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LIVRE VINGT-SIXIEME.

DES

SCIENCES

SUPERIEURES.

Ous voici arrivés à ce

N

qu'il y a de plus grand & de plus élevé dans l'ordre des connoiffances naturelles, j'entends la Philofophie, & les Mathématiques qui en font une branche, qui ont fous elles un grand nombre d'Arts & de Sciences qui en dépendent, ou qui y ont raport, & dont l'étude demande, pour y réuffir, de la force & de l'étendue d'efprit, & perfectionne à fon tour ces qualités naturelles. On conçoit bien que des matiéres fi va riées, fi étendues, fi importantes, ne peuvent être traitées ici que très fuperficiellement. Je ne prétends pas même les embraffer toutes, ni en fai re un détail exact. J'en cueillerai la Tome XII. fleur

Y

fleur pour ainfi dire, & je m'arréterai à ce qui me paroitra le plus propre à fatisfaire, ou plutôt à exciter la curio. fité des Lecteurs peu éclairés fur ces matiéres, & à leur donner une légére idée de l'hiftoire des grands hommes qui fe font diftingués dans ces fciences, & des progrès qu'elles ont pu faire en paffant des Anciens aux Modernes. Car il n'en eft pas ici comme des Belles-Lettres, où certainement, pour ne rien dire de plus, les fiécles poftérieurs n'ont rien ajouté aux productions d'Athénes & de Rome.

Toutes les Sciences dont je dois ici parler, peuvent fe divifer en deux parties, qui font la Philofophie & les Mathématiques. La Philofophie fera la matiére de ce vingt-fixiéme Livre ; & les Mathématiques celles du fui vant, qui fera le dernier.

DE

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le raisonnement. Cette fcience fut d'abord appellée Sagesse copia, & ceux qui en faifoient profeffion, Sages ooo. Ces noms parurent trop fal tueux à Pythagore, il leur en fubftitua de plus modeftes, appellant cette fcience Philofophie, c'est-à-dire, amour de la fageffe ; & ceux qui l'enfeignoient ou qui s'y appliquoient, Philofophes, c'est-à-dire amateurs de la fagetfe.

Prefque dans tous les tems, & dans toutes les nations policées, il y a eu des hommes ftudieux, & d'un efprit élevé, qui ont cultivé cette fcience avec un grand foin: les Prêtres en Egypte, les Mages dans la Berfe, les Caldéens à Babylone, les Brachmanes ou Gymnofophiftes chez les Indiens, les Druides chez les Gaulois. Quoique la Philofophie doive Lon origine à plufieurs de ceux que je Y 2

viens

viens de nommer, je ne la confidérerai ici qu'autant qu'elle a paru dans la Gréce, qui lui a donné un nou vel éclat, & qui en eft devenue comme l'Ecole générale. Ce ne font pas feulement quelques particuliers, épars çà & là en differentes régions, qui faffent de tems en tems d'heureux efforts, & qui jettent par leurs Ecrits & par leur réputation une lumiére brillante, mais courte & paffagére. La Gréce par un privilége fingulier, a nourri & formé dans fon fein pendant une longue fuite de fiécles non interrompue une foule, ou, pour mieux dire, un peuple de Philofophes, uniquement occupés à cher cher la vérité, dont plufieurs dans çette vûe renonçoient à leurs biens, quittoient leur patrie, entreprenoient de longs & pénibles voiages, & paffoient toute leur vie dans l'étude juf -qu'à une extrême vieilleffe.

Peut-on croire que ce concours d'hommes favans & ftudieux fi perféyérant & d'une fi longue durée dans un feul & même pays, n'ait été l'effer que du hazard, & non d'une Proyidence particuliére qui a fufcité cette nombreuse fuite de Philofophes

pour

pour maintenir & perpétuer lancienne tradition fur certaines vérités ef fentielles & capitales? Combien leurs préceptes fur la morale, fur les vertus, fur les devoirs, ont-ils été uti les pour empêcher le débordement des vices! Quel affreux défordre, par exemple, auroit on vû, fi la fecte Epicurienne eût été feule & dominante! Combien leurs difputes ont elles fervi pour conferver les dogmes importans de la diftinction de la matiére & de l'efprit, de l'immortalité de l'ame, de l'existence d'un Etre fouverain! Il a n'eft pas douteux que Dieu leur avoit découvert fur tous ces points d'admirables principes préférablement à tant d'autres peuples, que la barbarie tenoit dans une profonde ignorance.

Il est vrai que, parmi ces Philofophes, plufieurs ont avancé d'étranges abfurdités. Tous même, felon Rom. 1. Saint Paul, ont retenu la vérité de Dieu 19. & 21. dans l'injustice... ne l'aiant point glorifié comme Dieu, ne lui aiant point rendu graces. Aucune Ecole n'a jamais ofé foutenir ni prouver l'unité d'un

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a Quod notum eft Dei, manifeftum eft in illis Deus enim illis manifeítavit.

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