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CHAPITRE PREMIER.

SENTIMENS

DES ANCIENS PHILOSOPHES

SUR LA DIALECTIQUE.

LA

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A DIALECTIQUE, ou la Logique, eft la science qui donne des régles pour diriger les opérations de notre efprit dans la recherche du vrai, & pour nous apprendre à le difcerner du faux. J'ai marqué affez au long, dans le IVe. Tome du Traité des Etudes, de quelle utilité étoit cette partie de la Philofophie, & l'ufage qu'il en faloit faire.

Ariftote eft, parmi les Anciens, les plus excellent auteur pour la Dialectique. Outre plufieurs autres Ouvrages, nous avons de lui quatre Livres de l'Analyfe, où il établit tous les principes du raifonnement. Ce génie, dit le P. Rapin dans la comparaifon qu'il fait d'Ariftote & de Platon,,, ce génie fi plein de raifon & d'intell gence, approfondit tellement

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a Dialectica veri & falfi quafi difceptatrix & dex. Acad. Quæft. 1. 4. n. 91..

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,, l'abyme de l'efprit humain, qu'il en pénétra tous les refforts par la diftinction exacte qu'il fit de fes operations. On n'avoit point encore fondé ce vafte fond des penfées de l'homme, pour en connoitre la pro,, fondeur. Ariftote fut le premier qui découvrit cette nouvelle voie, pour ,, parvenir à la fcience par l'évidence de la démonftration, & pour aller géométriquement à la démonftration par l'infaillibitlié du fyllogif ,, me, l'ouvrage le plus accompli, & l'effort le plus grand de l'efprit humain.,,

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Cet éloge eft grand, & ne laiffe rien à defirer mais on ne peut difputer à Ariftote la gloire d'avoir porté fort loin la force du raifonnement, & d'en avoir démélé avec beaucoup de fubtilité & de difcernement les régles & les principes,

Ciceron a paroit reconnoitre ce Philofophe pour l'auteur & l'inventeur de la Dialectique : lui-même en fait honneur à Zénon d'Elée au ra-ixZenone port de Diogéne Laërce. On croit donc que Zénon fut le premier qui

trouva

Ariftoteles utriufque partis Dialectica prin

eeps. Topic. n. 6.

trouva cette fuite naturelle de principes & de conféquences, dont il forma un Art, qui jufques-là n'avoit eu rien de fixe ni de réglé. Mais Ariftote, fans doute, encherit beaucoup fur lui.

Cette étude faifoit la principale occupation des Stoïciens, qui reconnoiffoient pour chef un autre Zénon. Ils fe piquoient d'exceller dans cette partie de la Philofophie. En effet leur maniere de raifonner étoit vive, preffante, ferrée, propre à éblouir & à embarraffer leurs adverfaires; mais obfcure, féche, dénuée de tout ornement, & fouvent elle dégéneroit en minuties, en fophifmes, en bargumens captieux & entortillés, pour me fervir du terme de Ciceron.

Quoique la question, s'il y a quelque chofe de certain dans nos connoiffances, ne dût être regardée que comme une queftion préliminaire à la Dialectique, elle en faifoit pourtant le principal objet, & c'eft fur quoi les Philofophes difputoient avee

le

a Stoicorum in dialecticis omnis cura confumitur. Brut. n. 118.

b Contortulis quibufdam ac minutis conclufiunculis effici volunt non effe malum dolorem. Tufcul. lib. 2. n. 42.

...

le plus de vivacité. La difference de fentimens fur ce fujet confiftoit en ce que les uns croioient qu'on pouvoit avoir des connoiffances fûres, & porter des jugemens certains; & que les autres au contraire prétendoient qu'on ne pouvoit rien connoitre certaine ment, ni par confequent rien affirmer de pofitif.

a

La maniere de difputer dont avoit Academ. ufé Socrate, pouvoit bien avoir don- Quæft. né lieu à cette derniere méthode de lib. 1. m. philofopher. On fait qu'il ne difoit jamais fon fentiment, qu'il fe contentoit de refuter celui des autres fans rien affirmer pofitivement, & qu'il déclaroit ne favoir autre chofe finon qu'il ne favoit rien; c'étoit même pour cela qu'il croioit mériter l'éloge qu'Apollon lui avoit donné, d'ètre le plus fage des hommes. Plufieurs croient que Platon fuivit la même méthode, mais on n'en convient pas.

Ce qui n'eft point douteux, c'est Ibid. n. que les deux plus célébres difciples de 17. Platon, Speulippe fon neveu, & Ariftote, qui formerent deux fameufes Ecoles, le premier celle des Académiciens, l'autre celle des Péripatéticiens, abandonnerent la coutume qu'a

Tome XII.

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Academ Quaft.

lib. 1. n.

30.

qu'avoit Socrate de ne parler jamais qu'en doutant, & de ne rien affirmer; & que reduifant la maniere de traiter les queftions à de certaines régles & à une certaine méthode, ils en firent un art, une fcience, connue fous le nom de Dialectique, qui fait une des trois parties de la Philofophie. Ces deux Ecoles portoient un nom different; mais dans le fond avoient les mèmes principes à peu de chofes près. Nous les confondrons pour l'ordinaire fous le nom d'ancienne Académie.

Le fentiment de l'ancienne Académie étoit, que, quoique nos connoiffances priffent leur origine dans les fens, ce n'étoient pas les fens qui jugeoient de la vérité, mais l'efprit, qui feul méritoit d'être cru; parce qu'il eft le feul qui voie les chofes telles qu'elles font en elles-mêmes; c'est-à-dire qui voie ce que Platon appelle les idées, lefquelles fubsistent toujours dans le même état, & ne fouffrent aucun changement.

Zénon, le Chef des Stoiciens, qui étoit de Citium petite ville de Cypre accordoit quelque chofe de plus au témoi

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