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Que de prier le ciel qu'il vous aide en ceci?
J'espère qu'il aura de vous quelque souci.1
Ayant parlé de cette sorte,

Le nouveau saint ferma sa porte.
Qui désigné-je, à votre avis,
Par ce rat si peu secourable?

Un moine? Non, mais un dervis:

Je suppose qu'un moine est toujours charitable.

BOOK VIII.

La Mort et le Mourant, with which the eighth book opens, is one of the most beautiful, as it certainly is the gravest of La Fontaine's fables. It is followed by a specimen of his most lively humour, le Savetier et le Financier, which we reprint. We notice also in the same book: l'Ours et l'Amateur des jardins (fab. 10), which teaches us that a wise enemy is often better than a clumsy friend and illustrates the saying: Save me from my friends, and le Torrent et la Rivière (fab. 23) whose moral is: appearances are deceitful, or still waters run deep.

LE SAVETIER ET LE FINANCIER.

Un savetier chantait du matin jusqu'au soir:
C'était merveille de le voir,

Merveille de l'ouïr; il faisait des passages,2
Plus content qu'aucun des sept sages.
Son voisin, au contraire, étant tout cousu d'or,
Chantait peu, dormait moins encor:

C'était un homme de finance.

Si sur le point du jour parfois il sommeillait,
Le savetier alors en chantant l'éveillait;
Et le financier se plaignait

Que les soins de la Providence
N'eussent pas au marché fait vendre le dormir,
Comme le manger et le boire.

En son hôtel il fait venir

Le chanteur, et lui dit: Or çà, sire Grégoire,
Que gagnez-vous par an? Par an! ma foi, monsieur,

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Dit avec un ton de rieur

Le gaillard savetier, ce n'est point ma manière
De compter de la sorte; et je n'entasse guère
Un jour sur l'autre: il suffit qu'à la fin
J'attrape le bout de l'année;

Chaque jour amène son pain.

Eh bien! que gagnez-vous, dites-moi, par journée?
Tantôt plus, tantôt moins: le mal est que toujours
(Et sans cela nos gains seraient assez honnêtes),
Le mal est que dans l'an s'entremêlent des jours
Qu'il faut chômer; on nous ruine en fêtes;
L'une fait tort à l'autre; et monsieur le curé
De quelque nouveau saint charge toujours son prône.
Le financier, riant de sa naïveté,

1 Here souci is used in the sense of soin.

2 I. c. des roulements de voix, des roulades, he used to shake and trill.

Lui dit: Je vous veux mettre aujourd'hui sur le trône.
Prenez ces cent écus; gardez-les avec soin,

Pour vous en servir au besoin.

Le savetier crut voir tout l'argent que la terre
Avait, depuis plus de cent ans,
Produit pour l'usage des gens.

Il retourne chez lui: dans sa cave il enserre1
L'argent et sa joie à la fois.

Plus de chant: il perdit la voix

Du moment qu'il gagna ce qui cause nos peines.
Le sommeil quitta son logis:

Il eut pour hôtes les soucis,

Les soupçons, les alarmes vaines.

Tout le jour il avait l'œil au guet; et la nuit
Si quelque chat faisait du bruit,

Le chat prenait l'argent. A la fin le pauvre homme
S'en courut chez celui qu'il ne réveillait plus:
Rendez-moi, lui dit-il, mes chansons et mon somme,
Et reprenez vos cent écus.

BOOK IX.

In the ninth book we mention les deux Pigeons (fab. 2), a touching picture of true friendship and especially noticeable for the lively description of the perils encountered by the carrier-pigeon, le Gland et la Citrouille (fab. 4), l'Huître et les Plaideurs (fab. 9) which teaches us that a lawsuit is the surest way to ruin, and lastly le Singe et le Chat (fab. 16), which has given rise to the expression: tirer les marrons du feu and is the origin of the English phrase to make a cat's paw of a person.

BOOK X.

Undoubtedly the finest fable of this book is l'Homme et la Couleuvre (fab. 2), a bitter satire on the hard-heartedness and selfish pride, which the great of the earth too often display towards their dependants. We mention besides the pretty story le Berger et le Roi (fab. 10) and le Marchand, le Gentilhomme, le Pâtre et le Fils de Roi (fab. 16), which teaches how good it is to have learnt a craft.

BOOK XI.

The eleventh book, made up of fables which La Fontaine wrote when he was nearing old age, contains two masterpieces: le Paysan du Danube (fab. 7) and le Vieillard et les trois jeunes Hommes (fab. 8).

BOOK XII.

In the twelfth book, composed of fables which La Fontaine wrote at the age of sixty and above, we become more sensible of the decay of the poet's powers, though we are still occasionally reminded of his old style in le Thésauriseur et le Singe (fab. 3), le vieux Chat et la jeune Souris (fab. 5) and especially in le Corbeau, la Gazelle, la Tortue et le Rat (fab. 15).

