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par Moreau dans un journal qu'il lut sur le chemin de la Guiane. On se rappelle ces circonstances qui semblaient rendre impossible tout rapprochement entre les deux personnages, et l'on veut revoir avec une nouvelle attention les monumens qui les ont fait connaître. Les lettres écrites par Moreau les 19 et 22 fructidor, et le recueil des pièces qu'elles annoncent, sont demandés, recherchés de toutes parts.

Cette avidité de lumières, dans une si grande circonstance, nous a portés à rassembler les lettres. de Moreau, et à extraire la substance des pièces qu'il a produites à l'appui.

Voici d'abord la lettre du 19 fructidor.

Au quartier-général à Strasbourg,

le 19 fructidor an 5.

Le général en chef au citoyen Barthelemy, membre du Directoire exécutif.

CITOYEN DIRECTEUR,

« Vous vous rappelez sûrement qu'à mon dernier » voyage à Bále je vous instruisis qu'au passage du » Rhin nous prîmes un fourgon au général Klinglin, » contenant deux ou trois cents lettres de sa correspondance celles de Vittersback en faisaient

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partie, mais c'étaient les moins conséquentes: beaucoup de ces lettres sont en chiffre, mais nous » l'avons trouvé : l'on s'occupe à tout déchiffrer; » ce qui est très-long.

Personne n'y porte son vrai nom, de sorte » que beaucoup de Français qui correspondaient » avec Klinglin, Condé, Wickham, d'Enghien et » autres sont difficiles à découvrir; cependant nous » avons de telles indications, que plusieurs sont déjà connus.

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» J'étais décidé à ne donner aucune publicité à » cette correspondance, puisque, la paix étant pré» sumable, il n'y avait plus de danger pour la

République, d'autant que tout cela ne ferait » preuve que contre peu de monde, puisque per"sonne n'était nommé.

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» Mais voyant à la tête des partis qui font actuel »lement tant de mal à notre pays, et jouissant dans » une place éminente de la plus grande confiance » UN HOMME TRÈS-COMPROM'S DANS CETTE » CORRESPONDANCE, ET DESTINÉ A JOUER » UN GRAND ROLE DANS LE RAPPEL DU PRÉ"TENDANT qu'elle avait pour but, j'ai cru devoir » vous en instruire, pour que vous ne soyiez pas dupe de son feint républicanisme, que vous puis"siez faire éclairer ses démarches, et vous opposer > aux coups funestes qu'il peut porter à notre pays,

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puisque la GUERRE CIVILE ne peut qu'être le but » de ses projets.

» Je vous avoue, citoyen directeur, qu'il m'en » coûte infiniment de vous instruire d'une telle

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trahison, d'autant

que celui que je vous fais con» naître a été mon ami, et le serait sûrement en» core s'il ne m'était connu.

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» Je veux parler du REPRÉSENTANT PICHEGRU. » IL A ÉTÉ ASSEZ PRUDENT POUR NE RIEN ÉCRIRE; il ne communiquait que verbalement » avec ceux qui étaient chargés de la correspondance, qui faisaient part de ses projets et rece» vaient les réponses. Il y est désigné sous plusieurs » noms, entre autres celui de Baptiste. Un chef de brigade, nommé Badouville, qui lui était attaché, » et désigné sous le nom de Coco, était un des » courriers dont il se servait, ainsi que les autres correspondans : vous devez l'avoir vu assez fré» quemment à Bâle.

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» Leur grand mouvement devait s'opérer au com» mencement de la campagne de l'an 4. On comptait » sur des revers à mon arrivée à l'armée, qui, mé» contente d'être battue, devait redemander son ancien chef, qui alors aurait agi d'après les instructions qu'il aurait reçues.

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» Il a dû recevoir neuf cents louis pour le voyage

qu'il fit à Paris à l'époque de sa démission: de là

» vint naturellement son refus de l'ambassade de » Suède. Je soupçonne la famille Lajolais d'être » dans cette intrigue.

» Il n'y a que la grande confiance que j'ai en >> votre patriotisme et en votre sagesse, qui m'a » déterminé à vous donner cet avis: ies preuves en » sont plus claires que le jour, mais je doute qu'elles puissent être judiciaires.

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» Je vous prie, citoyen directeur, de vouloir » bien m'éclairer de vos avis sur une affaire aussi épineuse vous me connaissez assez pour croire » combien a dû me coûter cette confidence; il n'en a pas moins fallu que les dangers que courait » mon pays, pour vous la faire. Ce secret est entre

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cinq personnes, les généraux Desaix, Reignier, » un de mes aides-de-camp, et un officier chargé » de la partie secrète de l'armée, qui suit conti» nuellement les renseignemens que donnent les » lettres qu'on déchiffre.

» Recevez l'assurance de mon estime distinguée » et de mon inviolable attachement. »

Signé MOREAU.

Pendant que cette lettre était en chemin pour Paris, une lettre du Directoire était en chemin pour Strasbourg, et appelait Moreau dans la capitale. Voici la réponse qu'y fit ce général, et la clamation qu'il y joignit.

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Au quartier-général, à

le 22 fructidor an ƒ.

Le général en chef au Directoire exécutif.

CITOYENS DIRECTEURS,

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« Je n'ai reçu que le très-tard, et à dix lieues » de Strasbourg, votre ordre de me rendre à Paris. » Il m'a fallu quelques heures pour préparer mon

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départ, assurer la tranquillité de l'armée, et faire » arrêter quelques hommes compromis dans une » correspondance intéressante, que je vous remettrai » moi-même.

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» Je vous envoie ci-joint une proclamation que j'ai faite, et dont l'effet a été de convertir beaucoup d'incrédules; et je vous avoue qu'il était difficile » de croire que l'homme qui avait rendu de grands » services à son pays, et qui n'avait nul intérêt à le trahir, pût se porter à une telle infamie.

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» On me croyait l'ami de Pichegru, ET DÈS

» LONG-TEMS JE NE L'ESTIME PLUS: vous verrez

» que personne n'a été plus compromis que moi, » que tous les projets étaient fondés sur les revers » de l'armée que je commandais: son courage a » sauvé la République.

Salut et respect. »

Signé MOREAU.

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