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Il paffa quelque tems à Athénes, le centre de toutes les fciences, & le domicile des beaux efprits. Mais loin de chercher à y faire briller fon merite, & à y faire parade de fes rares connoiffances, il affecta d'y demeurer inconnu circonstance circonftance remarquable dans un favant, & dans un Philofophe!

On raporte un fait affez fingulier, mais fondé uniquement fur des lettres d'Hippocrate que les favans croient être fuppofées. Les Abderites voiant Démocrite leur compatriote ne fe foucier de rien, rire & fe moquer de tout, dire que l'air étoit rempli d'images, chercher ce que difent les oifeaux dans leur chant, habiter prefque toujours dans les tombeaux, craignirent que la tête ne lui tournât, & qu'il ne devint entierement fou, ce qu'ils regardoient comme le plus grand malheur qui pût arriver à leur ville. Ils écrivirent donc à Hippocrate pour le prier de venir voir Démocrite. Le grand intérêt qu'ils prenoient à la fanté d'un concitoien fi célébre

a Veni Athenas, inquit Democritus, neque me quifquam ibi agnovit. Conftantem hominem & gravem, qui glorietur à gloria fe abfuiffe Tufc. Quæft. lib. 5. n. 104

AN. M.

3584. Laert.

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leur fait honneur. L'Illuftre Médecin qu'ils avoient fait venir aiant eu quelques converfations avec le prétendu malade, en jugea bien differemment qu'eux, & diffipa toutes leurs craintes, en déclarant qu'il n'avoit point connu d'homme plus fage ni plus fenfé que ce Philofophe. Diogéné Laerce fait auffi mention de ce voiage d'Hipocrate à Abdére.

On ne trouve rien de certain ni fur le tems de fa naiffance, ni fur le tems de fa mort. Diodore de Sicile le fait mourir âgé de 90 ans, la 1ere année de la XCe. Olympiade.

Démocrite étoit un beau génie, un esprit valte, étendu, pénétrant, & qui s'appliqua à toutes les plus rares connoiffances. La Physique, la Morale, les Mathématiques, les Belles - Lettres, les beaux Arts, fe trouverent dans la fphere de fon activité.

On dit qu'aiant prévu qu'une certaine année feroit mauvaife pour les oliviers, il acheta à vil prix une gránde quantité d'huile, & y fit un gain immenfe. On a s'étonnoit, avec rai fon qu'un homme qui n'avoit jamais

paru

a Mirantibus qui paupertatem & quietem doctrinarum ei fciebant inprimis cordi effe.

paru fe foucier que de l'étude, & qui avoit toujours fait tant de cas de la pauvreté, fe fut jetté tout d'un coup dans le commerce, eut fongé à amaffer de fi grands biens. Il expliqua bientôt lui-même ce myftere, en restituant à tous les marchands dont il avoit acheté l'huile, & qui étoient au defefpoir du mauvais marché qu'ils avoient fait, tout ce qu'il avoit gagné deffus, & fe contentant de faire connoitre qu'il ne tenoit qu'à lui de devenir riche. On raconte une hiftoire. pareille de Thalès.

Epicure eft redevable à Démocrite de prefque tout fon fyftême; & pour rendre l'élégante expreffion Latine: c'eft des fources de ce dernier que coulent les eaux dont Epicure arrofe fes jardins. Celui-ci fe fit tort, en n'avouant pas les obligations qu'il avoit à Démocrite, & en le traitant de réveur. Nous expoferons dans la fuite fes fentimens fur le fouverain bien de l'homAtque, ut apparuit caufa, & ingens divitiarum curfus, reftituiffe mercedem ( ou plutôt mercem) anxiæ & avidæ dominorum pœnitentiæ, contentum ita probaffe, opes fibi in facili, cùm vellet fore. Plin. lib. 18. cap. 28.

a Democritus vir magnus in primis, cujus fontibus Epicurus hortulos fuos irrigavit. De Nat. deor. lib. 1. n. 121.

Laert.

Laert.

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me fur le monde, fur la nature des dieux.

C'eft auffi Démocrite qui a fourni aux Pyrrhoniens tout ce qu'il ont dit contre le témoignage des fens. Car, outre qu'il avoit accoutumé de dire, que la vérité étoit cachée au fond d'un puits, il foutenoit qu'il n'y avoit rien de réel que les atomes & vuide, & que tout le refte ne confiftoit qu'en opinions & en apparences.

On prétend que Platon étoit ennemi déclaré de Démocrite. Il avoit ramaffé avec foin tous fes Livres, & alloit les jetter au feu, lorfque deux Philofophes Pythagoriciens lui repréfenterent que cela ne ferviroit de rien, parce que plufieurs perfonnes s'en étoient déja pourvûes. La haine de Platon envers Démocrite a paru, en ce qu'aiant fait mention de prefque tous les anciens Philofophes, il ne l'a jamais cité, non pas même dans les endroits où il s'agiffoit de le réfuter.

§. III.

Secte appellée Sceptique ou Pyrrhonienne.

PYRRHON, natif d'Elide au Pélo

ponnése,

ponnéfe, fut difciple d'Anaxarque, & l'accompagna jufques aux Indes. Ce fut fans doute à la fuite d'Alexandre le Grand, d'où l'on peut connoitre en quel tems il a fleuri. Il avoit exercé le métier de Peintre avant que de s'atttacher à la Philofophie.

Ses fentimens ne differoient gueres des opinions d'Arcéfilas, & fe terminoient à l'incompréhenfibilité de toutes choses. Il trouvoit par tout, & des raifons d'affirmer, & des raifons de nier: & c'est pour cela qu'il retenoit fon confentement après avoir bien examiné le pour & le contre, fans conclure autre chofe, finon qu'il ne voioit encore rien de clair & de certain, non liquet, & que la matiere dont il étoit question avoit befoin d'être encore approfondie. Il paroiffoit donc toute fa vie chercher la verité, mais il fe ménageoit toujours des reffources ne pas tomber d'accord qu'elle fe fût montrée à lui. C'est-à-dire qu'en effet il ne vouloit pas la trouver, & qu'il cachoit cette affreufe difpofition fous le fpécieux dehors de la recherche & de l'examen.

pour

Quoiqu'il ne foit pas l'inventeur de cette méthode de philofopher, elle ne Tome XII.

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laiffe

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