Rédacteur en chef: M. G. de MOLINARI, correspondant de l'institut. FOVILLE (A. DE), directeur de la ROQUET (Léon). DES ÉCONOMISTES 1898 Si l'année qui vient de s'écouler a été peu satisfaisante pour les amis de la justice et de la bonne entente entre les hommes et entre les peuples, si les intérêts égoïstes et les passions haineuses qui sont les facteurs de l'antisémitisme, du protectionnisme et du militarisme semblent avoir pris le dessus dans leur lutte avec l'esprit de liberté et les sentiments de bienveillance et de concorde, il ne s'ensuit nullement que nous devions désespérer de l'avenir. Il ne faut pas oublier que le présent est l'héritier du passé et que cet héritage renferme un lourd passif d'ignorance, de préjugés et de haines un passif qui s'est accumulé pendant des siècles, et qui ne peut se liquider en quelques jours. La réforme des lois d'oppression et de privilège est partout l'œuvre de l'élite intellectuelle des nations, mais au-dessous de cette élite il y a toujours une classe plus ou moins nombreuse, intéressée au maintien de l'ancien état de choses, et qui ne se résigne que lentement à accepter le nouveau. L'Assemblée Consfituante a bien pu, par exemple, changer, en un moment, la condition légale des juifs, mais ce qu'il n'était pas en son pouvoir de changer, c'était l'état des esprits et des âmes, à l'égard des juifs. Cette race si longtemps persécutée et méprisée a profité d'abord de la tolérance prêchée par les philosophes du xvIIe siècle, ensuite du libéralisme qui animait la bourgeoisie française sous la Restauration et sous le Gouvernement de juillet. Mais lorsqu'elle a pu déployer librement ses aptitudes dans les entreprises financières, commerciales et industrielles, elle y est devenue une concurrente redoutable, et il en a été de même dans les emplois civils et militaires où les juifs se sont précipités, comme des gens affamés par un longjeûne se pressent autourd'une table bienservie. |