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lassitude, une envie de connaître autre chose, parce qu'en tout cela rien ne satisfait entièrement. On n'est en repos que lorsque l'on s'est donné à Dieu, mais avec cette volonté déterminée dont je vous parle quelquefois; alors on sent qu'il n'y a plus rien à chercher, qu'on est arrivé à ce qui seul est bon sur la terre; on a des chagrins, mais on a aussi une solide consolation, et la paix au fond du cœur au milieu des plus grandes peines.

V. A LA PRINCESSE DES URSINS.1

Versailles, le 26 mars 1714.

J'ai reçu deux de vos lettres, madame; l'une apparemment par un courrier que j'ignore, et l'autre, par l'ordinaire. La première n'est remplie que des louanges du roi d'Espagne; et je vous assure, madame, que vous ne devez pas être malcontente2 de l'idée qu'on a de lui en ce pays-ci. L'autre lettre est remplie des désirs que vous auriez d'une grande intelligence entre nos deux rois et les deux nations. Je ne pense pas que le Roi doute jamais de l'amitié du roi catholique, et je suis bien assurée qu'il en aura toujours une véritable pour le roi son petit-fils; mais, madame, ils sont bien éloignés pour s'entendre parfaitement, et il y a bien des gens entre eux, dont les uns sont intéressés, mal intentionnés ou peu capables; ainsi vos projets ne sont guère praticables, et marquent seulement votre grand cœur et votre véritable attachement pour les deux rois. Votre lettre est triste, et plus triste encore que les premières: je le comprends bien, madame; et quand les douleurs sont aussi grandes et aussi raisonnables que les vôtres, les réflexions sont aussi affligeantes que les premiers moments.

VI. A LA PRINCESSE DES URSINS.

Marly, le 11 septembre 1715. Vous avez bien de la bonté, madame, d'avoir pensé à moi dans le grand événement qui vient de se passer; 3 il n'y a qu'à baisser la tête sous la main qui vous a frappés.

Je voudrais de tout mon cœur, madame, que votre état fût aussi heureux que le mien. J'ai vu mourir le Roi comme un saint et comme un héros. J'ai quitté le monde, que je n'aimais pas; je suis dans la plus aimable retraite que je puisse désirer, et partout, madame, je serai, toute ma vie, avec le respect et l'attachement que je vous dois, votre très-humble et très-obéissante servante.

The princess des Ursins or Orsini (1643-1722) played for some time a leading part in the intrigues of the court of Madrid, but in 1714 Elisabeth Farnese, the second wife of Philip V, caused her to be banished from Spain.

2 Malcontent has fallen into disuse; instead of it we now say mécontent ; but the old word frequently occurs in the writers of the 17th century. Le renard...., malcontent de son stratagème. LA FONTAINE. Elle est contente et malcontente dix fois par semaine. Mme DE SÉVIGNÉ. The death of Louis XIV, which had taken place on the 1st of September 1715.

BOSSUET.

SKETCH OF HIS LIFE AND WORKS.1

JACQUES BÉNIGNE BOSSUET was born at Dijon in 1627 in a

family belonging to the noblesse de robe. He was educated at a grammar-school conducted by Jesuits and later on came to Paris to study Divinity at the Sorbonne. There he soon distinguished himself by talent and industry and the frequenters of the Hotel de Rambouillet2 having heard of his fame, he was introduced to one of their gatherings and preached on a text given to him then and there an extempore sermon, which astonished and delighted his hearers. The hour was eleven p. m., and the youthful orator just sixteen, which made Voitures say that he had never heard a sermon preached either so early or so late.

