Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

la troisième édition. Id., Cours d'histoire de la philosophie morale au dix-huitième siècle, t. 1, p. 10-19. 139

226.

[ocr errors]

Id.,

ibid.,

p.

Schon, Philosophie transcendantale d'Emmanuel Kant,

p. 304-305.

CHAPITRE III.

Décrire les phénomènes moraux sur lesquels repose ce qu'on appelle conscience morale, sentiment ou notion du devoir, distinction du bien et du mal, obligation morale '.

I. L'observation psychologique nous fait découvrir dans le for intérieur certains phénomènes moraux, certains jugements nécessaires et principes rationnels féconds en conséquences importantes pour la pratique de la vie. Et d'abord, c'est un fait incontestable que, lorsque nous sommes auteurs ou témoins d'un acte moral, il y a en nous quelque chose qui nous révèle que cet acte est conforme ou non au principe rationnel et nécessaire du bien; qu'ainsi, il est juste ou injuste; et telle est l'autorité de cette faculté appelée conscience morale, que ses avertissements nous paraissent des arrêts impérieux et obligatoires. La conscience morale est

1 Voir le t. 2 des Études philosophiques, article Du fondement

de la morale.

donc cette fonction spéciale de la raison nous éclairant sur le caractère bon ou mauvais, juste ou injuste des actes dont nous sommes auteurs ou témoins. En vertu de cette révélation de la raison, nous sommes conduits universellement et nécessairement à la distinction du bien d'avec le mal, de telle sorte qu'en présence de certains actes moraux, nous les qualifions invariablement de bons ou de mauvais, et cela nécessairement, sans qu'il nous soit possible de juger d'une autre manière. La volonté peut bien lutter énergiquement contre cette conception de la raison; elle peut même, en certaines circonstances, déter, miner en nous des actes directement contraires à cette conception; mais alors même le principe nécessaire du devoir ne cesse pas de s'imposer à l'esprit, et la conscience morale, faisant aux circonstances présentes l'application de ce principe absolu, nous remet sans cesse et impitoyablement devant les yeux l'acte injuste que nous avons fait, l'acte juste que nous aurions dû faire.

II. Quelques philosophes ont essayé d'attribuer à la seule éducation les idées qui sont en nous du juste et de l'injuste. Suivant eux, ces idées du bien et du mal ne seraient que le fruit des rêves de quelques moralistes, ou bien encore une invention de l'esprit de despotisme, afin de mieux façonner les peuples au joug. Telle aurait

été leur origine. Puis, se popularisant insensiblement, et transmises d'homme à homme par l'éducation, elles auraient fini par prendre pied dans les esprits. Nous commençons par recon-naître avec ces philosophes que, dans l'état actuel de la société, les idées du bien et du mal nous sont transmises, comme toutes les notions

essentielles, par l'éducation de la famille. Mais comment ces notions pourraient-elles trouver place, germer et se développer dans l'esprit, si ce n'était là des idées dont l'esprit humain reconnaît à première vue la nécessité, et qui ne lui sont pas plutôt proposées, qu'elles s'imposent à lui d'une manière absolue? L'éducation n'a de puissance que dans certaines limites, et elle essaierait en vain d'introduire et de fixer dans l'esprit humain des principes incompatibles avec la nature constitutive de cet esprit. Si les notions de justice et de devoir n'avaient été, dans l'origine, que le rêve de quelques philosophes, ou l'invention de l'esprit de despotisme, jamais elles n'auraient pu trouver accès et prendre racine dans l'esprit du reste des hommes. Ces notions furent donc de tout temps non pas le partage de quelques uns, mais de tous. Il faut donc reconnaître qu'elles ne sont pas en nous le résultat d'une convention, mais bien un principe constitutif de notre nature morale; et loin qu'elles

dérivent de l'éducation, c'est au contraire l'éducation qui primitivement est fondée sur elles.

On peut encore ici, comme dans toutes les autres sphères d'activité où s'exerce la pensée humaine, faire subir à cette conscience individuelle la contre-épreuve de la conscience universelle; en d'autres termes, vérifier la psychologie par l'histoire. Eh bien! si l'on examine au sein des sociétés les institutions civiles et politiques, ici surtout apparaîtra d'une manière évidente, et développé sur une plus large échelle, l'empire universel de la conscience morale et la distinction établie dans l'esprit humain entre le juste et l'injuste. En effet, les lois, les récompenses et les peines ne témoignent-elles pas irrécusablement d'une distinction réelle et profonde établie au cœur de tous les hommes entre le bien et le mal? Et comment expliquer d'une manière un peu raisonnable leur établissement et leur maintien, sans admettre le principe d'où elles émanent et sur lequel elles se fondent.

III. Il ne saurait, assurément, y avoir le moindre doute en cette matière. Mais, un autre

problême, dont la solution n'offre pas moins d'intérêt que d'importance, serait de rechercher quel a été au sein de la société le développement de la notion du juste et de la loi morale. Cette loi a-t-elle été la même dans tous les

temps, ou a-t-elle varié suivant les époques? Pour résoudre judicieusement une question si vaste et si importante, il faut avoir soin d'admettre une distinction préalable entre le principe du bien considéré en lui-même et les applications de ce principe. Cette distinction une fois établie conduit à juger que le principe du bien, considéré d'une manière absolue, est un, éternel, toujours égal à lui-même, tandis que, dans ses applications, il devient variable et indéfiniment extensible. En d'autres termes, la notion du juste et de l'injuste a existé de tout temps et chez tous, absolue, nécessaire, irrésistible. Mais, appliquée aux actes humains, cette notion, invariable dans sa nature, ne l'a plus été dans le degré. Elle est tombée, comme tout ce qui est de l'homme, sous la loi de la progressivité. De même que l'idée de l'utile, l'idée du beau, l'idée du saint et du divin, de même aussi l'idée du juste a été s'étendant, s'épurant, se perfectionnant à travers les âges dans ses réalisations successives.

IV. La notion du bien, la distinction du juste et de l'injuste entraîne irrésistiblement et logiquement à la suite l'idée d'obligation. « Il est > absurde de demander pourquoi nous sommes obligés à la pratique de la vertu. La vraie no» tion de vertu implique la notion d'obligation.

>>

« PreviousContinue »