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roient la fuite) eft dans un décri gé néral, noirci par les calomnies les plus atroces, regardé comme un mé chant & un fcélérat, livré « aux traitemens les plus durs & les plus igno minieux, mis en prison, fouetté, déchiré de coups, enfin mis en croix ; & il aime mieux effuier les tourmens les plus cruels, que de renoncer à la justice & à l'innocence. Y a-t-il quelqu'un, s'écrie Ciceron, affez infenfé pour héliter un moment auquel de ces deux hommes il aimeroit mieux reffembler?

On est étonné de trouver chez les payens des fentimens fi nobles, fi élevés, fi conformes à la droite raifon & à la juftice. Il faut fe fouvenir que malgré la corruption générale, & les ténébres répandues parmi ces payens, la lumiére du Verbe éternel ne laiffe pas de luire jufqu'à un certain point dans leurs efJoan. 1. prits: Lux in tenebris lucet. C'eft cette lumiére qui leur découvre diverfes vérités, &

exiftimatione, & digniffimus omni fortuna judicetur: quis tandem erit tam demens, qui dubitet utrum fe effe malit? Cic. apud Lactant divin. Infiit. lib. 5. cap. 12.

α στο διακειμενος ὁ δίκαιος μαςιγώσεται, 50βλώσεται, δεδήσεται, ἐκκανθήσεται τώ ὀφθαλμών τελευτῶν, πάντα κακὰ παθὼν, ἀναχινδικευθήσεται Id eft, fufpenditur.

& qui leur fait connoitre les principes de la Loi naturelle. C'eft cette lumiére qui l'écrit dans leurs cœurs, & qui leur donne en plufieurs points le difcernement des chofes juftes & injuftes: ce qui fait dire à Saint Auguftin, Que les méchans In libro voient dans LE LIVRE DE LA LUMIERElucis. de quelle forte il faut vivre.

Ör, quand on voit dans la Gréce une foule d'hommes favans, un peuple de Philofophes, qui fe fuccédent les uns aux autres pendant quatre fiécles entiers; qui s'occupent uniquement du foin de chercher la vérité: qui, pour y mieux réuffir, renoncent la plupart à leur bien, à leur patrie, à leur établiffement, & à tout autre emploi qu'à celui de s'appliquer à l'étude de la fageffe: peut-on croire qu'un événement fi fingulier, & même'unique, qui ne s'eft rencontré dans aucune autre partie du monde, ni dans aucun autre tems, foit l'effet du hazard, que la Providence n'y ait eu aucune part, & qu'elle ne l'ait raporté à aucune fin? Elle n'avoit pas destiné les Philofophes à réformer les erreurs du genre humain. Ces beaux efprits ont difputé pendant quatre cens ans fans prefque convenir de rien entr'eux, & fans rien finir. Aucune Ecole n'a entrepris de

Rom. 1.

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prouver l'unité d'un Dieu: aucune n'a eu mème la penfée d'établir la néceffité d'un Médiateur. Mais combien leurs préceptes fur la morale, fur les vertus, fur les devoirs, ont-ils été utiles pour empécher le débordement des vices? Qel affreux defordre auroit-on vû, fi la fecte Epicurienne eût été seule & dominante? Combien leurs recherches ont-elles contribué à conferver les dogmes importans de la diftinction de la matiére & de l'efprit, de l'immortalité de l'ame, de l'existence d'un Etre fouverain? Plufieurs d'entr'eux avoient fur tous ces points d'admirables principes que Dieu même leur avoit fait connoitre, (Deus enim illis manifeftavit ) preférablement à tant d'autres peuples qu'il laiffoit dans la barbarie & l'ignorance.

Comme ces connoiffances, & les actions vertueufes qui en étoient la fuite, peuvent être envisagées fous un double point de vûe, elles doivent auffi produire en nous, deux effets tout oppofés. Si on les regarde comme une émanation de cette lumiére éternelle qui luit dans les ténébres mêmes, qui peut douter qu'el les ne foient dignes de notre estime & de notre admiration ? Mais fi on les confidére dans le principe d'où el

les partoient, & dans l'abus qu'en faifoient ces payens, elles ne peuvent être louées fans réferve & fans exception. C'est par cette régle qu'il faut juger de tout ce que nous lifons dans P'Hiftoire profane. Les actions de vertu les plus éclatantes qui y font raportées, font toujours infiniment éloignées de la vertu pure & véritable, parce qu'elles ne font point raportées à leur principe, & qu'elles ont pour racine la cupidité, c'eft-à-dire l'orgueuil & S. Augus l'amour propre. Radicata eft cupiditas: ftin. Species potest effe bonorum factorum, verè opera bona effe non poffunt. On ne juge pas de la racine par les branches, mais des branches par la racine. Les fleurs,& même les fruits, peuvent paroitre semblables; mais leur racine eft très différente. Noli attendere quod floret foris fed quæ radix eft interna. Ce n'est pas ce que ces actions ont de réel qu'on doit condanner, mais ce qu'elles ont de défectueux. Ce n'eft pas ce qu'elles ont qui les rend vicieufes; mais ce qui leur manque. Et ce qui leur manque c'eft la charité, don ineftimable, qui ne peut être remplacé par aucun autre, & qui ne fe tranfporte point hors de T'Eglife & de la véritable religion. Autfi voions nous que nul des Payens,

qui d'ailleurs ont établi de fort belles régles fur les devoirs de l'homme par raport aux autres hommes, n'a fait de l'amour de Dieu le principe fondamental de fa morale : nul n'a enfeigné la néceffité de lui raporter les actions de probité humaine. Ils ont connu les branches de la morale fans en connoitre la tige & le tronc. ARTICLE TROISIEME. De la Jurifprudence.

JB joins la jurifprudence à la Morale, dont elle fait partie, ou du moins à laquelle elle a un grand raport. C'est une matiére qui a beaucoup d'étendue, mais que je traiterai fort fuccinctement. Les Mémoires que m'a fourni un habile profef feur de Droit, & qui eft fort de mes amis, (c'est Monfieur Lorry) m'ont été d'un grand fecours.

La Jurifprudence est la connoiffance du Droit, des Loix. Chaque peuple à eu fes Loix particuliéres, & fes Législateur. Moyfe eft le plus ancien de tous: Dieu lui-même lui dicta les Loix qu'il vouloit que fon peuple obfervat. Mercure Trifmégifte chez les Egyp

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