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qu'il puisse s'y produire des marées considérables. C'est là enfin, et non dans le bloc principal, que se sont développés les phénomènes qui, à diverses reprises, sont venus altérer la nature et bouleverser la disposition des couches superficielles, avant de les amener à leur état actuel.

Montpellier, le 6 avril 1882.

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Je viens au nom de la Société des Sciences faire nos derniers adieux à notre aimé et regretté collègue, Jules Houdoy. Si la mort d'un de nos collègues nous est toujours pénible, c'est surtout quand celui que nous perdons, laisse au milieu de nous un aussi grand vide, tant à cause de sa valeur intellectuelle que des liens de la plus vive sympathie et de la plus sincère amitié qui l'unissaient à tous ses collègues.

Jules Houdoy ne nous appartenait que depuis douze ans, et rien ne faisait prévoir qu'il dût nous quitter aussi tôt et aussi inopinément. Permettez-moi, Messieurs, de vous retracer, en quelques mots, la courte mais glorieuse carrière suivie par Houdoy dans le champ des études de l'histoire et des beaux-arts, et vous pourrez comprendre alors combien nos regrets sont sincères et profonds.

Obligé d'interrompre ses études dès la rhétorique par suite de malheurs de famille, Houdoy dut songer, bien

jeune encore, à pourvoir aux nécessités de la vie. Commerçant d'abord à La Bassée, il revint à Lille et y fut l'agent général de la Compagnie d'Assurances, Le Nord, alors à ses débuts. Malgré tous les soins qu'il apportait à l'exercice de ses fonctions, auxquels cette Compagnie d'assurances dut ses premiers succès, ses goûts artistiques l'avaient amené à s'occuper de céramique.

Il y a vingt-cinq ans environ, il fut chargé par M. Riocreux, conservateur du musée de céramique de Sèvres, de faire, pour son compte, des recherches aux archives départementales et municipales sur les anciennes fabriques de faïence de Lille. Il envoya les documents qu'il avait recueillis, à M. Riocreux qui les trouva si importants qu'il engagea Houdoy à les publier lui-même. Cet évènement eut une influence décisive sur le choix des études futures de notre collègue. Ainsi qu'il le disait lui-même dans le discours qu'il prononçait, comme président de la Société des Sciences, dans la séance solennelle de 1880:

« Le hasard joue un grand rôle dans notre existence à >> tous; c'est lui qui m'a conduit pour la première fois et trop tard, hélas! dans cette nécropole historique des » siècles passés qu'on appelle les Archives. J'y pénétrai à » la demande d'un ami pour y faire certaines recherches >>> faciles; au bout de huit jours j'étais pris et séduit; j'y >> retournai pour mon propre compte et c'est là que, >> depuis quinze années, se sont passés tous mes instants >>> de loisir. >>

A l'étude de la céramique lilloise succéda une étude sur les tapisseries de haute lisse fabriquées à Lille. Ces deux publications attirèrent sur Houdoy l'attention de la Société des Sciences, qui lui accorda spontanément, en 1870, une médaille d'or, et, en 1871, se l'attacha plus complètement en le nommant membre titulaire.

Depuis cette époque, Houdoy apporta un large tribut aux Mémoires de la Société. Il avait trouvé dans les Archives de nombreux sujets d'études de toutes natures. Mais il ne se contentait pas de faire connaître purement et simplement les documents inédits qu'il avait su retrouver; chacun de ces documents était pour lui le point de départ d'une étude complète, qu'il développait en continuant ses recherches, en apportant la critique la plus sévère dans la collation et la comparaison des preuves historiques qu'il était amené à rapprocher les unes des autres. Chaque découverte devenait ainsi l'origine d'autres découvertes, à cause de la conscience qu'il apportait dans chacune de ses études.

Successivement, il s'occupait de questions d'histoire ou de jurisprudence, comme dans l'analyse du Manuscrit de Jean Roisin, et ses études sur le Privilège de non confiscation dont jouissait Lille, et sur l'Impôt sur le revenu au XVIe siècle; de questions d'organisation sociale, comme dans son travail sur l'Instruction gratuite et obligatoire à Lille depuis le XVI siècle, sur les Comptes de la ville de Lille de 1317 à 1789; de questions littéraires relatives au vieux français, comme dans la savante et si intéressante étude sur Renard-le-Nouvel de Jacquemars Giélée, dont il a presque révélé l'existence à la génération contemporaine.

Mais c'étaient surtout les questions relatives à l'histoire des beaux-arts dans la Flandre qui avaient pour Houdoy un attrait particulier. Nous avons tous conservé le souvenir de ses intéressantes communications sur les Artistes lillois du XIVe, XVe, XVIe siècles, l'Académie des Arts de Lille, et de la savante et si complète Étude sur la Cathédrale de Cambrai, qu'il parvint à réédifier devant nos yeux, grâce aux documents relatifs surtout à la construction. de cette dernière, qu'il retrouva dans nos archives.

C'est qu'en outre du sens critique, Houdoy possédait un goût très fin pour tout ce qui était du domaine du beau, littérature et beaux-arts. Aussi, pendant longtemps, fit-il

partie, à juste titre, des diverses Commissions chargées d'administrer nos musées; ce fut même lui qui fut le fondateur de notre Musée de Céramique. Il est éminemment regrettable que quelques dissentiments, en l'obligeant à se retirer, aient privé l'Administration de son utile concours.

Esprit droit, élevé, indépendant, il était uni par les liens d'une solide et ancienne amitié à tous les hommes qui ont été ici à la tète du mouvement libéral; mais sa courtoisie, son esprit de tolérance le rendaient non moins sympathique à tous ceux qui avaient avec lui des relations scientifiques ou littéraires, quelles que fussent leurs opinions.

Arrivé par son travail à l'indépendance sous le rapport de la fortune, n'ayant plus de soucis pour l'avenir de ses enfants, ayant à côté de lui un fils, un gendre dignes de leur père à tous égards, trouvant dans ses travaux la plus douce distraction; estimé non seulement de ses concitoyens, mais encore au dehors; ayant déjà obtenu les justes distinctions que ses nombreux et savants travaux lui avaient méritées, pouvant en espérer encore de plus élevées, il croyait devoir encore passer de nombreuses années dans un bonheur tranquille de tous les instants. Une maladie implacable est venue miner peu à peu une santé en apparence si robuste. Mais, ni la douleur, ni la fin prématurée qui devaient l'enlever si tôt à une existence aussi heureuse, ne l'ont trouvé ni faible, ni désarmé. Se reposant sur la conscience qu'il avait d'avoir rempli tous ses devoirs, de fils, d'époux, de père, de citoyen; heureux d'avoir apporté son tribut au développement des connaissances humaines, il attendit la mort de pied ferme, en la défiant de l'abattre. Il est tombé debout.

Tel fut celui que nous regrettons aujourd'hui, et vous devez comprendre, par conséquent, Messieurs, combien profonde est notre douleur.

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