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NOS BONS VILLAGEOIS.

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MORISSON. Je comprends Floupin ; mais comment vous êtesvous aliéné le cœur de Tétillard ?...

LE BARON. Tétillard est épicier !...
MORISSON. Il n'y a que lui ?...

LE BARON. Et il en abuse pour nous vendre à prix extravagants des produits douteux... J'ai fini par me fâcher et par faire venir mes épices de Paris. Sur quoi, Tétillard de se déclarer persécuté; Floupin d'insinuer que je ruine le commerce local, le commerce local de vociférer, et un bon tiers de la commune de me montrer les dents !...

MORISSON. Sapristi!

LE BARON. Huit jours après, j'ai la malheureuse idée de vouloir raccommoder les choses par un bienfait... Ému du fâncheux état de la vieille pompe à incendie, je dote la commune d'une pompe, nouveau modèle, que je fais venir de Paris, et j'offre pour la serrer une de mes remises. Grinchu, en sa qualité de lieutenant, réclame une clef de la remise. C'est trop juste, il a sa clef; mais voilà mon animal qui, jour et nuit, lave sa pompe, graisse sa pompe, manoeuvre sa pompe... si bien qu'il éventre une de mes voitures et crève l'œil d'un cheval !.......“ Je retire la clef !... Démission en masse de tout le corps des sapeurs-pompiers, casques en tête ! Je flanque à la porte lieutenant, sergent, pompiers, pompe ! Et me voilà à dos la force armée, comme j'avais déjà, contre moi, tout le haut commerce !...

MORISSON. Vous me faites dresser les cheveux sur la tête monsieur le maire ! Où allons-nous ?

LE BARON. Ce n'est pas tout. Floupin, pour contre-balancer le premier effet de ma pompe, avait eu l'idée d'offrir une nouvelle cloche à la paroisse... par souscription! Il donne cent francs; il quête, et ramasse trois cent soixante-dix francs cinquante centimes.

MORISSON. Il n'y a pas de quoi avoir une sonnette.

LE BARON. C'est ce que je fais remarquer au conseil, en lui proposant, au lieu de cloches, dont nous ne manquons pas, l'achat d'une horloge, qui remplace avantageusement le cadran solaire de l'église... Floupin, qui est du conseil, prend la parole et fait une conférence sur ce sujet... Floupin voit dans cette horloge un attentat du progrès moderne, qui veut substituer la mécanique à l'action providentielle; l'horloge, qui reçoit son mouvement de l'horloger, au cadran solaire... qui ne reçoit la lumière que d'en haut!... Je réplique... On s'échauffe ... Je triomphe... Il retire ses cent francs: j'en donne mille ! et j'installe mon horloge... Mais le curé, qui préférait sa cloche, me boude; le vicaire me boude; le suisse, le bedeau, me boudent! Et me voilà encore brouillé avec toute la fabrique, qui ne me pardonne pas de lui donner l'heure exacte, et de lui prouver que le temps marche !

CHERBULIEZ.

(1832.)

Victor CHERBULIEZ, était occupé à Genève comme professeur par ticulier, lorsqu'il se fit tout à coup connaître par des oeuvres littérai res très distinguées. Après une fantaisie d'archéologie artistique A propos d'un Cheval, Causeries athéniennes, 1860, (2e éd. 1864, sous le titre d'un Cheval de Phidias,) il donna une série de romans, qui parurent conçus et exécutés sous l'inspiration de la première manière de George Sand. Le Comte Kostia, le Prince Vitale, Paule Méré, le Roman d'une honnête femme, œuvre d'un mérite incontestable, ont obtenu un éclatant succès.

Paule Méré.

Ce tableau est un chef-d'œuvre! lui dis-je en sortant de mon extase.

Elle me menaça de son pinceau.-Ne me faites pas de compliments, me dit-elle. Je sais que j'ai du talent, mais je voudrais être sûre que ce n'est pas un simple talent d'amateur.

-Je ne sais, repris-je, si ce que vous appelez votre talent a dit son dernier mot; mais je suis certain qu'il y a du génie dans cette toile et que vos animaux, vos rochers, vos broussailles, votre pâtre, vos clairs et vos ombres ne sont que des signes, des moyens d'expression par lesquels vous révélez vos sentiments; la nature est pour vous un vocabulaire où vous choisissez les mots qui rendent votre pensée. Dans les paysages des maîtres c'est toujours de Î'homme qu'il s'agit. Dans ce tableau, tout est humain, lignes et couleurs, tout est d'accord et tout parle; tout exprime le bonheur facile, le repos solitaire, une vie qui se berce au son d'une musique divine; partout, en un mot, respire une passion secrète qui de votre âme s'est répandue sur ces gazons, sur ces buissons et jusque dans ces lointains vaporeux.

