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Quintilien oppose fouvent le ftile du fiécle dont nous parlons, à celui du tems où lui-même vivoit ; & il donne à cette occafion un excellent précepte.,, Les a jeunes gens, dit-il, ont deux grands défauts à éviter. Le premier feroit, fi quelque admirateur outré des Anciens leur donnoit pour lecture & pour modéles les Haran,, gues de Caton, des Gracques, & d'autres pareils Auteurs: car ce feroit le moien de leur faire prendre un ftile sec, dur, âpre, hériffé. Un ,, autre défaut tout contraire feroit, qu'éblouis par la parure brillante du ftite mou & efféminé qui eft deve„nu à la mode, ils fe laiffaffent gâter le goût par cette éloquence doucereufe & fleurie, d'autant plus dan» gereuse pour eux, qu'elle a plus

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Tome XII.

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a Duo genera maximè cavanda pueris puto. Unum, ne quis eos antiquitatis nimius admirator in Gracchorum Catonifque & aLiorum fimilium lectione durefcere velit: fi ent enim horridi atque jejuni... Alterum, quod huic diverfum eft, ne recentis hujus lafcivia flofculis capti, voluptate quadam prave deliniantur, ut prædulce illud gerus & puerilibus ingeniis hoc gratius quo propius eft, adament Firmis autem judiciis jam que extra periculum pofitis, fuaferim &

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Brut. n. 85.88.

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de raport

à leur caractére & à leur ,, âge. Quand ils auront le jugement formé & fûr, je les exhorterai, dit Quintilien, à re les Anciens, dont l'éloquence mâle & vigoureufe, ,,lorfqu'on en aura féparé la rudeffe du fiécle groffier où ils vivoient, fer,, vira à foutenir, & même à relever les beautés & les ornemens de la nô , tre. Je leur confeillerai auffi de lire ,, beaucoup les Modernes, qui ont d'excellentes parties, & qui peu» vent leur être d'une grande utilité. J'ai cru que ce morceau de Quintilien étoit fort propre à faire connoitre le ftile du tems dont il s'agit ici : outre qu'il renferme un avis bien fenfé, & dont nos jeunes gens auffi pourront profiter.

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Je ne m'arréterai point fur le caractére de l'éloquence de Scipion & de Lélius. Je fuis perfuadé que, quoiqu'elle fe reffentît du fiécle où ils vivoient, elle étoit beaucoup éloignée de la dureté de celle de Caton & des Gracques. Je raporterai feulement ici un fait, bien honorable pour Lélius, antiquos legere, ex quibus fi affumatur folida ac virilis ingenii vis deterfo rudis feculi fqualore, tum nofter hic cultus clariùs enitefcet: & novos, quibus & ipfis multa virtus adest. Quintil. lib. 2. cap. 6.

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& qui montre jufqu'où il portoit la candeur & la bonne foi. Il avoit été chargé d'une caufe très importante. Il la plaida avec beaucoup d'éloquence. Les Juges cependant ne crurent point que la caufe fût en état d'ètre jugée & la renvoiérent à une autre audience. Il la travailla de nouveau, & la plaida une feconde fois. Elle eut lo même fort qu'auparavant. Alors Lélius n'hélita point, & força fes parties à remettre leur caufe entre les mains de Galba, célébre Orateur de ce temslà, qui avoit plus de véhémence & de pathétique que lui. Il eut beaucoup de peine à s'en charger, &, au premier plaidoier, il la gagna tout d'une voix. » On favoit pour lors, dit Ciceron, rendre justice au mérite d'autrui

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même à fon propre préjudice. Eras omnino tum mos, ut in reliquis rebus melior: fic in hoc ipfo humanior: ut faciles effent in fuum cuique tribuendo. §. II.

Second age des Orateurs Romains. JE PLACERAI dans ce fecond age quatre Orateurs: Antoine & Craffus, qui étoient plus âgés, Cotta & Sulpitius, qui étoient plus jeunes On ne les connoit guéres que par ce que R 2

Cice

Lib. 1. de Orat. H. 82.

Lib. 2. de Orat. ♥ 3.

Ibid. n.

153.

Ciceron nous en apprend dans fes Livres de Rhétorique. Il a remarque que ce fut fous les deux premiers que l'Eloquence Latine, parvenue à une forte de maturité, commença à pouvoir entrer en lice avec celle des Grecs.

ANTOINE, dans le voiage qu'il fit pour aller en Cilicie en qualité de Proconful, s'arréta quelques tems à Athénes & dans l'Ile de Rhodes fous différens prétexte, mais en effet pour avoir occafion de converfer avec les plus hábiles Maîtres de Rhétorique, & pour fe perfectionner dans l'éloquence par leurs avis. Il affecta pourtant toujours dans la fuite de paroitre ignorer ce que les Grecs enfeignoient fur l'Art de parler, esperant par ce moien rendre fon éloquence moins fufpecte. En b effet il paffoit communément dans l'efprit de fes auditeurs

a Quod idcirco pofui, ut dicendi Latinè prima maturitas in qua ætate extitiffet, pof fet animadverti. Cic. in Brut. n. 161. Ego fic exiftimo id his primum cum Græcorum gloria Latine dicendi copiam æquatam. ib. n. 238.

b Erat memoria fumma, nulla meditatio. nis fufpicio. Inparatus femper aggredi ad dicendum videbatur: fed ita erat paratus, ut Judices, illo dicente, non nunquam viderentur non fatis parati ad cavendum fuiffe. Brut. n. 139.

pour venir au Barreau plaider fes caufes prefque fans préparation. Mais dans la vérité, il étoit tellement préparé, que fouvent les Juges ne l'étoient pas affez pour fe défier de lui. Rien de ce qui pouvoit fervir à fa cause ne lui échapoit. Il favoit placer chaque preuve dans l'endroit où elle faifoit plus d'impreffion. Il étoit moins attentif à la délicateffe & à l'élégance des mots, qu'à leur force & à leur énergie. Il ne paroiffoit occupé que des chofes mêmes & du raifonnement. Il avoit toutes les grandes parties d'un Orateur, & il les foutenoit merveilleufement par la force & la dignité de fa prononciation.

Lib. 4.

11. 197.

203.

Il trace lui même, dans le fecond Livre de l'Orateur, le plan d'une ha. de Orat. rangue qu'il prononça en faveur de Norbanus, poursuivi, & à jufte titre, comme auteur de fédition, caufe, comme on le fent bien, très difficile & très délicate. Il la traita avec un art, une force, une éloquence, qui arrachérent le coupable à la févérité des Ju. ges; & il avoue lui- même qu'il gagna fa caufe, moins par l'évidence des rai fons, que par la force des paffions qu'il fut emploier à propos. Ita magis affectis animis Judicum, quàm doctis, tua, R 3 Sulpi

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