After having preached a brilliant discourse for his trial sermon, one of the results of which was that he gained the esteem and friendship of the great Condé, Bossuet took his degree as Doctor of Divinity. He left Paris and joined the mission established at Metz for the conversion of the Protestants, and for several years his zeal and eloquence brought great prosperity upon this establishment. It was Bossuet who converted Turenne to the Roman Catholic faith. At the age of thirty-two he returned to Paris and for ten years preached in various churches of the capital and before the court. Bossuet did not look upon his sermons as literary works; many of them were preached extempore, but though most of those which were found and reprinted after his death are mere sketches, they prove that he was a preacher of rare and genuine eloquence.

In 1669 Bossuet was consecrated bishop of Condom, and preached the funeral sermons of Henrietta of France, queen of England and Henrietta of England, duchess of Orléans. He never took possession of his see, for in 1670 he was appointed tutor to the Dolphin. In this new character Bossuet did everything in his power to improve the feeble intellect of his pupil and overcome his aversion for study; it was for his use he composed the Discours sur l'histoire universelle. In 1671 he became a member of the French Academy, and when in 1681 the education of the Dolphin was supposed to be finished, he was made bishop of Meaux He devoted himself to his diocese, preached very frequently in various churches and composed the catechism known as the catéchisme de Meaux. In 1682 he played a prominent part in the great assembly of the clergy which finally settled the relations of the Papacy and the State. It was Bossuet who wrote out the four articles of the declaration, which fixed the long undetermined limits of the spiritual and the temporal power. In the following years he preached the funeral sermons of Marie Thérèse, the queen of Louis XIV (1683), of the Princess Palatine (1685) of the chancellor Michel Le Tellier (1686) and of the prince de Condé (1687). He also composed several treatises on Divinity.

1 We have followed Geruzez, Études. 2 V. p. 63.

3 V. the Introduction p. XLVIII.

* Meaux, a town on the Marne, to the North-East of Paris.

In the latter years of his life Bossuet strenuously combated certain mystical doctrines known by the name of quietism and thus unfortunately found himself opposed to Fénelon, who supported them. He retained his intellectual vigour to the very end of his life and died in 1704.

I. DISCOURS SUR L'HISTOIRE UNIVERSELLE.

Bossuet's Discours sur l'Histoire Universelle is not properly speaking a historical work at all, nor does it, in spite of its title, comprise the history of the world. It is a kind of philosophy of history written from the Roman Catholic point of view, and in a language whose noble grandeur must strike even those who do not share the author's peculiar views. The work comprises three distinct portions:

1o. La suite des Temps, in which Bossuet determines the number and sequence of the historical epochs from the Creation to the time of Charlemagne, grouping them around the history of the Jews and that of the Church.

2o. La suite de la Religion, in which he proves the continual interposition, either direct or indirect, of Providence in human affairs.

3o. La suite des Empires, in which he reviews the migrations of mankind and describes in turn Egypt, the empires of the East, Greece and Rome, appearing and disappearing at the time ordained by God and playing their appointed part in the great drama which culminates in the birth of Christ and the triumph of the true faith.

From this third division we select the following passage.

PARALLÈLE DES RÉPUBLIQUES D'ATHÈNES ET DE LACÉDÉMONE. Parmi toutes les républiques dont la Grèce était composée, Athènes et Lacédémone étaient sans comparaison les principales. On ne peut avoir plus d'esprit qu'on en avait à Athènes, ni plus de force qu'on en avait à Lacédémone. Athènes voulait le plaisir: la vie de Lacédémone était dure et laborieuse. L'une et l'autre aimait la gloire et la liberté; mais à Athènes la liberté tendait naturellement à la licence; et contrainte par des lois sévères à Lacédémone, plus elle était réprimée au dedans, plus elle cherchait à s'étendre en dominant au dehors. Athènes voulait aussi dominer, mais par un autre principe. L'intérêt se mêlait à la gloire. Ses citoyens excellaient dans l'art de naviguer; et la mer, où elle régnait, l'avait enrichie. Pour demeurer seule maîtresse de tout le commerce, il n'y avait rien qu'elle ne voulût assujettir, et ses richesses, qui lui inspiraient ce désir, lui fournissaient le moyen de le satisfaire. Au contraire, à Lacédémone, l'argent était méprisé. Comme toutes ses lois tendaient à en faire une république guerrière, la gloire des armes était le seul charme dont les esprits de ses citoyens fussent possédés. Dès là, 2 elle voulait naturellement dominer et plus elle était au-dessus de l'intérêt, plus elle s'abandonnait à l'ambition.

