AN. M. 3460. Laert.

tique, qui eut pour chef Démocrite; la Sceptique, dont Pyrhon fut le fondateur; & l'Epicurienne, qu'Epicure établit.

§. I.

Secte d'HERACLITE.

ON SAIT peu de chofes de ce Philofophe. Il étoit d'Ephéfe, & vivoit vers la LIXe Olympiade. On dit qu'il n'eut point de maîtres, qu'il devint favant par fes continuelles médita tions.

Entre plufieurs traités qu'il compofa, celui de la nature, qui étoit un recueil de toute fa philofophie, fut le plus eftimé. Darius roi de Perfe, fils d'Hyftape, aiant vû cet Ouvrage, écrivit une lettre fort obligeante à Héraclite pour le prier de venir à fa Cour, où fa vertu & fa fcience feroient plus confiderées que dans la Gréce. Le Philofophe, peu fenfible à des avances fi gracieufes & fi pleines de bonté, répondit groffierement, Qu'il ne voioit parmi les hommes qu'injuftice, que fourberie, qu'avarice, qu'ambition; que fe contentant de peu, comme il faifoit, la Cour de Perfe lui conve

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noit mal. Il n'avoit pas tort dans le fond. Il n'eft pas étonnant qu'un Grec né libre, ennemi de la hauteur des Rois barbares, des fervitudes & des vices des Courtifans, faffe un grand cas de la pauvreté jointe à l'indépendance, & l'eftime infiniment plus que la plus grande fortune, qu'il pouvoit attendre d'un Monarque vivant au milieu de la pompe, du faste, de la molleffe & des délices, dans une nation la plus décriée pour le luxe. Il auroit pu feulement acompagner fon refus de manieres plus honnêtes.

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C'étoit un vrai mifantrope. Il n'êtoit content de rien, tout lui déplaifoit. Le genre humain lui faifoit pitié. Voiant tout le monde fe livrer à une joie dont il fentoit le faux, il ne paroiffoit jamais en public fans verfer des larmes, ce qui lui fit donner le furnom de Pleurer. Démocrite à con

a Heraclitus, quoties prodierat, & tantum circa fe male viventium, imo male pereuntium viderat, flebat, miferabatur omnium qui fibi læti felicefque occurrebant. Democritum contrà aiunt nunquam fine rifu in publico fuiffe adeo nihil illi videbatur fertium corum, que feriò agebantur. Senec. de Ira, lib. 2. cap. 10.

Huic omnia, quæ agimus, miferiæ, illi ineptiæ videbantur? Id. de Trang. anim. cap. 15.

Laërt.

traire, qui ne voioit rien de férieux dans ce qui occupe le plus férieufement les hommes, ne pouvoit s'empê cher de rire. L'un ne trouvoit dans la vie que miferes, l'autre que niaiferies & bagatelles. Ils avoient tous deux raifon dans un certain fens.

Héraclite ennuié & fatigué de tout, prit enfin les hommes en fi grande averfion, qu'il fe retira fur une montagne, pour y vivre d'herbes dans la compagnie des bêtes fauvages. Une hydropifie, que ce genre de vie lui caufa, l'aiant obligé de defcendre à la ville, il y mourut peu de tems après.

S. I I.

Secte de DEMO CRITE

DEMOCRITE, Auteur de cette fecte, l'un des plus grands Philofophes de l'antiquité, étoit d'Abdére dans la Thrace. Xerxès, roi de Perfe, aiant logé chez le pere de Démocrite, lui laiffa quelques Mages, qui furent les précepteurs de fon fils, & qui lui enfeignerent leur prétendue Théologie & l'Aftronomie. Il reçut enfuite les leçons de Leucippe, & apprit de lui le fyftême des Atomes & du Vuide. L'inclination extraordinaire qu'il eut

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pour les fciences le porta à voiager dans tous les pays du monde où il efpéra de trouver d'habiles gens. Il vit les Prêtres d'Egypte il confulta les Caldéens, & les Philofophes Perfans. On veut même qu'il ait pénétré juf ques dans les Indes & dans l'Ethiopie, pour conferer avec les Gymnofophiftes.

Il a négligea le foin de fes revenus, & laiffa fes terres incultes, afin de s'occuper avec moins de diftraction à l'étude de la fageffe. On a été jufqu'à dire, mais avec peu de vraisemblance, qu'il s'étoit crevé les yeux, dans l'efpérance de méditer plus profondément lorfque les objets de la vûe ne feroient point diverfion aux forces intellectuelles de fon ame. C'étoit s'aveugler en quelque forte que de s'enfermer dans un tombeau, comme on dit qu'il faifoit, pour vaquer plus librement à la méditation..

a Democritas, verè falfove dicitur oculis fe privaffe, at quàm minimè animus à cogitationibus abduceretur. Patrimonium neglexit agros deferuit incultos, quid quærens aliud nifi beatam vitam? De Finib. lib. 5. n. 87.

Miramur fi Democriti pecus edit agellos Cultaque, dum peregrè eft animus fine corpore Velox. Horat. Epift. 12..

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Lner.
Atben.

lib. 4 pag. 168.

Ce qui paroit plus certain, c'est qu'il dépenfa pour fes voiages tout fon patrimonie, qui montoit à plus de cent talens. (cent mille écus) A fon retour il fut cité en Juftice, pour avoir ainfi diffipé fon bien. Les loix du pays portoient que ceux qui auroient dépensé leur patrimoine, ne feroient point enterrés dans le tombeau de leur famille. Il plaida lui-même fa caufe, & produifit pour témoin du légitime emploi qu'il avoit fait de fes biens le plus parfait de fes Ouvrages, dont il fit lecture aux Juges. Ils en furent fi charmés que non feulement ils le renvoierent abfous, mais lui firent rendre, fans doute du tréfor commun de la ville, autant de bien qu'il en avoit dépensé dans fes voiages, lui érigerent des ftatues, & ordonnerent qu'après fa mort le public prendroit foin de fes funerailles ce qui fut exécuté. Il voiagea en grand homme, pour s'inf truire, & non pour s'enrichir. Il alla chercher jufqu'au fond des Indes les richeffes de l'erudition, & ne fe foucia gueres des tréfors qu'il trouvoit prefque à fa porte, dans un pays abondant en mine d'or & d'argent.