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Diog.
Laert.

3620.

voit pour l'oppofer aux difciples de
Philon, parmi lefquels Ciceron tenoit
le premier rang.

ARTICLE CINQUIEM E.
Des Péripatéticiens.

ARISTOT E.

J'AI DEJA remarqué qu'après la mort de Platon, fes difciples fe partagérent en deux fectes: dont l'une demeura dans l'école même où Platon avoit enfeigné, qui étoit l'Académie ; & l'autre paffa dans le Lycée, lieu agréable fitué dans un faux-bourg d'Athénes. La derniére eut pour chef & fondateur Ariftote.

Il étoit de Stagire, ville de Macédoine. Il naquit la 1ere année de l'OAN. M. lympiade XCIX. quarante ans environ après Platon. Son pere, appellé Nicomaque, étoit médecin, & fleuriffoit fous Amyntas Roi de Macédoine, pere de Philippe.

Agé de dix fept ans il vint à Athénes, entra dans l'Ecole de Platon, & y reçut fes leçons pendant vingt ans. Il en faifoit tout l'honneur, & Platon l'appelloit l'ame de fon Ecole. Il avoit une fi grande paffion pour l'étude, qu'afin

qu'afin de résister à l'accablement du fommeil, il mettoit un baffin d'airain à côté de fon lit, & quand il étoit couché, il étendoit hors du lit une de fes mains où il tenoit une boule de fer " afin que le bruit de cette boule qui tomboit dans le baffin lorfqu'il vouloit s'endormir, le réveillât fur le champ.

Après la mort de Platon, qui arri va la ere, année de l'Olympiade CVIII. il fe retira chez Hermias Ty- AN. M. ran d'Atarne dans la Myfie, fon con- 3656. difciple, qui le reçut chez lui avec plaifir, & le combla d'honneurs. Hermias aiant été condanné & mis à mort par le Roi des Perfes, Ariftote époufa fa foeur Pithaïde, qui étoit demeurée fans biens & fans protection.

C'eft dans ce tems là que Philippe le choifit pour prendre foin de l'éducation d'Alexandre fon fils, qui pouvoit alors avoir quatorze ou quinze ans. Il y avoit longtems qu'il l'avoit Aul. Gell. déftiné pour cet important & glorieux lib. 9. cap. emploi. Dès que fon fils fut venu au monde, il lui en apprit la nouvelle par une lettre qui ne fait pas moins d'honneur à Philippe qu'à Ariftote. Je ne crains point de la raporter encore

3.

ici. Je vous apprend, lui dit-il, que j'ai un fils. Je rends graces aux dieux, nón pas tant de me l'avoir donné que de me l'avoir donné du tems d'Ariftote. Ţ'ai lieu de me promettre que vous en ferez un fucceffeur digne de nous, & un Roi digne de la Macédoine. Quintilien a dit expreffément qu'Ariftote enfeigna à Alexandre les prémiers élémens des Lettres. Mais comme ce fentiment fouffre quelque difficulté, je ne m'y arrête pas entiérement. Quand le tems de prendre foin de l'éducation du Prin ce fut arrivé, Ariftote fe tranfporta en Macédoine. On a vû ailleurs le cas que Philippe & Alexandre faifoient de fon rare mérite.

Après un féjour de quelques années dans cette Cour, il obtint la permiffion de fe retirer. Callifthéne, qui l'y avoit accompagné, prit fa place, & fut deftiné pour fuivre Alexandre dans fes campagnes. Ariftote, qui avoit

b

a An Philippus Macedonum rex Alexandro filio fuo prima literarum elementa tradi ab Ariftotele fummo ejus ætatis Philofopho voluiffet, aut ille fufcepiffet hoc officium, fi non ftudiorum initia à perfectiffimo quoque tractari, pertinere ad fummam credidiffet ? Quintil. lib. 1. cap. 1.

b Ariftoteles, Callifthenem auditorem fuum ad Alexandrum dimittens, monuit ut cum eo aut rariffimè, aut quàm jucundiffimè

joint à beaucoup de jugement un grand ufage du monde, prêt à faire voiles, pour Athénes, avertit Callifthéne de fe rappeller fouvent une maxime de Xénophane, qu'il jugeoit absolument néceffaire aux perfonnes qui vivent à la Cour. Parlez rarement devant le

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دو

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Prince, lui dit- il; ou parlez - lui d'une manière qui lui plaife: afin que votre filence vous mette en fureté ,, ou que vos difcours vous rendent ,, agréable.,, Callifthéne, qui avoit de la dureté & de l'aigreur dans l'efprit, profita mal de ce confeil, qui dans le fond fe fent plus du Courtifan que du Philofophe,

Ariftote n'aiant donc pas jugé à pro pos de fuivre fon Eléve à la guerre, pour laquelle fon attachement à l'étude lui donnoit beaucoup d'éloignement, après le départ d'Alexandre, retourna à Athénes. Il fut reçu avec toutes les marques de diftinction dûes à un Philofophe célébre par tant d'endroits. Xénocrate tenoit alors l'Ecole. de Platon dans l'Académie: Ariftote ouvrit la fienne dans le Lycée. Le con

cours

loqueretur: quo fcilicet apud regias aures vel filentio tutior, vel fermone effet acep tior. Val. Max. lib. 7. cap. &

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cours des auditeurs y fut extraordinaire. Le matin fes leçons étoient fur la Philofophie, l'après midi fur la Rhétorique: il les donnoit ordinairement en fe promenant, ce qui fit appeller fes difciples Péripatéticiens.

Il n'enfeignoit d'abord que la Philofophie: mais la grande réputation d'Ifocrate, âgé pour lors de quatrevingt-dix ans, qui s'étoit donné tout entier à la Rhétorique, & qui y avoit un fuccès incroiable, le piqua de jaloufie, & le porta à en donner auffi des leçons. C'est peut-être à cette noble émulation, permife entre Savans quand elle fe borne à imiter, ou même à furpaffer ce que les autres font de bien, que nous devons la Rhétorique d'Ariftote, Ouvrage le plus complet & le plus eftimé que nous ait laiffé l'antiquité fur cette matiére: à moins qu'on n'aimə mieux croire qu'il l'avoit compofé pour Alexandre..

Un mérite auffi éclatant que celui d'Ariftote, ne manqua pas d'exciter contre lui l'envie, qui rarement épar gne les grands hommes. Tant que vécut Alexandre, le nom de ce Conquérant en fufpendit l'effet, & arréta la mauvaise volonté de fes ennemis :

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