Lacédémone, par sa vie réglée, était ferme dans ses maximes et dans ses desseins. Athènes était plus vive, et le peuple y était trop maître. La philosophie et les lois faisaient à la vérité de beaux effets dans des naturels si exquis; 3 mais la raison toute seule n'était pas capable de les retenir. Un sage Athénien, et qui connaissait parfaitement le naturel de son pays, nous apprend que la crainte était I. e. force d'âme, énergie.

2 This expression has fallen into disuse; we should say: c'est pourquoi.
More commonly: des naturels si heureux.
+ Plato.

5 Nowadays we should say: Un sage Athénien qui connaissait, etc.

nécessaire à ces esprits trop vifs et trop libres, et qu'il n'y eut plus moyen de les gouverner, quand la victoire de Salamine les eut rassurés contre les Perses.

Alors deux choses les perdirent: la gloire de leurs belles actions, et la sûreté où ils croyaient être. Les magistrats n'étaient plus écoutés; et comme la Perse était affligée par une excessive sujétion, Athènes, dit Platon, ressentit les maux d'une liberté excessive.

Ces deux grandes républiques, si contraires dans leurs mœurs et dans leur conduite, s'embarrassaient l'une l'autre dans le dessein qu'elles avaient d'assujettir toute la Grèce; de sorte qu'elles étaient toujours ennemies, plus encore par la contrariété de leurs intérêts, que par l'incompatibilité de leurs humeurs.

Les villes grecques ne voulaient la domination ni de l'une ni de l'autre; car, outre que chacun souhaitait pouvoir conserver sa liberté, elles trouvaient l'empire de ces deux républiques trop fâcheux. Celui de Lacédémone était dur. On remarquait dans son peuple je ne sais quoi de farouche. Un gouvernement trop rigide et une vie trop laborieuse y rendait les esprits trop fiers, trop austères et trop impérieux; joint qu'il fallait se résoudre à n'être jamais en paix sous l'empire d'une ville qui, étant formée pour la guerre, ne pouvait se conserver qu'en la continuant sans relâche. Ainsi, les Lacédémoniens voulaient commander, et tout le monde craignait qu'ils ne commandassent. Les Athéniens étaient naturellement plus doux et plus agréables. Il n'y avait rien de plus délicieux à voir que leur ville, où les fêtes et les jeux étaient perpétuels; où l'esprit, où la liberté et les passions donnaient tous les jours de nouveaux spectacles. Mais leur conduite inégale déplaisait à leurs alliés, et était encore plus insupportable à leurs sujets. Il fallait essuyer les bizarreries d'un peuple flatté, c'est-à-dire, selon Platon, quelque chose de plus dangereux que celles d'un prince gâté par la flatterie.

Ces deux villes ne permettaient point à la Grèce de demeurer en repos. Vous avez vu la guerre du Péloponnèse et les autres toujours causées ou entretenues par les jalousies de Lacédémone et d'Athènes. Mais ces mêmes jalousies, qui troublaient la Grèce, la soutenaient en quelque façon, et l'empêchaient de tomber dans la dépendance de l'une ou de l'autre de ces républiques.

II. ORAISON FUNÈBRE DE LOUIS DE BOURBON, PRINCE DE CONDÉ.

(1696.)

