Page images
PDF
EPUB

LES ALGUES MARINES

DU NORD DE LA FRANCE,

Par M. F. DEBRAY.

I.

Les seuls catalogues d'algues marines des côtes françaises de la Manche qui aient été dressés sont ceux de Crouan et de Le Jolis. Le premier ne mentionne que les algues du Finistère, le second ne contient que les algues des environs immédiats de Cherbourg. En dehors de ces catalogues, i n'existe, à notre connaissance, que quelques exsiccata, pour la plupart fort anciens, presque perdus aujourd'hui pour le public, à l'exception de celui de Desmazières. Il nous a été possible de consulter cette dernière collection grâce à l'extrême bienveillance de M. le professeur Giard. La collection de Desmazières, propriété de la Société des Sciences, nous a été d'un précieux secours pour les indications de localités qu'elle nous a fournies.

Le travail de Crouan et celui de Le Jolis n'ont jamais été reliés ensemble par l'observation de la flore marine des stations intermédiaires, prises dans l'intervalle de l'im

mense étendue de côte qui sépare le Finistère de la pointe nord de la presqu'ile du Cotentin.

Si les observations manquent sur la flore algologique marine de la région occidentale de la Manche, notre ignorance est plus grande encore en ce qui concerne la flore de la partie orientale de cette mer. En particulier, il n'existait presqu'aucune indication sur la végétation marine de la partie de la côte qui s'étend entre Dunkerque et l'embouchure de la Seine. Conduit par nos études spéciales à étudier les algues marines, nous nous sommes proposé de combler cette lacune de nos connaissances botaniques, et, malgré les faibles ressources dont nous disposions, nous avons entrepris l'exploration de cette côte dont le développement ne mesure pas moins de trois cents kilomètres. En premier lieu, nous nous sommes efforcés de nous faire une idée de la physionomie générale de la flore marine de toute cette portion du littoral, en venant explorer ses points principaux aux diverses époques de l'année. Ce travail préliminaire achevé, nous pûmes distinguer dans toute cette étendue de côte un certain nombre de localités types; il nous fut dès lors possible, en quelque sorte, de nous fixer à nous-mêmes un ordre plus logique de recherches, en rapport du reste avec les moyens limités dont nous pouvions disposer. Il ne nous restait plus qu'à reprendre une à une chacune des localités types dont nous avions reconnu l'existence. La région la plus importante peut-être à étudier est celle qui s'étend du Blanc-Nez au Tréport; c'est celle que nous avons prise comme première partie de notre exploration algologique. En outre de sa richesse végétale, deux considérations nous ont fait choisir cette région comme base de nos études. M. R. Moniez a publié, il y a deux ans, une liste des algues qu'il a recueillies à la station maritime de Wimereux, et, d'autre part, la proximité de cette station dont les ressources étaient mises à notre entière disposition par M. le professeur Giard, nous permettait de prendre là, plus facilement que partout ailleurs,

une base première, la meilleure possible, pour nos recherches ultérieures.

Dans le présent travail, nous ferons connaître le résultat de nos recherches personnelles seulement sur la partie de la côte qui s'étend entre le Blanc-Nez et le Tréport. Sur ces cent-cinquante kilomètres de côte, nous avons exploré chaque point aux différents mois de l'année. Faute d'embarcation, notre exploration a dû se borner à ce que nous avons pu récolter sur la partie de la plage que les eaux laissent à découvert au moment des marées. Pour faire descendre notre exploration au-dessous de la zône des laminaires, il aurait fallu draguer; mais les embarcations et les engins nécessaires nous manquaient. En ce qui concerne les algues de fond, nous avons donc dù nous borner à recueillir ce que la mer rejette à la côte après les grandes tempêtes. A ce point de vue, les matériaux que nous avons pu rassembler ont donc été des plus restreints. Toutefois, les grandes tempêtes coïncidant généralement avec les équinoxes, et les algues marines, à ces époques de l'année, étant représentées par de nombreuses espèces différentes, l'exiguité de nos moyens de recherches pour la végétation des grands fonds a été compensée dans une certaine mesure.

D'autre part, étant donné le temps relativement court (deux années) dont nous avons pu disposer pour faire ces recherches, et l'absence d'une installation spéciale pour cultiver les plantes que nous avions pu récolter, nous avons dû borner ce premier travail à la détermination des algues recueillies sur la partie du littoral qui s'étend entre le Blanc-Nez et le Tréport.

II.

La flore marine varie beaucoup suivant la nature chimique des roches et leur désagrégation plus ou moins

rapide; suivant qu'elles sont en gros blocs ou forment une nappe uniforme, suivant que la localité est plus ou moins abritée ou exposée aux tempêtes, suivant que la configuration de la côte favorise ou non un dépôt de vase, que des courants d'eau douce traversent ou non la plage. Nous croyons utile de donner ici une description succincte de la côte.

La partie du littoral que nous nous sommes proposé d'explorer présente une plage de sable de Dunkerque à Sangatte près Calais.

La craie blanche à Micraster commence à Sangatte et se continue jusqu'au cran d'Escalles; entre cette dernière localité et Wissant, nous trouvons d'abord la craie marneuse à Holaster subglobosus, puis de la craie à Ammonites varians et enfin le Gault.

Au nord-ouest comme au sud-est de Wissant, la plage est presque uniquement sablonneuse, et ce sable se continue jusqu'au Gris-Nez où apparaissent les grès Portlandiens.

L'assise portlandienne, composée de grès et de calcaires plus ou moins siliceux, affleure sur la plage jusqu'au sud de Wimereux. C'est à cette assise qu'appartiennent les rochers de la pointe aux oies, de la Rochette, de Croÿ, et en grande partie aussi ceux de la Crèche.

A la Crèche apparaît l'argile Kimmeridjienne, à Ostraea virgula, qui se continue jusqu'au sémaphore du Portel. Dans cette assise, on rencontre quelques bancs calcaires qui ont résisté à la mer et se retrouvent en quelques points de la plage. Le Portlandien reparaît du Portel au cap d'Alprecht.

Du cap d'Alprecht jusqu'un peu au-delà d'Equihem, nous retrouvons l'argile Kimmeridjienne; au sud d'Equihem, la plage est uniformément sablonneuse jusqu'à Ault, au sud de l'embouchure de la Somme.

Les falaises recommencent à Ault et la plage redevient rocheuse. Ces roches de craie blanche s'étendent jusqu'au

« PreviousContinue »