Elle rougit de plaisir. Puis, inclinant sa belle tête, elle me dit d'un ton grave :-Ce n'est pas mon tableau, mais l'art que vous venez de définir. Passion et harmonie, tout est là, et j'ai toujours pensé que le véritable artiste est un maître de ballet qui apprend aux passions à former des pas. Rude métier! le plus souvent ces apprenties n'ont pas l'air à la danse.

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-Etonnez-vous en, dit Mme Simpson. Dans ce pauvre monde que l'intérêt gouverne, les passions ne savent sur quel pied danser.

En ce moment, j'avisai sur le rebord de la fenêtre deux jolis souliers de satin rose, brodés de passequilles d'or.-Ah! m'écriai-je, l'un des sujets du corps de ballet a oublié ici ses chaussures! A quelle passion peut convenir une si mignonne chaussure?

Je n'obtins point de réponse, car nous fûmes interrompus par Jane, qui entra dans la chambre comme un boulet de canon.- -Bonjour, coup de vent! lui dit Paule, et elle la fit asseoir sur ses genoux pour réparer le désordre de ses boucles blondes.

Pendant qu'on la recoiffait Monsieur Marcel, me dit l'enfant terrible, croyez-vous comme oncle Bird que Paule soit une sylphide?

-Petite fille, interrompit Mme Simpson, vous écoutez aux portes. Il est impossible qu'en votre présence oncle Bird ait disserté sur les sylphides

Oncle Bird m'a enseigné que les oreilles sont pour entendre, repartit Jane d'un air rétif.

- Qu'est-ce qu'une sylphide? lui demandai je.

- Ce sont de petites femmes aussi jolies que Paule, qui vivent dans l'air, qui dansent dans l'air, qui se nourrissent d'air. Un point embarrasse oncle Bird; les sylphides n'ont point de cœur, et Paule a toute la mine d'en avoir un.

-Tenez-vous donc bien, petite jaseuse, dit Paule. Comme les sylphides, vos cheveux sont tout en l'air.

- Cependant, poursuivit l'enfant, oncle Bird convient que les sylphides se décident quelquefois à aimer; mais alors gare à elles! Cela ne leur réussit jamais. Or Paule aime passionnément les fraises. Hier, chez M. David, elle en a mangé deux soucoupes avec de la crême. Gare à vous, Paule la gourmande! vous finirez mal.

Il y a, répondit Paule, une chose plus singulière qu'une sylphide qui aime les fraises, c'est un coup de vent qui se mêle de raisonner. Qu'attendre d'un coup de vent qui raisonne sinon des contes de l'air?-Et elle l'embrassa sur les deux yeux.

Félix, je ne suis donc pas le seul qui ait eu l'idée de la comparer à une fille de l'air? C'est qu'il y a dans tout son êtro je ne sais quelle grâce légère, aérienne, qui ne res

semble à rien. Hier, embusqué derrière mon rideau, je la regardais jouer avec Jane. L'enfant dévalait en courant du haut du tertre; elle l'attendait, la recevait, l'enlevait dans ses bras et tournoyait dix fois sur elle-même avec la vitesse d'un tourbillon. C'est dans ces moments-là qu'on craint qu'elle ne s'envole; on dirait d'une apparition prête à s'évanouir dans l'espace. S'approche-t-on, tout est changé. Sa grâce lui reste, mais son maintien est digne, sérieux, presque grave; ses manières sont réservées, son propos sobre, discret. Le plus souvent elle interroge et ses yeux écoutent. Quand à son tour elle répond, c'est en peu de mots; mais le peu qu'elle dit est plein de sens et révèle une âme riche, profonde, qui soupçonne le mystère des choses et ne s'en approche qu'avec précaution. Quelquefois aussi tout se réduit à un geste, à un regard; elle n'est pas prête, un peu de patience! laissezlui le temps de se retrouver; à son air recueilli, à son expression chercheuse, on s'aperçoit que son esprit travaille, car si Paule na rêve jamais, elle cherche souvent. Tout à l'heure, en me parlant d'art, de passion, d'harmonie, elle avait le front pensif d'une jeune muse qui a rencontré le sphinx et qui s'occupe à le deviner.

Préface..

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L'astérisque (*) désigne les membres de l'Académie française.

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Un accident de voyage....

La jolie ville de Frauenbourg..... 289

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