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CHAPITRE VI.

Quels sont les principaux philosophes scolastiques?

I. La scolastique est la philosophie du moyenâge. Or, le moyen-âge s'étend depuis la fin du huitième siècle jusqu'au seizième, de Charlemagne à Luther. La durée de la scolastique fut donc d'environ huit cents années'.

II. On peut distinguer trois moments dans la scolastique: 1° subordination absolue de la philosophie à la théologie; 2° alliance de la philosophie et de la théologie; 3° commencement d'une séparation, faible d'abord, mais qui peuà-peu grandit, s'étend et aboutit à la philosophie moderne.

III. Les principaux maîtres de la scolastique pendant la première époque sont, sans compter Alcuin, qui en est le point de départ, ScottErigène, Saint-Anselme de Cantorbéry, Béranger de Tours, Lanfranc de Pavie, Hildebert de Tours, Abailard et son école, Pierre de

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Nota. Ce qui suit, jusqu'à la fin du chapitre, est emprunté au Cours d'histoire de la philosophie de M. Cousin,

Novarre, dit le Lombard, et Alain des Iles. It faut remarquer qu'ils sont tous ecclésiastiques, et que leur philosophie est toute religieuse et toute chrétienne. C'est là leur commun caractère; ils ne font tous, sous ce rapport, que commenter cette phrase de Scott-Erigène (de prædestinatione): Il n'y a pas deux études, l'une de la philosophie, l'autre de la religion; la vraie philosophie est la vraie religion, et la vraie religion est la vraie philosophie. Alain des Iles, moine de Clairvaux, élève de SaintBernard, et qui ferme cette époque de la scolastique, en 1203, parle comme Erigène qui la commence Quid est de philosophia tractare, nisi veræ religionis, qua summa et principalis omnium rerum causa, Deus, et humiliter colitur et rationabiliter investigatur, regulas exponere? Conficitur inde veram esse philosophiam veram religionem, conversimque veram religionem esse veram philosophiam. (Ars fidei catholicæ, dédié au pape Clément III.)

On peut dire que Scott-Erigène se distingue entre tous les autres par son érudition. Il a traduit Denys l'aréopagite et puisé dans son commerce une foule d'idées alexandrines qu'il a développées dans ses deux ouvrages originaux, l'un sur la Prédestination et la Grâce, l'autre sur la Division des êtres.

Le métaphysicien de cette époque est saint Anselme, né à Aoste, en Piémont, prieur et abbé du Bec, en Normandie, mort archevêque de Cantorbéry. Parmi ses nombreux ouvrages, il en est deux dont il faut au moins citer les titres, car les titres en indiquent assez l'esprit, et révèlent un progrès remarquable. Le premier est intitulé Monologium, seu exemplum meditandi de ratione fidei (Monologue ou modèle de la manière dont on peut s'y prendre pour se rendre compte de sa foi); le second s'appelle Proslogium, seu fides quærens intellectum (Allocution, ou la foi qui tente de se démontrer ellemême).

Le grand mérite d'Abailard est d'avoir été beaucoup plus instruit qu'on ne l'était de son temps, et d'avoir joint l'étude de Cicéron à celle de saint Augustin. Son grand ouvrage' a pour titre Introductio ad theologiam christianam. Il paraît que l'originalité de sa théologie consistait.

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Depuis que ceci est écrit, M. Cousin a publié les ouvrages inédits d'Abeilard, et a fait précéder ces documents d'une introduction qui les explique. A cette introduction se rattache un appendice qui termine le volume et qui se compose de notices et extraits de manuscrits inédits de différents auteurs appartenant à la première époque de la scolastique, et dont l'histoire peut servir à éclaircir celle de la philosophie du douzième siècle ou de la dialectique d'Abailard; ces auteurs sont : Raban-Maur, Guillaume de Champeaux, Bernard de Chartres, Honoré d'Autun, Guillaume de Conches, etc., etc.

surtout en ce qu'il donnait pour loi à la volonté de Dieu les attributs mêmes qui sont inhérents à Dieu, comme la justice, la bonté, identifiant ainsi la volonté et la nécessité dans la nature divine. C'est là surtout ce qui lui attira, avec la réfutation de Robert de Palleyn, professeur à l'université d'Oxford, depuis cardinal et chancelier de l'église romaine, les censures plus que sévères de Saint-Bernard. A l'exemple d'Hildebert de Tours, Abailard a aussi consacré un ouvrage particulier à la morale: Ethica, seu liber dictus Scito te ipsum.

Pierre le Lombard, né à Novarre, et professeur de théodicée à Paris, ferme cette première époque (1164). Il se recommande par une sévérité de dialectique que vous ne trouverez point dans les scolastiques qui lui sont antérieurs. Il est l'auteur du livre des Sentences de la théologie chrétienne, de-là son surnom de Magister sententiarum. Il avait compilé tous les Pères de l'église, et avait essayé ce qu'on appellerait aujourd'hui une concordance des arguments qu'il avait puisés à ces différentes sources.

IV. On ne pouvait guère aller plus loin que le Lombard avec le seul Organum d'Aristote. La philosophie sortit de cet état d'imperfection grâce à l'introduction des autres ouvrages d'Aristote dans l'Europe occidentale.

Une grande nation, les Arabes, après avoir soumis une partie de l'Afrique et de l'Asie, étaient passés en Europe, en Espagne; là, ils avaient fondé un empire, qui peu-à-peu s'était civilisé, et peu-à-peu encore cette civilisation avait porté ses fruits: elle avait eu sa philosophie avec Avicenne, Algazel, Averroës.

V. C'est la logique d'Aristote qui, au douzième siècle, dans notre occident, a produit le second âge de la scolastique, pendant lequel on voit la philosophie arriver peu-à-peu à une assez grande puissance pour traiter avec la théologie presque d'égale à égale, et pour lui prêter sa forme,`à la condition que la théologie voudra bien lui faire une certaine part d'indépendance.

Trois hommes supérieurs représentent cette seconde époque: Albert-le-Grand, saint Thomas d'Aquin et Duns-Scott.

Albert de Bollstad, né à Lavingen en Souabe, est un domicain qui fut tour-à-tour professeur de théologie à Paris, à Ratisbonne, à Hidelsheim, à Cologne. Il s'occupait à-la-fois de théologie, de morale, de politique, de mathématiques, de physique, d'alchimie, de magie. Il passait de son temps, autour de Cologne, pour un magicien.

Saint Thomas, né à Aquino, près de Naples, en 1225, est un tout autre homme. Il fut surnommé doctor angelicus, l'ange de l'école. Si

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