir:

Dans une longue enfance ils l'auraient fait vieillir.

However Agrippina is by no means satisfied with this answer; she desires above all to know what are Nero's designs on Junie. Expliquez-nous pourquoi, devenu ravisseur, Néron de Silanus fait enlever la sœur. Ne tient-il qu'à marquer de cette ignominie Le sang de mes aïeux qui brille dans Junie?

Burrhus attempts to excuse Nero and says:

Vous savez que les droits qu'elle porte avec elle
Peuvent de son époux faire un prince rebelle;
Que le sang de César ne se doit allier

Qu'à ceux à qui César le veut bien confier.

Agrippina sees in these words the design of breaking off the match between Junie and Britannicus, which is her work. She complains so bitterly of Nero's conduct, that Burrhus refuses to listen any longer and leaves her. Britannicus and Narcissus have just entered, and Agrippina warmly expresses her sympathy with the young prince who has been robbed of his bride. When she has gone, the traitor Narcissus does his utmost to excite Britannicus' ambition and fill him with the thirst of revenge.

In the second act Nero has banished the freedman Pallas, whose influence was the chief prop of Agrippina's ambition. When left alone with Narcissus he confides to him that Junie's beauty has won his heart, but though in love with her, he shrinks from repudiating for her sake his lawful wife Octavia. Narcissus with the evil ingenuity of a born flatterer tries to remore his scruples by every argument in his power.

Junie now enters, on her way to Octavia's apartments; at her sight Nero's hesitations vanish; he will avow his love and declare his intention of marrying her after repudiating his wife. At first Junie does not seem to understand him; but he tells her plainly that she must give up all thought of Britannicus, to whom she is betrothed (II, 3). C'est à moi seul, Madame, à répondre de vous;

Et je veux de ma main vous choisir un époux.

JUNIE. Ah! Seigneur, songez-vous que toute autre alliance Fera honte aux Césars, auteurs de ma naissance?

NERON. Non, Madame, l'époux dont je vous entretiens

Peut sans honte assembler vos aïeux et les siens;
Vous pouvez, sans rougir, consentir à sa flamme.i
JUNIE. Et quel est donc, Seigneur, cet époux?

JUNIE. Vous?

NERON. Moi, Madame.

NERON. Je vous nommerais, Madame, un autre nom,

Si j'en savais quelque autre au-dessus de Néron.

Oui, pour vous faire un choix où vous puissiez souscrire,
J'ai parcouru des yeux la cour, Rome et l'empire.

Plus j'ai cherché, Madame, et plus je cherche encor

En quelles mains je dois confier ce trésor,

1 V. page 11 note 1.

2 In prose we should have: auquel vous puissiez souscrire v. p. 70 n. 5.

Plus je vois que César, digne seul de vous plaire,
En doit être lui seul l'heureux dépositaire,
Et ne peut dignement vous confier qu'aux mains
A qui Rome a commis1 l'empire des humains.
Vous-même, consultez vos premières années.
Claudius à son fils les avait destinées;

Mais c'était en un temps où de l'empire entier
Il croyait quelque jour le nommer l'héritier.
Les dieux ont prononcé. Loin de leur contredire,2
C'est à vous de passer du côté de l'Empire.
En vain de ce présent ils m'auraient honoré,
Si votre cœur devait en être séparé;

Si tant de soins ne sont adoucis par vos charmes;
Si, tandis que je donne aux veilles, aux alarmes
Des jours toujours à plaindre et toujours enviés,
Je ne vais quelquefois respirer à vos pieds.
Qu'Octavie à vos yeux ne fasse point d'ombrage:
Rome, aussi bien que moi, vous donne son suffrage,
Répudie Octavie, et me fait dénouer

Un hymen que le ciel ne veut point avouer.s
Songez-y donc, Madame, et pesez en vous-même
Ce choix digne des soins d'un prince qui vous aime
Digne de vos beaux yeux trop longtemps captivés,4
Digne de l'univers à qui vous vous devez.

JUNIE. Seigneur, avec raison je demeure étonnée.
Je me vois, dans le cours d'une même journée,
Comme une criminelle amenée en ces lieux;
Et lorsqu'avec frayeur je parais à vos yeux,
Que sur mon innocence à peine je me fie,
Vous m'offrez tout d'un coup la place d'Octavie.
J'ose dire pourtant que je n'ai mérité
Ni cet excès d'honneur, ni cette indignité.
Et pouvez-vous, Seigneur, souhaiter qu'une fille
Qui vit presque en naissant éteindre sa famille,
Qui dans l'obscurité nourrissant sa douleur,
S'est fait une vertu conforme à son malheur,

Commettre is frequently used in the sense of the latin committere (to entrust) by Racine and his contemporaries.

2

Reprenez le pouvoir que vous m'avez commis. (CORNEILLE, Cinna, IV, 3.) Je vous rends le dépôt que vous m'avez commis. (RACINE, Athalie, II, 7.) Il commet à Josué ce qui reste à faire. (BOSSUET, Hist. univ. II, 8.) Nowadays we should say: Loin de les contredire. Contredire à qn. though it was an archaïsm even in Racine's time, occurs frequently in the older writers, who conformed in this respect to the Latin construction. Froissard (1337-1410) says: Il n'y eust nul qui contredist ni répliquast à sa parole. Commines (1445-1509) wrote:

Le duc de Bourgogne défait, oncques puis ne trouva le roi de France homme qui osast lever la teste contre lui ni contredire à son vouloir. I. e. ne veut pas bénir. Octavia was childless.

3

4

I. e. trop longtemps tenus dans l'ombre.

Passe subitement de cette nuit profonde

Dans un rang qui l'expose aux yeux de tout le monde,
Dont je n'ai pu de loin soutenir la clarté, 1
Et dont une autre enfin remplit la majesté?

