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les élémens combinés, que l'organisation et la vie ne résulteront point d'un jet d'atomes, et qu'un chimiste combinant des mixtes ne les fera point sentir et penser dans son creuset. (1)

J'ai lu Nieuwentit avec surprise, et presque avec scandale (*). Comment cet homme a-t-il pu vouloir faire un livre des merveilles de la nature, qui montrent la sagesse de son auteur? Son livre seroit aussi gros que le monde, qu'il n'auroit pas épuisé son sujet; et sitôt qu'on veut entrer dans les détails, la plus grande merveille échappe, qui est l'harmonie et l'accord du tout. La seule génération des corps

(1) Croiroit-on, si l'on n'en avoit la preuve, que l'extravagance humaine pût être portée à ce point? Amatus Lusitanus (†) assuroit avoir vu un petit homme long d'un pouce enfermé dans un verre, que Julius Camillus, comme un autre Prométhée, avoit fait par la science alchimique. Paracelse, de Naturá rerum, enseigne la façon de produire ces petits hommes, et soutient que les pygmées, les faunes, les satyres et les nymphes, ont été engendrés par la chimie. En effet, je ne vois pas trop qu'il reste désormais autre chose à faire, pour établir la possibilité de ces faits, si ce n'est d'avancer que la matière organique résiste à l'ardeur du feu, et que ses molécules peuvent se conserver en vie dans un fourneau de réverbère.

(*) Nieuwentit, savant mathématicien hollandois, et non moins célèbre comme philosophe, mort en 1718. Entre autres ouvrages il a publié, dans sa langue, un traité de l'Existence de Dieu démontrée par les merveilles de la nature, traduit en françois par Noguès. (Paris, 1725, in-4°, réimprimé en 1740.)

(†) Médecin portugais du seizième siècle, dont le nom véritable étoit Jean Rodrigue Amato. Il est auteur de quelques ouvrages de médecine écrits en latin, et qui ont été plusieurs fois réimprimés.

vivans et organisés est l'abîme de l'esprit humain; la barrière insurmontable que la nature a mise entre les diverses espèces, afin qu'elles ne se confondissent pas, montre ses intentions avec la dernière évidence. Elle ne s'est pas contentée d'établir l'ordre, elle a pris des mesures certaines pour que rien ne pût le troubler.

Il n'y a pas un être dans l'univers qu'on ne puisse, à quelque égard, regarder comme le centre commun de tous les autres, autour duquel ils sont tous ordonnés, en sorte qu'ils sont tous réciproquement fins et moyens les uns relativement aux autres. L'esprit se confond et se perd dans cette infinité de rapports, dont pas un n'est confondu ni perdu dans la foule. Que d'absurdes suppositions pour déduire toute cette harmonie de l'aveugle mécanisme de la matière mue fortuitement! Ceux qui nient l'unité d'intention qui se manifeste dans les rapports de toutes les parties de ce grand tout, ont beau couvrir leur galimatias d'abstractions, de co-ordinations, de principes généraux, de termes emblématiques; quoi qu'ils fassent, il m'est impossible de concevoir un système d'êtres si constamment ordonnés que je ne conçoive une intelligence qui l'ordonne. Il ne dépend pas de moi de croire que la matière passive et morte a pu produire des êtres vivans et sentans, qu'une fatalité aveugle a pu produire des êtres intelligens, que ce qui ne pense point a pu produire des êtres qui pensent.

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