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» mènes dont il puisse avoir conscience sont >> donc ceux qui se produisent en lui. Ceux qui se produisent hors de lui, il ne saurait les sentir, >> il ne saurait en avoir conscience. Il peut donc >> avoir conscience de ses sensations, parce que >> c'est lui qui jouit et qui souffre; de ses pen» sées, de ses déterminations, parce que c'est » lui qui pense et qui veut. Mais il ne peut avoir >> conscience de la contraction musculaire, de » la digestion, de la circulation du sang, parce » c'est le muscle qui se contracte, l'estomac qui

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digère, le sang qui circule, et non pas lui.... >> Telle est la vraie raison de l'incapacité de la >> conscience à saisir une foule de phénomènes qui se passent dans le corps, mais qui pour >> cela n'en sont pas moins extérieurs au prin»cipe intelligent, au moi véritable. »

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L'autorité de la conscience est incontestée et incontestable. Il n'arrive à personne de douter de ses sentiments, de ses pensers, de ses volitions. L'existence des faits internes est pour nous quelque chose d'aussi réel que celle des objets que nos mains touchent et que nos yeux voient.

Il y a cette différence unique entre les faits internes et les faits externes, que nous atteignons les premiers par la conscience, les seconds par les organes corporels. Cette distinction une fois posée, aucune autre n'existe, et la certitude est

la même de part et d'autre. Seulement, cette certitude porte sur des faits d'ordres différents.

Mais, pourra-t-on dire, si la conscience nous avertit de tout ce qui se produit dans le for intérieur, comment se fait-il que certains hommes sachent si bien rendre compte de ce qui se passe en eux, et que d'autres le sachent si peu? Cette différence vient uniquement de ce que tous les hommes n'apportent pas une égale attention aux phénomènes du for intérieur; il suit de-là que la notion de ces phénomènes est plus claire et plus complète pour les uns, moins pour les autres. La réflexion n'est pas égale chez tous les hommes; et nous entendons ici par réflexion l'acte volontaire de l'esprit se repliant sur lui-même et concentrant son attention sur les phénomènes dont la conscience lui atteste la présence. La conscience est fatale; la réflexion est libre. Il y a dans l'ordre psychologique la même différence entre avoir conscience et réfléchir, que dans l'ordre physique entre voir et regarder. La conscience et la réflexion nous suffisent pour prendre connaissance des faits internes, comme voir et regarder pour arriver à la connaissance des faits matériels. Aussi, les phénomènes de l'ordre psychologique sont observables et appréciables comme les phénomènes de l'ordre physique. De part et d'autre encore, l'esprit peut s'élever de

la connaissance des phénomènes à celle des lois. La psychologie mérite donc le nom de science expérimentale au même titre que les sciences physiques et naturelles.

P.

11.

Auteurs à consulter: Reid, t. 3 des OEuvres complètes, p. 68-69. Matthiæ, Manuel de philosophie, p. 29–30. V. Cousin, préface de la première édition des Premiers fragments, p. 11 et 12. -Id., préface de la deuxième édition des Premiers fragments, - Id., Premiers fragments, p. 242 et suiv. — Id., ibid. Du premier et du dernier fait de conscience. Id., Cours d'histoire de la philosophie morale au dix-huitième siècle, t. 1, P. 70-75. - Id., Cours d'histoire de la philosophie, ann. 1829, leçon, p. 96-104.- Jouffroy, préface des Esquisses de philosophie morale de D. Stewart. - Id., Mélanges philosophiques, p. 269. Garnier, Précis d'un cours de psychologie, p. 139–161.

seizième

CHAPITRE II.

Des phénomènes de conscience et des idées en général. différents caractères et des diverses espèces de nos idées.

Des

I. En nous repliant sur nous-mêmes, en appliquant la réflexion aux différents phénomènes dont la conscience nous atteste l'existence, nous trouvons que ces phénomènes internes peuvent se ramener à trois classes générales faits sensibles, faits volontaires, faits intellectuels.

J'éprouve une sensation, celle, par exemple, de la chaleur ou du froid; je sens naître en moi

une émotion, par exemple, la joie ou le chagrin; ce sont-là des faits sensibles.

Je prends une résolution, une détermination; c'est un fait volontaire.

J'ai connaissance d'un objet quelconque situé soit dans le monde de la conscience, soit dans le monde matériel, soit dans le monde métaphysique. C'est un fait intellectuel.

Que si l'on demande s'il y a réellement dans la nature humaine des faits ainsi séparables, et si l'on peut procéder à de telles abstractions sans détruire l'unité réellement indivisible de l'être individuel qui est le moi, nous répondrons que non. Il n'y a pas, dans la réalité, de faits purement sensibles, pas de faits purement volontaires, pas de faits purement intellectuels. Il n'y a qu'un fait dans tous ces faits, un fait complexe où interviennent à-la-fois la sensibilité, la volonté, l'intelligence.

II. Les phénomènes intellectuels sont appelés idées.

On a imaginé bien des systèmes sur l'essence et la nature des idées. On a expliqué ce mot idées de bien des manières différentes. Le parti le plus sage, suivant nous, dans une matière que les discussions et les subtilités ont tant embrouillée, est de s'en rapporter à l'interprétation populaire. Quand on dit qu'on a idée d'une chose, on veut

dire par-là qu'on connaît cette chose; ce qui ne signifie pas toujours qu'on la connaît parfaitement, mais plus ou moins. Donc, idée signifie connaissance. Donc, les idées constituent la classe des faits intellectuels, comme les déterminations ou les résolutions la classe des faits volontaires, comme les sensations et les sentiments la classe des phénomènes sensibles.

III. Considérées sous le rapport de leurs objets, nos idées présentent un triple caractère, et peuvent par conséquent se diviser en trois ordres, à savoir idées ayant pour objet le moi; idées ayant pour objet le non-moi matériel, idées ayant pour objet le non-moi immatériel.

Les idées de la première de ces catégories sont celles qui portent sur l'être que nous sommes, sur les phénomènes dont cet être est le théâtre, et sur les attributs dont il est le sujet d'inhé

rence.

Les idées de la seconde catégorie sont celles qui portent sur le monde physique, ses propriétés, ses lois.

Les idées de la troisième catégorie sont celles qui portent sur les vérités éternelles et impérissables et Dieu, leur centre et leur substance.

D'autre part, considérées sous le point de vue de leurs caractères intrinsèques, les idées offrent encore certaines similitudes qui permettent de

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