Enserrer is a word of somewhat rare occurrence, derived from the Latin sera (a lock, bolt, bar); its meaning is to shut in.

MME DE SÉVIGNÉ.

SKETCH OF HER LIFE AND WORKS.1

MARIE DE RABUTIN CHANTAL, marchioness de SÉVIGNÉ, was

born at Paris on the fifth of February 1626. Having lost her father a year and a half after her birth and her mother at the age of seven, she was brought up by her grandfather on the mother's side and later on by her uncle the abbé de Coulanges. At an early age she showed signs of great cleverness, and her natural gifts were carefully developed by Ménage and Chapelain,2 who taught her Latin and the rudiments of literature. Subsequently she learnt Italian and perfected her taste by the constant study of the best authors.

When she was eighteen Mlle de Rabutin married the marquis de Sévigné, a major-general in the French army and a man of luxurious and dissipated habits, who seven years later was killed in a duel. Thus Mme de Sévigné was left a widow at the early age of twentyfive; she had one son and one daughter, to whom she was a devoted mother. In 1651 she came to Paris, became one of the précieuses3 and began to go into society, where her charming manners and ready wit rendered her very popular. In 1669 she married her daughter to François Adhémar, count de Grignan, who two years later was appointed by the king lieutenant-general of Provence. It was a cruel blow to Mme de Sévigné to have to part from her beloved child, but she tried to make up for her loss by keeping up an active correspondence, and her letters to her daughter together with many others addressed to various friends were published after her death. Mme de Sévigné's letters are to this day regarded as a model of epistolary composition. Her style is easy and graceful, her expressions are always to the point, and her talent for description is most remarkable. Most of these letters are interesting from an historical point of view, many of them relate some piquant trait or anecdote characteristic of the life of the nobility or the court of Louis XIV; some contain allusions to the leading characters of the time and all bear in the highest degree the stamp of truth and sincerity.

Mme de Sévigné died of small-pox on the 17th of April 1696; she was at the time staying in Provence with her daughter, who nine years later was carried off by the same disease.

LETTRE ADRESSÉE A M. DE POMPONE (59).

Lundi, 1er décembre 1664. Il y a deux jours que tout le monde croyait que l'on voulait tirer l'affaire de M. Fouquets en longueur; présentement ce n'est plus la même chose, c'est tout le contraire: on presse extraordinairement les

We have followed the Biographie universelle and the Notice heading the new edition of Mme de Sévigné's Letters (Les grands écrivains de la France published under the direction of M. Regnier). Our text is that of the authentic version restored by M. Monmerqué.

2 V. page 63, note 4. 3 V. page 63.

V. page 147, note 10. 5 V. page 125, the sketch of the life and works of La Fontaine.

interrogations. Ce matin M. le chancelier a pris son papier, et a lu, comme une liste, dix chefs d'accusation, sur quoi il ne donnait pas le loisir de répondre. M. Fouquet a dit: »Monsieur, je ne prétends point tirer les choses en longueur; mais je vous supplie de me donner loisir de répondre. Vous m'interrogez, et il semble que vous ne vouliez pas écouter ma réponse; il m'est important que je parle. Il y a plusieurs articles qu'il faut que j'éclaircisse, et il est juste que je réponde sur tous ceux qui sont dans mon procès.« Il a donc fallu l'entendre, contre le gré des malintentionnés; car il est certain qu'ils ne sauraient souffrir qu'il se défende si bien. Il a fort bien répondu sur tous les chefs. On continuera de suite, et la chose ira si vite, que je crois que les interrogations finiront cette semaine. Je viens de souper à l'hôtel de Nevers; nous avons bien causé, la maîtresse du logis 2 et moi, sur ce chapitre. Nous sommes dans des inquiétudes qu'il n'y a que vous qui puissiez comprendre; car pour toute la famille du malheureux, la tranquillité et l'espérance y règnent.

Je viens de recevoir votre lettre; elle vaut mieux que tout ce que je puis jamais écrire. Vous mettez ma modestie à une trop grande épreuve, en me mandant de quelle manière je suis avec vous et avec notre cher solitaire. Il me semble que je le vois et que je l'entends dire ce que vous me mandez. Je suis au désespoir que ce ne soit pas moi qui aie dit: La métamorphose de Pierrots en Tartuffe. Cela est si naturellement dit que si j'avais autant d'esprit que vous m'en croyez, je l'aurais trouvé au bout de ma plume.

