encore quelque douzaine ou deux de paf. fions. Vous étouffez dans mon cœur toute cette belle espérance d'amour à naître. Je n'ai point de regret à la diverfité qui fe fût trouvée dans ma vie ; j'euffe aimé tantôt une brune, tantôt une blonde, tantôt une perfonne gaie, tantôt une férieufe: mais il me femble que vous raffemblez le mérite de tous ces différens caractères. Vous me paroiffez gaie & férieufe ; & ce qui eft furprenant, j'ai tant d'envie de trouver tout en vous, que je vous trouve blonde & brune en même temps. Il vaut autant que je vous aime vous feule, que fi je m'étois amusé à aimer en détail toutes ces autres personnes quifont en vous en raccourci: mais auffi, afin que l'empire d'amour ne perdît rien, il faudroit que vous m'aimaffiez autan qu'elles auroient pu faire toutes enfemble. Vous êtes jeune, il feroit extrêmement glorieux que votre coup d'effai fût quelque chofe de grand. A MONSIEUR DE.... LETTRE IX. JE fuis perdu, mon cher Monsieur, je me fuis brouillé au Couvent par une imprudence que j'ai faite. J'écrivois à Mademoiselle de V.... & je lui mandois que je hafarderois dans ma Lettre quelques mots d'amour, fi la révérende Mère fa Gouvernante ne la devoit point lire; mais que je refpectois cette bonne Religieufe plus qu'elle, parce qu'elle étoit assurément moins jolie. Je ne m'apperçus que trop à la première vifite, qu'elle avoit lu ma Lettre, comme cela ne pouvoit manquer d'arriver; & je fentis bien le chagrin où elle étoit d'avoir été trop refpectée. Je crus que, pour remédier à tout, il ne falloit que lui manquer de refpect: quoique cela ne fût pas aifé, je lui dis cent folies qui ne s'adreffoient qu'à elle ; j'attaquai cevoile baiffé, par les plus impertinentes galanteries dont je pus m'avifer. Je lui dis que nous étions bien heureux qu'elle n'en pût pas mettre un fur fon efprit comme comme fur fon vifage; que l'obftination qu'elle avoit à ne le pas vouloir hauffer, ne pouvoit être qu'une marque de fa charité pour le prochain, qu'elle ne vouloit pas mettre en péril; qu'il falloit l'en remercier en même temps qu'on s'en plaignoit. Enfin quelles fottiles ne furent pas dites, & quelles fottifes du moins auffi grandes ne furent pas répondues! Il n'y a que vous qui le fachiez, ô grilles confidentes & témoins de mes peines! Cependant je n'avançai rien, & cette bonne Religieufe ne me veut pas moins de mal pour la beauté méprilée, que Junon en voulut autrefois à Pâris. Il eft vrai que j'ai un peu plus de tort que lui; car encore ne condamna-t il que ce qu'il avoit vu: moi j'ai condamné la Junon voilée fans l'avoir vue, heureux pourtant de n'avoir pas jugé autant en connoiffance de caule que Pâris. J'ai déjà été refufé deux fois à la grille fur d'affez mauvais prétextes; cela ne m'étoit point arrivé avant la Lettre. Toute mon efpérance eft qu'il viendra bientôt à la bonne Mère quelque menace d'apoplexie qui l'obligera de me pardonner. A vous dire le vrai, je crois qu'une Tome I. Nn apoplexie toute entière feroit encore mieux. A MADEMOISELLE DE V... LETTRE X.. PUISQU'E UISQU'ENFIN Vous allez paroître dans: le monde, Mademoiselle, je veux me mettre à prophétifer & lire dans l'ave-. nir votre destinée.. Imaginez-vous un grand cri qui s'élevera dans Paris, & mille voix confufes où l'on pourra feu lement diftinguert Qu'elle est jolie ! qu'elle eft belle! Jufqu'à préfent on vous a yue dans le lieu où vous avez été; mais perfonne ne vous a encore regardée, hormis moi, qui certainement me fuis bien acquitté fur cela de món devoir. Tous les yeux, Mademoiselle, vont être à peu près pour vous comme les miens; vous n'y remarquerez peut-être pas de différence: mais fi vous permettez de mêler quelque chofe de trifte dans mes prédictions, les premiers jours de votre apparition une fois paffés, vous ne trouverez plus dans les yeux des autres ce qui fera encore dans les miens. Vous entendrez inceffamment autour de vous une forte de bruit fourd & de murmure confus auquel vous n'êtes pas encore accoutumée; cela s'appelle des foupirs. Ils feront faits comme quelques-uns de ceux que vous avez déjà entendus de moi; peut-être feulement feront-ils pouffés un peu plus haut, mais ce ne font pas-là les meilleurs. Sur-tout i tombera fur vous de toutes parts une grêle de certaines chofes agréables, qu'on nomme des fleurettes ou des douceurs; vous en ferez fi accablée, qu'à peine aurez-vous le loifir de refpirer dès que vous vous en ferez défendue d'un côté, elles vous attaqueront de l'autre; mais de peur que vous ne vous accoutumiez trop à ce langage flatteur qui ne fera que dans la bouche des hommes, je m'engage à vous rapporter fidellement ce que diront de vous ·les femmes, dont les plus jolies ne manqueront pas à vous trouver les yeux trop grands, ou la bouche trop petite. Pour moi, fi vous n'étiez pas préfentement la feule perfonne de votre fexe pour qui je m'intéreffaffe, je ferais pu Nn i 1 A |