NERON. Je vous ai déjà dit que je la répudie.
Ayez moins de frayeur, ou moins de modestie.
N'accusez point ici mon choix d'aveuglement;
Je vous réponds de vous: consentez seulement.
Du sang dont vous sortez rappelez la mémoire;
Et ne préférez point à la solide gloire

Des honneurs dont César prétend vous revêtir,
La gloire d'un refus, sujet au repentir.

JUNIE. Le ciel connaît, Seigneur, le fond de ma pensée.

Je ne me flatte point d'une gloire insensée:

Je sais de vos présents mesurer la grandeur;

Mais plus ce rang sur moi répandrait de splendeur,
Plus il me ferait honte, et mettrait en lumière

Le crime d'en avoir dépouillé l'héritière.2

NERON. C'est de ses intérêts prendre beaucoup de soin,
Madame; et l'amitié ne peut aller plus loin.

Mais ne nous flattons point, et laissons le mystère.
La sœur vous touche ici beaucoup moins que le frère;
Et pour Britannicus . . .

JUNIE. Il a su me toucher,

Seigneur; et je n'ai point prétendu m'en cacher.
Cette sincérité sans doute est peu discrète;

Mais toujours de mon cœur ma bouche est l'interprète.
Absente de la cour, je n'ai pas dû penser,

Seigneur, qu'en l'art de feindre il fallût m'exercer.
J'aime Britannicus. Je lui fus destinée

Quand l'Empire devait suivre son hyménée.
Mais ces mêmes malheurs qui l'en ont écarté,
Ses honneurs abolis, son palais déserté,
La fuite d'une cour que sa chute a bannie,
Sont autant de liens qui retiennent Junie.
Tout ce que vous voyez conspire à vos désirs;
Vos jours toujours sereins coulent dans les plaisirs.
L'Empire en est pour vous l'inépuisable source;
Ou, si quelque chagrin en interrompt la course, 3
Tout l'univers, soigneux de les entretenir,
S'empresse à l'effacer de votre souvenir.
Britannicus est seul. Quelque ennui qui le presse,
Il ne voit dans son sort que moi qui s'intéresse,

4

In prose we should have: soutenir l'éclat d'un rang.

2 Octavia, whom Agrippina had married to her son Nero, was daughter to Claudius and sister to Britannicus. This is what Junie alludes to, when she calls her the heiress of the imperial crown.

3 As a rule we should say: le cours des plaisirs, but course expresses more emphatically the rapid succession of the gaieties of the court.

We should say: s'intéresser au sort de qn. S'intéresser dans is only used in the sense of having a share in a commercial enterprise.

Et n'a pour tous plaisirs, Seigneur, que quelques pleurs
Qui lui font quelquefois oublier ses malheurs.

NERON. Et ce sont ces plaisirs et ces pleurs que j'envie,
Que tout autre que lui me paierait de sa vie.

Mais je garde à ce prince un traitement plus doux.
Madame, il va bientôt paraître devant vous.

JUNIE. Ah! Seigneur, vos vertus m'ont toujours rassurée.
NERON. Je pouvais de ces lieux lui défendre l'entrée;
Mais, Madame, je veux prévenir le danger

Où son ressentiment le pourrait engager.

Je ne veux point le perdre. Il vaut mieux que lui-même
Entende son arrêt de la bouche qu'il aime.

Si ses jours vous sont chers, éloignez-le de vous,
Sans qu'il ait aucun lieu de me croire jaloux.
De son bannissement prenez sur vous l'offense;
Et, soit par vos discours, soit par votre silence,
Du moins par vos froideurs, faites-lui concevoir
Qu'il doit porter ailleurs ses vœux et son espoir.

JUNIE. Moi! que je lui prononce un arrêt si sévère!
Ma bouche mille fois lui jura le contraire.

Quand même jusque là je pourrais me trahir,1

Mes yeux lui défendront, Seigneur, de m'obéir.

NERON. Caché près de ces lieux, je vous verrai, Madame.
Renfermez votre amour dans le fond de votre âme.
Vous n'aurez point pour moi de langages secrets: 2
J'entendrai des regards que vous croirez muets;
Et sa perte sera l'infaillible salaire

D'un geste ou d'un soupir échappé pour lui plaire.

JUNIE. Hélas! si j'ose encor former quelques souhaits, Seigneur, permettez-moi de ne le voir jamais.

Britannicus now appears, and Junie's words, which he interprets as an avowal of her faithlessness, send him away in despair. Nero, more sharp-sighted than he, has understood even by Junie's silence, how passionately she loves his rival, but the obstacle irritates instead of arresting him; if he cannot bend he will break it, after the manner of a tyrant.

At the beginning of the third act, Burrhus informs Nero that Pallas has submitted to his sentence; next he attempts in vain to persuade him out of his guilty love for Junie. Nero's true character begins to reveal itself in his reply, and Burrhus stands appalled at the horrors he foresees. Yet he still tries to palliate his pupil's conduct with Agrippina, whose anger vents itself in complaints and threats.

ACTE III, SCÈNE III.

AGRIPPINE, BURRHUS.

AGRIPPINE. Eh bien! je me trompais, Burrhus, dans mes soupçons! Et vous vous signalez par d'illustres leçons!

On exile Pallas, dont le crime peut-être

Est d'avoir à l'empire élevé votre maître.

2

I. e. even if I could be so false to my promise and my love.
Langage is no longer used in the plural.

On n'avait pas dit, avant Racine, entendre des regards, expression

aussi hardie que juste au lieu où elle est placée." GERUZEZ.

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