The great Condé, who bore at first the title of duke of Enghien3, was born at Paris in 1621 and died in 1686. At an early age he showed that he was possessed of great military talents, and having when only 22 years old been appointed commander-in-chief of the French troops he defeated at Rocroi (1643), near the frontier of Luxembourg, a Spanish army of greatly superior numbers, including the flower of their infantry. In the following year he vanquished the Imperial troops at Freiburg in the Breisgau; in 1645 he gained, aided by the Hessians, the battle of Nördlingen in Bavaria. He was less fortunate in Catalonia and failed to take the Joint que is an archaïsm. Nowadays we say: outre que. 2 I. v. et de mœurs plus agréables. 3 Pronounce: an-gen(g).

town of Lerida, but soon after he defeated the archduke Leopold at Lens in Flanders. During the disturbances of the Fronde, Condé, who had at first taken the side of the court, went over to its enemies; in 1650 he was arrested and remained a prisoner for more than a year. When he was set free he collected an army, defeated the royal troops at Gien on the Loire, marched on Paris but was beaten by Turenne in the suburb of St-Antoine and forced to retreat (1652). After this mishap he joined the Spaniards and did not return to France till the Peace of the Pyrenees (1659). In 1668 Condé conquered the Franche-Comté in the space of three weeks; he also took a glorious share in the campaign of 1672 against the Dutch. His last feat was the battle of Senef in Hainaut, after which both he and the prince of Orange claimed the victory. From this time he lived in retirement at Chantilly near Paris, studying literature and enjoying the society of Molière, Racine and Boileau.

The funeral sermon of the prince de Condé is the last and the most famous that Bossuet composed. Valour is nothing without religion, to rule over men is but vanity if we do not serve God, is the maxim developed in this magnificent speech. We reprint the exordium, the passage on the battle of Rocroi and the péroraison or conclusion.

I. EXORDE.

Au moment que j'ouvre la bouche pour célébrer la gloire immortelle de Louis de Bourbon, prince de Condé, je me sens également confondu, et par la grandeur du sujet, et, s'il m'est permis de l'avouer, par l'inutilité du travail. Quelle partie du monde habitable n'a pas ouï1 les victoires du prince de Condé et les merveilles de sa vie! On les raconte partout; le Français qui les vante n'apprend rien à l'étranger; et quoi que je puisse aujourd'hui vous en rapporter, toujours prévenu par vos pensées, j'aurai encore à répondre au secret reproche que vous me ferez d'être demeuré beaucoup au-dessous. Nous ne pouvons rien, faibles orateurs, pour la gloire des âmes extraordinaires: le sage a raison de dire que »leurs seules actions les peuvent louer:<<2 toute autre louange languit auprès des grands noms, et la seule simplicité d'un récit fidèle pourrait soutenir la gloire du prince de Condé. Mais en attendant que l'histoire, qui doit ce récit aux siècles futurs, le fasse paraître, il faut satisfaire comme nous pourrons à la reconnaissance publique et aux ordres du plus grand de tous les rois. Que ne doit point le royaume à un prince qui a honoré la maison de France, tout le nom français, son siècle et, pour ainsi dire l'humanité tout entière? Louis le Grand est entré lui-même dans ces sentiments. Après avoir pleuré ce grand homme et lui avoir donné par ses larmes, au milieu de toute sa cour, le plus glorieux éloge qu'il pût recevoir, il assemble dans un temple si célèbre ce que son royaume a de plus auguste, pour y rendre des devoirs publics à la mémoire de ce prince, et il veut que ma faible voix anime toutes ces tristes représentations et tout cet appareil funèbre. Faisons donc cet effort sur notre douleur. Ici un plus grand objet et plus digne de cette chaire se présente à ma pensée: c'est Dieu qui fait les guerriers et les conquérants. »>C'est vous, lui disait David, qui avez instruit mes mains à combattre, et mes doigts à tenir l'épée.« S'il inspire le courage, il ne donne pas moins les autres grandes qualités naturelles et surnaturelles et du cœur et de l'esprit. Tout part de sa puissante main: c'est lui qui envoie du 1 V. page 73, note 1. 2 Prov. c. 31, v. 31.

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