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DISCOURS

PRONONCÉ LE 8 AOUT 1882

SUR LA TOMBE DE M. GEORGES CANNISSIÉ

PAR

M. JULES DELIGNE, Président..

MESSIEURS,

Avant d'adresser l'adieu suprême à notre vénéré confrère, permettez-moi de saluer le nom qu'il portait, et dont il aurait eu le droit d'ètre fier s'il avait été moins modeste, car ce nom sera toujours cher à la cité où l'on sait honorer à la fois la science et les beaux-arts, le commerce et l'industrie, où l'on sait apprécier par dessus tout la droiture du cœur, la générosité des sentiments, l'honnêteté du caractère.

Des frères Cannissié, Georges est le seul qui nous ait appartenu, mais, je ne doute pas, Messieurs, que les autres eussent obtenu comme lui vos suffrages, s'ils les avaient sollicités. Je suis donc certain d'être votre interprête, en

associant dans nos regrets l'éminent architecte, restaurateur de l'église Saint-Maurice, au savant qui fut des nôtres, et dont nous garderons le meilleur souvenir.

A une époque où la linguistique n'était pas encore l'objet d'une étude aussi approfondie qu'elle l'a été depuis, Georges Cannissié lui consacrait déjà sa vie presque entière. Aussi a-t-il été récompensé de son travail opiniâtre par l'estime des juges les plus compétents en matière de philologie comparée. Dirai-je que sa passion pour l'étude des langues eut à souffrir des labeurs du professorat privé auquel il dut se livrer? Non, car le plaisir d'apprendre pour sa propre satisfaction est complété par celui d'apprendre pour l'instruction d'autrui, et le second est même plus délicat premier puisqu'on ne saurait le taxer d'égoïsme.

que

le

D'ailleurs, Cannissié ne se bornait pas à se rendre compte du mécanisme des idiomes dans lesquels il cherchait surtout à juger l'expression du sentiment et de la pensée. Lorsqu'après avoir, pour ainsi dire, disséqué un texte par une minutieuse analyse, il en réunissait les membres pour leur rendre la vie au soufle de son imagination; il savait si bien communiquer à ses élèves la chaleur de son enthousiasme que, plus d'une fois pour ne citer qu'un exemple, l'un d'eux, devenu notre confrère, s'est inspiré de ses réminiscences pour revêtir des charmes de la poésie quelques fragments de la littérature allemande.

Linguiste et littérateur, c'est à ce double titre que Cannissié fut admis en 1852 dans la Société des Sciences. où il exerça pendant six années consécutives la fonction de secrétaire de correspondance. Souvent il fut appelé à faire partie des Commissions chargées de juger nos concours de poésie, et ses collègues n'ont pas oublié quel soin scrupuleux il apportait à cet examen, comme beaucoup d'entre nous aiment encore à se représenter cet excellent confrère

devisant avec une ardeur juvénile, ou discutant les questions de linguistique avec une verve intarissable qu'alimentait une étonnante mémoire. Hélas! « vaincu du temps », il lui fallut renoncer à nos séances, et, depuis deux ans, il n'était plus pour nous qu'un souvenir, mais un souvenir que nous avons élevé à la hauteur d'un hommage en décernant à Cannissié le titre de membre honoraire.

Cher et vénéré confrère, Dieu, dans sa miséricorde, t'a ménagé la récompense qu'il tient toujours en réserve pour les hommes de bonne volonté, en te faisant voir à la lumière de la foi des vérités dont maintenant, nous en avons la ferme espérance, tu connais toute la réalité.

C'a été aussi pour nous une consolation, pendant ta longue maladie, de te savoir entouré des soins les plus affectueux, et qui ont certainement contribué à diminuer le poids de tes souffrances.

Au nom de la famille qui vénérait en toi le dernier survivant de ses honorables ascendants, au nom de tes confrères, au nom de tes amis, adieu, Cannissié, adieu!

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