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dire fi-tôt de ce qui avoit paru aux yeux de tout le monde, & peut-être avoit-elle quelque honte de fes nouveaux fentiments. Mais enfin elle ne s'en cache plus; elle a renoncé à toute pudeur elle lui dit publiquement mille chofes tendres, & lui donne de petits noms. Vous ne fauriez croire la mauvaife grace qu'a cet homme-là à être aimé d'une jolie femme. Cela ne lui fied poinr du tout, & c'eft un ridicule pour lui que d'être appellé mon cœur par une belle bouche, & regardé amoureusement par de beaux yeux. Du temps qu'il ne faifoit que fe plaindre des duretés qu'on avoit pour lui, il est vrai qu'il fe plaignoit d'une manière brutale, & fouvent impertinente: mais on trouvoit bon qu'il fe plaignît; c'étoit le perfonnage qui lui convenoit, on le lui laiffoit faire: mais qu'il foit aimé, on n'y fauroit confentir. N'allez pas vous imaginer que je fois jaloux de fon bonheur, & amoureux de la Dame; je vous proteste que non c'est seulement qu'on feroit bien aise de voir un certain ordre raifonnable dans les chofes, & qu'on eft blessfé de ne l'y trouver pas. Quelquefois il répond à une chofe trop douce & trop

obligeante qu'on lui dit, par un gros ris qui retentit dans fa vigoureufe poitrine; & quelquefois, ce qui eft plus infupportable, il prend un air férieux qui avertit fa femme qu'il faut modérer un peu fa paflion devant le monde. Je voudrois que vous l'entendiffiez préfentement parler fur la galanterie. Depuis l'heureux fuccès de fon mariage, il fe croit né pour l'amour; il fe mêle de débiter de certains lieux communs, dont tous les gens à bonne fortune fe parent: que c'eft toujours la faute des hommes, s'ils font maltraités, & qu'il n'y a point de rigueurs éternelles, qu'on ne manque point de cœurs quand on les fait bien attaquer ; & enfin tout ce qu'on a coutume de dire en général pour fe le faire appliquer en particulier. Vous jugez bien que de fa vie il n'avoit encore tenu de pareils difcours. Cependant je doute fort qu'il ait autant de fujet d'être content qu'il s'imagine; fa femme eft folle de lui, elle le fera bientôt de quelqu'autre. C'eft la plus dangereufe chofe du monde pour un mari qui n'eft pas aimable, que d'être aimé dès qu'il eft mari; il faut qu'il ait plu par des agrémens qui ne peuvent pas lui être

particuliers. Je vous réponds que Madame.... doit avoir un tempérament fur lequel la vertu du Sacrement a opéré tout auffi-tôt; & fi ce tempérament favorable a trouvé un certain mérite au mari, il eft à craindre qu'il ne le trouve auffi à bien d'autres. Voilà ce que c'est que le mariage. Qu'une femme n'ait pour vous que les fentiments qu'elle prend dans fon devoir cela eft fûr, mais peu agréable; qu'elle en ait de plus tendres, mais que le mariage ait caufés trop foudainement, cela eft plus agréable, mais peu fûr. On feroit bien embarraffé à choifir; le meilleur eft, je crois, de ne choifir point.

JE

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E vous l'avois bien prédit, c'en est fait, le pauvre mari n'eft plus aimé: on ne l'appelle plus que Monfieur, quelquefois mon cher, mais rarement & languiffamment; & je vois un jeune homme bien fait & affidu, qui a bien

la mine d'emporter les petits noms. Je prévois même que le mari n'en sera que mieux trompé, parce qu'il a été aimé pendant quelque temps: on l'a rempli d'une opinion de fon mérite qui ne lui permettra pas d'être jaloux ; ou s'il vient à l'être, Dieu fait comme on lui reprochera qu'il n'aura pas rendu justice à la tendreffe qu'on lui a marquée. Ces trois ou quatre mois qu'on lui a donnés, ou l'empêcheront de fe plaindre, ou ferviront de réponse à toutes les plaintes, & je vous affure qu'il les paiera bien. Mon Dieu! que cet homme-là paroîtra haïffable à des yeux défabufés car il le leur paroîtra beaucoup plus qu'à d'autres, par le dépit qu'on aura de ne l'avoir pas toujours trouvé auffi fot qu'il eft. Croyez qu'on lui demandera bien compte, & qu'on le punira bien févérement de ce qu'il aura pris la liberté d'imposer à une jolie femme, & eu la hardieffe de jouir de fon amour. Tout ce qu'il pourra dire pour fa juftification, c'est qu'il a été affez naturel qu'elle commençât par lui la carrière de galanterie où elle va entrer, puifqu'il a été le premier quoiqu'indigne, qui fe foit préfenté elle. En effet, il femble qu'il faille ex

pédier promptement un mari, & aller de-là aux autres: c'eft une affaire faite & on n'y revient plus. Je crois celle-ci bien finie; fi toutes les autres vont fi vîte, l'Hiftoire de Madame..... fera fort remarquable par le grand nombre des amours. Peut-être eft-il à fouhaiter pour le mari qu'il foit bien grand; il auroit du moins la confolation de voir que perfonne n'auroit fait fur le cœur de cette belle perfonne des impreffions plus durables que celles qu'il y a faites.

A MONSIEUR D'A...

LETTRE III.

IL faut que je vous fatisfasse, & que

je vous mande tout au long ce qui fe paffe chez Madame de L.... depuis qu'elle eft veuve. Elle ne fonge, comme vous devez favoir, qu'à prendre un fecond mari; mais quel mari? Elle veut qu'il ait de l'amour pour elle. Elle craint que l'on n'ait des deffeins fur fon bien, plus que fur fa perfonne; délicatelle très-fondée & très-raisonnable,

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