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ce que l'autre attend que votre bouchet lui dife. D'ailleurs, je vous donne ma parole, qu'en moins de rien vous fauriez notre Langue; elle n'eft fort difficile que pour les perfonnes qui n'aiment point: mais dès qu'on aime un François, la Langue Françoise est aisée. Les Etrangers l'en eftimeroient moins s'ils favoient cela; c'eft pourquoi on ne dit pas ce fecret à tout le monde: on les fait paffer par des grammaires & par des méthodes qui ne finiffent point. Mais pour vous, on vous eût fait la grace de vous abréger ce chemin. Ecoutez, il eft encore temps; apprenez un peu de François avec moi.

A MADEMOISELLE DE L. M.

LETTRE XVIII.

J'APPRENDS

'APPRENDS avec bien du plaifir Mademoiselle, que vous êtes fur le point de quitter votre Religion. Nous regardons avec beaucoup de pitié nos pauvres frères errans; mais j'en avois une toute particulière pour une aimable petite fœur comme vous. J'étois tout-à

fait fâché de croire que votre ame, au

fortir de votre corps, ne dût pas trouver une auffi jolie demeure que celle qu'elle quittoit; mais enfin, vous me délivrez de cet article de ma créance & de bonne foi je me fens foulagé. Je vous affure que le troupeau d'où vous vous étiez égarée, vous recevra fort agréablement, & que vous y tiendrez bientôt le rang de brebis favorite. On m'a mandé qu'après avoir abjuré votre héréfie, vous abjuriez auffi votre indifférence en faveur de M. le Marquis de C..... C'eft bien fait de quitter toutes vos erreurs en même temps, & de prendre tout d'un coup toutes les opinions faines. Après cela, vous ferez toute renouvellée, nouvelle Catholi que, nouvelle mariée, nouvelle doctrine dans l'efprit, nouveaux fentimens dans le cœur. Voyez l'obligation que vous aurez à l'Eglife; dès que vous l'aurez reconnue pour votre Mère, elle vous fera voir par expérience ce que c'eft que le Sacrement de Mariage, que vous autres Hérétiques vous obstinez à ne pas reconnoître pour un Sacrement. Elle ne peut pas vous convaincre de vos erreurs d'une manière plus douce ni en même temps plus forte. Vous

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avouerez fans doute que vous aviez grand tort de contefter au mariage la dignité que nous lui donnons ; & que quand il n'y auroit que cet article-là, il ne feroit pas pardonnable d'être Calvinifte. Je ne veux pas entrer plus avant dans ce point de controverfe; M. le Marquis eft plus favant Théologien que moi, & il vous inftruira mieux. Après ce qu'il vous enfeignera, vous pourrez difputer en Sorbonne. Il a fait vous convertiffant un trait d'une grande habileté: il a accommodé les intérêts de la Religion & les fiens ; il s'affure mille plaifirs avec vous, & il faudra encore qu'en l'autre monde on lui tienne compte de ces plaifirs-là. On le récompenfera d'avoir pafé fa vie avec une très-jolie perfonne. J'attends avec impatience, Mademoiselle, les deux cérémonies, après quoi vous ferez à nous & à M. le Marquis. Je le nomme le dernier; car, ne lui en déplaife, vous appartiendrez à tous les Catholiques avant que de lui appartenir. Il eft vrai que le dernier à qui vous appartiendrez, fera celui à qui vous appartiendrez le mieux. Nous autres, nous ne vous regardons du côté de votre ame: mais lui, il n'est pas perfuadé qu'une perfonne con

que

fifte en une ame toute feule; & il croiroit ne vous aimer qu'à demi, s'il ne vous aimoit que par-là. Je ne tiens pas fon opinion mauvaise; & s'il étoit permis, bien d'autres vous aimeroient d'une manière auffi parfaite que lui.

A MADAME DE P.

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LETT.RE XIX.

ous êtes bien rigoureufe, Madame, de ne vouloir point confentir au deffein de M. de S.... pour Mademoi felle votre fille. Vous dites que vous. n'approuvez point un mariage entre deux perfonnes qui font iffues de germain: mais croyez-vous que ce foit là un obftacle pour la tendreffe? Quoi! voulez-vous que M. de S.... trouve Mademoiselle de P... . moins aimable, parce qu'il eft fils du coufin germain du père de Mademoiselle de P....? Ce raifonnement-là vous paroît bien fort mais la beauté n'eft-elle pas encore plus forte? A-t-on toujours la généalogie devant les yeux? Et lorfqu'on voit une perfonne touchante, s'avife-t-on de pen Tome I. Ee

,

fer qu'on a un bifaïeul commun avec elle. En vérité, le fouvenir du bifaïeul eft bien loin, quand l'arrière-petitefille eft présente avec tous fes agrémens. Que reprochez-vous à M. de S.... Il est trop bon parent; au lieu d'amitié, il a de l'amour: il s'eft mépris; voilà un grand malheur! Si c'eft la dévotion qui vous tient, fongez que tous les gens de l'Ancien Teftament n'étoient amoureux que dans leur Tribu; & que mille fix cents foixante & quinze ans plutôt, M. de S.... eût été obligé en confcience d'aimer Mademoiselle votre fille. Il est vrai que les chofes ont changé; mais auffi on vous prie feulement de trouver bon que l'on demande le confentement de Rome fur cette affaire. Vous favez qu'on y permet les mariages entre des parens, quand leurs biens font tellement embrouillés les uns avec les autres, qu'ils ne fe pourroient féparer fans de grands procès. Véritablement M. de S. ... & Mademoifelle de P.... n'auront pas cette raifon à alléguer mais ce qui vaut bien autant, ils diront que les affaires de leurs cœurs font tellement embrouillées les unes avec les autres, qu'il n'y a pas moyen de les féparer. Si Made

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