Il faut que je vous conte une petite historiette, qui est très-vraie, et qui vous divertira. Le Roi se mêle depuis peu de faire des vers; MM. de Saint-Aignan et Dangeau lui apprennent comme il s'y faut prendre. Il fit l'autre jour un petit madrigal, que lui-même ne trouva pas trop joli. Un matin il dit au maréchal de Gramont5: >>Monsieur le maréchal, je vous prie, lisez ce petit madrigal, et voyez si vous en avez jamais vu un si impertinent. Parce qu'on sait que depuis peu j'aime les vers, on m'en apporte de toutes les façons.<< Le maréchal, après avoir lu, dit au roi: »Sire, Votre Majesté juge divinement bien de toutes choses: il est vrai que voilà le plus sot et le plus ridicule madrigal que j'aie jamais lu.« Le Roi se mit à rire, et lui dit: »N'est-il pas vrai que celui qui l'a fait est bien fat? - Sire, il n'y a pas moyen de lui donner un autre nom. Oh bien! dit le Roi, je suis ravi que vous m'en ayez parlé si bonnement; c'est moi qui l'ai fait. Ah! Sire, quelle trahison! que Votre Majesté me le rende; je l'ai lu brusquement. Non, Monsieur le maréchal: les premiers sentiments sont toujours les plus naturels.<«< Le Roi a fort ri de cette folie, et tout le monde trouve que voilà la plus cruelle petite chose que l'on puisse faire à un vieux courtisan. Pour moi, qui aime toujours à faire des réflexions, je voudrais que le Roi en fit là-dessus, et qu'il jugeât par là combien il est loin de connaître jamais la vérité.

2 Mme du Plessis-Guénégaud. Séguier, who was called Pierre.

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1 I. e. chefs d'accusation. 3 Nickname of the chancellor The marquis de Dangeau, elected a member of the French Academy in 1688.

3 Antoine III, duc de Gramont, had been a marshal of France since 1641.

LETTRES ADRESSÉES A M. DE COULANGES.

I. (121.)

3

A Paris, ce lundi 150 décembre1 1670. Je m'en vais vous mander la chose la plus étonnante, la plus surprenante, la plus merveilleuse, la plus miraculeuse, la plus triomphante, la plus étourdissante, la plus inouïe, la plus singulière, la plus extraordinaire, la plus incroyable, la plus imprévue, la plus grande, la plus petite, la plus rare, la plus commune, la plus éclatante, la plus secrète jusqu'aujourd'hui, la plus brillante, la plus digne d'envie: enfin une chose dont on ne trouve qu'un exemple dans les siècles passés, encore cet exemple n'est-il pas juste; 2 une chose que l'on ne peut pas croire à Paris (comment la pourrait-on croire à Lyon?); une chose qui fait crier miséricorde à tout le monde; une chose qui comble de joie madame de Rohan et madame d'Hauterive; une chose enfin qui se fera dimanche, où ceux qui la verront croiront avoir la berlue;4 une chose qui se fera dimanche, et qui ne sera peut-être pas faite lundi. Je ne puis me résoudre à la dire; devinez-la: je vous le donne en trois. Jetez-vous votre langue aux chiens? Eh bien! il faut donc vous la dire: M. de Lauzun5 épouse dimanche au Louvre, devinez qui? Je vous le donne en quatre, je vous le donne en dix, je vous le donne en cent. Madame de Coulanges dit: »Voilà qui est bien difficile à deviner; c'est madame de la Vallière. - Point du tout, Madame. C'est donc mademoiselle de Retz?7 Point du tout, vous êtes bien provinciale. Vraiment nous sommes bien bêtes, dites-vous, c'est mademoiselle Colbert. Encore moins. C'est assurément mademoiselle de Créquy. Vous, n'y êtes pas. < Il faut donc à la fin vous le dire: il épouse, dimanche, au Louvre, avec la permission du Roi, Mademoiselle, Mademoiselle de... Mademoiselle... devinez le nom: il épouse Mademoiselle, ma foi! par ma foi! ma foi jurée! MADEMOISELLE, la grande Mademoiselle; Mademoiselle, fille de feu MONSIEUR;8

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The use of the demonstrative ce before the day of the week and of the ordinal numeral for the day of the month has fallen into disuse. Nowadays we should say: lundi 15 (quinze) décembre.

2 Alluding to Mary, sister of Henry VIII, who three months after the death of her husband Louis XII, king of France, married Charles Brandon, duke of Suffolk. Mme de Sévigné apparently forgot Catherine of France, the widow of Henry V, who married Owen Tudor.

The duchess de Rohan had fallen in love with and married a young gentleman without any fortune; Mme d'Hauterive was the daughter of the duke de Villeroi, and had married her husband in spite of her father's opposition. A very familiar expression.

The duke de Lauzun (1632-1723) was for a long time a favourite of Louis XIV; but in 1671 having offended Mme de Montespan, the king's mistress, he fell into disgrace. After being imprisoned for ten years at Pignerol, he was sent into exile. He returned in 1688, having been commissioned by James II on the outbreak of the revolution, to escort his queen to France. The manner in which he acquitted himself of this dangerous task procured his pardon from Louis XIV.

For a long time the favourite of Louis XIV.

7 The niece of the famous cardinal de Retz, the historian of the Fronde. 8 Gaston de France, duke of Orléans, brother of Louis XIII, who died in 1660. The name Monsieur, was given par excellence to the eldest

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