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apparence que fi vous pleurez celui qui ne faifoit que m'imiter, vous me pleureriez bien davantage. Je fuis un original de tendreffe, que vous auriez peine à recouvrer; il ne s'en retrouveroit que de mauvaises copies. Ne défefpérez point le More, parce qu'il me repréfente; il feroit fâcheux qu'il eût encore, par cette raison, la destinée du finge. Ne fauriezvous laiffer en paix tout ce qui a le malheur d'avoir du rapport avec ma fidélité & mon attachement pour vous? Je verfe, pour la mort du finge, des larmes bien mieux fondées que les vôtres; fon aventure m'apprend ce que je dois espérer. Adieu, Madame; fongez, s'il vous plaît, que vous ne fauriez reffufciter le finge, mais que vous pouvez me conserver.

A MONSIEUR.....

En lui envoyant du Quinquina.

LETTRE XXXIX.

JE vous envoie le remède Anglois : il n'y a point de fièvre à préfent qui ofe

tenir contre lui; & s'il ne vous guérit pas, apprenez que vous ne ferez guère à la mode. Je ne fache point d'honnête homme qui, s'il avoit pris du quinquina fans effet, eût la hardieffe de le dire. Cependant votre fièvre, à ce que j'ai appris depuis peu, eft d'une nature parti'culière; je ne fais s'il la chaffera. On dit qu'elle vient du chagrin que vous avez de ce que Mad..... vous a fait une trahifon. Etes-vous fou? Où avez-vous trouvé qu'il faille tomber malade, parce qu'on eft abandonné d'une femme? Cela eft-il de ce fiècle-ci ? Vous deviez naî→ tre trois ou quatre mille ans plutôt que vous n'avez fait, avec les talens de fidélité & de conftance que vous poffédez. Je vous jure que fi le quinquina ne fervoit qu'à guérir les fièvres qui font caufées par des chagrins d'amour, le Médecin Anglois qui gagne ici tout ce qu'il veut, ne s'enrichiroit pas tant. Mais enfin puifque vous voulez être un malade extraordinaire, il faut vous traiter fur ce pied-là. J'ai à vous avertir d'une préparation que vous devez apporter avant que de prendre votre remède. Il ne vous fervira de rien, s'il n'eft précédé de quelques réflexions mûTome

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res & folides fur le caractère de la plu part des femmes, & même fur le caractère de l'amour. Vous demandez de la fidélité à votre maîtreffe ; vous feriez peut-être bien fondé, fi elle n'avoit ja mais aimé que vous, & fi vous n'aviez jamais aimé qu'elle mais elle a eu déjà des paffions qui ont fini; & malgré une experience fi convaincante, vous vous imaginez que la paffion que vous lui infpirez ne finira point! Et quel privilège avez-vous, s'il vous plaît, pardeffus les autres ? D'ailleurs, fi vous avez déjà aimé, vous devez favoir qu'on aime plus d'une fois. Pourquoi la belle fera-t-elle à fon dernier attachement? Vous n'avez qu'un fujet légitime de vous plaindre d'elle; c'eft qu'elle vous a prévenu, & qu'en matière de commerce amoureux, il y a de l'avantage à finir le premier. Il faut lui pardonner de s'en être faifi; une autre fois, vous vous en faifirez fur quelqu'autre. Vous en ferez plus appliqué à ne vous pas laiffer surprendre par une infidélité trop prompte. Malheur à la première femme que vous aimerez! Enfin, ce n'eft pas l'intention de l'amour, que les attachemens durent fi long temps: il tire des cœurs tout ce qu'il y a de plus vif; & enfuite, pour

renouveller cette vivacité, il en change les objets. Il ne faut compter pour des plaifirs fort fenfibles que les commencemens des paflions, & il feroit triste que l'on commençât une fois pour ne finie plus. Prenez toutes ces penfées avec votre quinquina,'& j'espère que vous vous guérirez. Quand vous ferez un peu tiré d'affaire, nous vous ordonnerons un engagement nouveau, pour affermir entièrement votre santé.

A MADA ME.....

LETTRE X L,

MONSIEUR de.

ONSIEUR de... a voulu, Madame, que je lui donnafle une lettre de recommandation auprès de vous. Je ne fais s'il ne préfume point trop de mon crédit, mais je veux bien m'exposer pour lui à vos refus; jugez par-là combien j'entre dans les intérêts. Il veut que je vous prie de l'aider un peu dans fes affa ires, & moi, je vous prie feulement de n'y pas nuire; je crains qu'il n'y fonge plus guère quand il vous aura vue. Il

cherche un accès chez vous, & je vous conjure d'avoir dans l'occafion la bonté de le chaffer de votre chambre pour l'envoyer chez fon Avocat & chez fon Rapporteur. Je vous recommande, non pas fon procès, mais fa liberté s'il perdoit une fois l'un, il pourroit bien auffi perdre l'autre. Sur-tout, je vous supplie, Madame, de vouloir bien ne fourire jamais devant lui; je connois fon cœur & vos fouris, il n'y réfifteroit jamais. De grace, laiffez-lui faire fes affaires; il ne va point à.... pour vous aimer. Ne prenez point avec lui ce tour de conversation badine & enjouée, que vous entendez

bien; il n'y répondroit que trop: mais entretenez-le de l'importance d'un grand procès, des caractères de fes Juges, de la vigilance qu'il faut avoir; enfin, de chofes folides & non dangereufes. Je fais qu'en vous priant de ne vous point faire aimer de lui, je vous demande quelque chofe de plus difficile que fi je vous priois de folliciter tout le Parlement en fa faveur. Vous. n'auriez pas befoin d'efforts pour être très bonne amie, & vous en aurez befoin pour paroître moins aimable que vous ne l'êtes naturellement. Mais auffi que ma

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