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Les conditions de légitimité de la classification se réduisent également à quelque chose de bien simple. Ne renfermer dans l'ordre auquel on les ramène des choses semblables entre elles, les y renfermer toutes et elles seules, et ne point y faire entrer violemment celles qui par leur nature s'y refusent.

que

On a élevé sur les genres et les espèces un problême que les écoles de philosophie ont résolu bien diversement. On a demandé si les genres et les espèces étaient dans la nature. Dans l'antiquité grecque, Platon s'était prononcé pour l'affirmative, Zénon pour la négative. Au moyen-âge, la querelle se renouvela entre les réalistes et les nominalistes. Ici encore, comme dans la plupart des discussions, il y avait du vrai des deux parts. Les genres et les espèces sont-ils dans la nature? Oui et non. Si par-là vous n'entendez rien autre chose qu'une collection d'individus dans lesquels l'esprit considère non ce que chacun a de particulier, mais bien ce que tous ont de commun, dans ce sens, oui les genres et les espèces sont dans la nature. Mais si par genres et par espèces vous entendez quelque chose d'existant indépendamment et en-dehors des individus, alors les genres et les espèces ne sont pas dans la nature. Parmi les idées générales, les seules qui aient un objet

réel qui leur corresponde directement, sont les idées nécessaires, comme par exemple, les idées du temps, de l'espace, de l'infini. Les idées générales contingentes n'ont point de type réel réel qui leur corresponde directement, mais elles se rapportent indirectement à tels et tels individus dont l'ensemble donne lieu à l'idée générale, comme, par exemple, l'idée d'homme, l'idée d'arbre. Là se trouve, à notre sens, la solution du fameux problême des universaux a parte mentis et a parte rei.

Auteurs à consulter: Condillac, Art de penser, ch. 18. Locke, liv. 3. Laromiguière, t. 1, leç. 12 et 13. Logique de PortRoyal, part. 1, ch. 6 et 7, et part. 2, ch. 15 et 16. Laromiguière, t. 2, leç. 12. Damiron, Traité de logique, p. 100–116. — Id., ibid., 116-124.

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CHAPITRE III.

De la certitude en général ', et des différentes sortes de certitudes.

Ce qui constitue la certitude selon sa notion la plus étendue, c'est, dit Lamennais, « l'infail» faillible assurance de percevoir actuellement » le vrai, de le connaître et de le posséder. »

Voir sur la question de la certitude et du scepticisme le t. 2 de mes Etudes philosophiques.

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Défense de l'Essai.

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Le problème de la certitude en général ne saurait être résolu par la discussion ou le raisonnement, mais par un simple acte de croyance spontanée. «< En effet, dit M. Jouffroy', nous >> ne pouvons rien démontrer qu'avec notre intelligence; or, notre intelligence ne peut être >> reçue à démontrer la véracité de notre intelli» gence; car, pour croire à la démonstration, >> il faudrait admettre en principe ce que la dé»monstration aurait pour objet de prouver, la » véracité de l'intelligence, ce qui serait un cercle >> vicieux. >>

La question de droit doit donc être écartée ici, et la question de fait seule peut être maintenue. Or, cette question se résout par l'affirmative. En fait, l'humanité croit. A-t-elle raison de croire? oui, disons-nous avec la majorité des philosophes, puisque croire est une tendance irrésistible de notre constitution, une loi impérieuse de notre nature morale. Non, disent quelques écoles philosophiques anciennes et modernes, puisqu'il est impossible de démontrer la véracité de l'intelligence humaine. Ces écoles ont été appelées sceptiques.

Le septicisme absolu vient échouer contre un

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triple écueil 1° Il repose sur un paralogisme, puisque, s'il n'y a rien de certain pour l'esprit, il ne peut être certain qu'il faille douter de tout; 2o il aboutit à une contradiction; car sa formule définitive équivaut à cette proposition : je doute que je doute de tout, je sais que je ne sais rien ; 3o enfin il trouve sa réfutation dans les actes de ceux-là même qui le proposaient dans leurs écrits. Sceptiques dans leurs livres et leurs enseignements, ils redevenaient dogmatiques dans les relations de la vie ordinaire, et, sous се rapport, leurs actes de tous les jours et de tous les instants étaient le plus puissant argument à opposer à leurs doctrines. L'homme démentait victorieusement en eux le philosophe.

Il suit de ces réflexions sur le scepticisme, qu'il ne saurait être admis d'une manière absolue, et que le doute peut être un moyen pour l'esprit, non un but. C'est à ce titre et à ce titre seul que l'accepte Descartes dans ses Méditations et dans son discours de la Méthode.

La vérité n'est pas un bien dont la raison humaine ait été complétement déshéritée, ainsi que l'a prétendu le septicisme; mais, d'autre part aussi, il faut reconnaître qu'il n'est donné à l'intelligence humaine d'atteindre la vérité que dans de certaines limites. Considérée abstractivement de l'humanité et de ses passions, la raison est

absolue, éternelle, infaillible. Telle elle existe au sein de la divinité, dont elle constitue l'essence. Mais dans l'homme, viciée par le contact des passions et des sens, elle perd son caractère d'absolu, d'éternité, d'infaillibilité, pour tomber sous la loi de la relation du temps, de l'erreur. Toutefois, comme l'erreur absolue ne saurait se concevoir, et qu'au fond des plus déplorables aberrations il y a toujours quelque chose de vrai, il faut reconnaître qu'à l'état humain, la raison peut encore atteindre à la vérité, non pas à la vérité absolue, mais à la vérité en une certaine mesure. Telle est, en ce monde, la condition de l'homme, résultat fatal de l'union de la matière avec l'esprit.

La certitude résulte, pour l'esprit, de l'évidence dans les choses. On dit d'une chose qu'elle est évidente (evideri) quand elle se montre avec une clarté qui ne laisse lieu ni au doute ni à l'hésitation. Parmi les divers criterium de vérité adoptés par les différentes écoles philosophiques, l'évidence est celui de l'école carté

sienne.

L'évidence peut être ou intuitive ou discursive, et la certitude participe de ces deux caractères. La certitude intuitive porte sur les choses que nous connaissons immédiatement ou de première vue; la certitude discursive, sur des

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