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tageait, de l'autre on voulait prématurément que les signes les plus éclatans annonçassent un culte public, quoique les prêtres fussent en exil, les temples dépouillés, les lois ecclésiastiques abrogées, le clergé désorganisé. Tandis que d'un côté on appelait les armées au secours de la République, de l'autre Pichegru et ses adhérens voulaient leur opposer la masse des citoyens sous le titre de Garde nationale; comme si les armées, malgré leurs preuves de dévouement tant de fois réitérées, n'eussent plus été une Garde nationale assez sûre depuis qu'elles avaient trompé l'espérance du général qui attendait d'elles une dictature! On se rappelle tous les efforts que fit à cette époque la faction de Pichegru pour tarir le trésor public, pour faire tomber tous les services que le Gouvernement était chargé de soutenir, et avec eux le Gouvernement même. On se rappelle les motions faites contre les perceptions prétendues anticipées : ce qui tendait à opérer une lacune d'un an dans le recouvrement des revenus publics. On se rappelle les clameurs élevées jusque sur l'envoi fait à la trésorerie de fonds provenans des contributions levées en Italie, envoi destiné à subvenir aux besoins de l'armée du Rhin, qui était alors dans le dénuement..... Telle était alors la confusion des idées, l'incertitude des principes, telles étaient les préven

tions pour ou contre les personnes, qu'on vit dans les conseils un grand nombre de représentans les plus éclairés, les plus sages, les plus purs, les plus religieusement attachés à leurs sermens, se laisser tromper par un petit nombre d'indignes collègues qui avaient des intelligences coupables avec des ennemis intérieurs et extérieurs de la République.

A la vue du désordre général et du danger qui menaçaient le Gouvernement, les espérances des puissances étrangères se réveillent; les conférences qui étaient ouvertes à Montebello entre la France et l'Autriche sur les préliminaires de Leoben, tombent en langueur. Les courriers de Vienne ne marchent plus, ou ne rapportent que des paroles oiseuses; la paix semble fuir; les armées voient les fruits de leurs glorieux travaux s'échapper. Toutes, même l'armée du Rhin, expriment leurs alarmes, leur indignation; le Directoire menacé se voit près de périr; la révolution du 1 8 fructidor se prépare..... Et cependant que fait Moreau, Moreau qui tenait dans ses mains les preuves de la trahison de Pichele personnage le plus influent et le plus dangereux du Corps législatif? Moreau garde le silence! Cependant voyait-il moins que son armée et toute la France où Pichegru conduisait une assemblée dont il n'était pas connu ? Comment Moreau prenait-il sur lui les effets qui devaient résul

gru,

ter de l'état des choses? Comment se souciait-il si peu de la destinée de la République et de la destinée des Représentans fidèles que Pichegru compromettait et qu'il a fini par entraîner dans sa chute? Ne devait-il pas à ces bons citoyens de les préserver du malheur de seconder un traître ou de partager son châtiment? Quelle était donc cette indifférence pour la patrie et pour des concitoyens vertueux? A quel rang placer l'homme qui, pouvant prévenir d'un mot, et les inquiétudes des armées, et celles des citoyens, et la catastrophe de fructidor, et la révolution qu'elle a opérée, et les méprises où elle a jeté, et les injustices qu'elle a entraînées, et les douloureux sacrifices auxquels elle a condamné, se tait? Quel poids a dû rester sur la conscience de cet homme qui, en envoyant à Paris les papiers qu'il retenait, eût sauvé tant de victimes, préservé de si funestes erreurs, épargné

tant de maux !

Le Gouvernement se crut autorisé, par le retard de Moreau, à l'accuser au moins de trop d'indulgence pour les complots de Pichegru : les amis de Pichegru, même les indifférens, l'accusèrent d'avoir gratuitement accablé son ami condamné. Moreau paraît s'être fait à lui-même, dès le principe, quelque reproche sur sa tardive dénonciation; car, dans sa lettre du 22 au Directoire, et dans sa procla

mation du 23 à l'armée du Rhin, il suppose que sa première lettre au directeur Barthelemy, sa lettre du 19, est du 17, c'est-à-dire, d'un jour antérieur au coup frappé sur Pichegru, voulant éviter le reproche d'avoir écrit seulement après que le télégraphe lui eut apporté, le 18, les principales nouvelles de la nuit du 17 au 18.

On peut juger de l'opinion du Gouvernement par la lettre que Moreau écrivit au ministre de la police générale, en lui faisant passer la correspondance saisie à Offembourg, et par une autre qu'il écrivit au Directoire le 27 vendemiaire an 7. Voici ces deux lettres.

Paris, le 10 vendemiaire an 6 de la République française.

Le général Moreau au ministre de la police générale.

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CITOYEN MINISTRE,

En vous remettant les papiers du général Klinglin, chargé de la correspondance secrète de l'ar» mée ennemie, je vous dois quelques détails sur » la manière dont ils ont été saisis, et sur ma lettre » au cit. Barthelemy, que plusieurs personnes ont prétendue écrite après que j'ai eu connaissance des

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» événemens

» événemens du 18 fructidor ; et de cette supposition

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chaque parti a tiré l'induction qu'il lui croyait fa» vorable.

» J'y répondrai par des faits, de la vérité desquels » personne ne pourra douter.

» Le 2 floréal, l'armée que je commandais s'em» para d'Offembourg environ trois heures après » midi.

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» Je suivis de très-près les hussards qui y entre»rent les premiers, et j'y trouvai les fourgons de la chancellerie, de la poste et d'une partie de l'ar» mée ennemie, et les équipages de plusieurs of» ficiers-généraux, entre autres ceux du général Klinglin, dont nos soldats se partageaient les dépouilles.

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» Je donnai l'ordre de recueillir avec soin tous » les papiers qu'on trouverait. On en chargea un fourgon qui fut conduit le lendemain à Strasbourg » sous l'escorte d'un officier.

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des

troupes

» Ce ne fut qu'après la ratification des prélimi»naires de la paix, et quand les cantonnemens furent définitivement réglés avec l'ennemi, qu'on put s'occuper de la vérification des papiers. Ils étaient en très-grande quantité, et » dans un désordre inséparable de la manière dont » on s'en était emparé.

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Je chargeai de ce travail un officier d'état

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