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et de l'amour des plaisirs, est légitime et conforme à notre instinct (1); que suivre ses désirs, c'est l'unique moyen de s'affranchir de leur importunité (2); que pour être heureux, il faut étouffer les remords, qui sont inutiles avant le crime, et qui ne servent pas plus après, que pendant qu'on le commet la bonne philosophie se déshonoreroit en pure perte, en réalisant des spectres et en s'arrêtant à ces vieux préjugés (3); qu'il faut songer au corps avant que de songer à l'ame, la vraie philosophie n'admettant qu'une félicité temporelle, et n'y ayant qu'une vie et une félicité (4); que les plaisirs des sens peuvent nous inspirer toute espèce de sentimens et de vertus; que ce sont ces plaisirs qui font agir et penser les hommes, et qui peuvent seuls mouvoir le monde moral (5); que les Philosophes ne comprennent pas, sous quels prétextes on qualifieroit de crime le concubinage (6); que les femmes galantes sont fort utiles au public, et que les femmes sages sont moins bien conseillées

(1) Les Mours, pag. 81.

(2) Ibid. p. 72.

(3) Disc. sur la Vie heureuse, p. 30, 63.

(4) Ibid. p. 148, 30, 35.

(5) De l'Esprit, p. 36, 366.

(6) Les Mœurs, p. 347.

par ceux qui les dirigent, que les femmes galantes par le désir de plaire (1) ; que si les femmes étoient communes, et les enfans déclarés enfans de l'État, le libertinage alors n'auroit plus rien de dangereux (2); qu'il est clair que le premier qui se fit des habits, se donna en cela une chose peu nécessaire (5) ; que l'amour filial est très-susceptible de dispense, et que de ce qu'un père nous a donné le jour, on ne voit pas qu'il lui soit dû aucune reconnoissance à ce titre (4); que rien n'est plus dangereux dans un État État que les gens sensés, idoles des gens médiocres, et que c'est à l'imprudence et à la folie que le Ciel a attaché la conservation des Empires et la durée du monde; que cette raison tant vantée, synonyme du mot de Bon sens, ne mérite que peu d'estime, et que la prudence seroit sans contredit le plus

(1) De l'Esprit, p. 158.

(2) Ibid. p. 147.

L'Auteur du Livre de l'Esprit, répète ailleurs le même vou, second Disc. c. 5 ; et en parlant de certains abus, inévitables dans toute société, mais qu'il lui plaisoit de regarder comme la source des plus grandes calamités, il ajoute : » Calamités, auxquelles, peut-être, on ne peut soustraire les peuples, qu'en brisant entre les hommies les liens de la parenté «. C'est-à-dire, les rapports de père, de fils, eto.

(3) Rousseau, de l'Inégalité des Conditions, p. 27.

funeste des dons du Ciel, s'il le rendoit commun à tous les Citoyens (1); qu'un enfant ne naît sujet d'aucun pays ni d'aucun Gouvernement (2); que de ce que la Nature a donné à chacun des moyens suffisans de pourvoir à son existence, il résulte avec évidence qu'elle a constitué tous les hommes indépendans les uns des autres; qu'elle les a créés libres; que nul n'est soumis à autrui; que chacun est propriétaire absolu de son être (3); et de ce que tout individu est maî

(1) De l'Esprit, p. 164, 583, 582.

(2) ENCYCLOP. au mot Gouvernement.

(3) c. 17, p. 130. de l'ouvrage cité dans la note, p. 32. Propriétaire absolu de son être ! L'homme n'est pas né cependant pour un état purement isolé: on prouve très-bien qu'un des principes constitutifs de son être, est la sociabilité; que celle-ci ne peut exister sans des rapports de subordination : que cet homme créé libre, ne peut subsister sans dépendre en naissant, et pendant bien des années, de tous ceux qui l'entourent; que l'homme, réellement isolé et dans une entière indépendance, seroit le plus malheureux de tous les êtres. C'est ce que Sénèque a si bien développé dans un passage assez étendu que nous citerons dans un des chapitres suivans, et qui commence par ces mots : » Quel seroit le sort du genre » humain, si chacun vivoit à part « ! etc. C'est à l'état de société, dit Ferguson, que l'homme doit non-seulement l'énergie, mais l'existence même des plus heureuses, des plus douces émotions. C'est à lui qu'il est redevable, je ne dis pas, de la plus grande partie, mais de ce qui forme en total son caractère d'être raisonnable. Mettez-le seul, croissant dans un désert; il est comme

tre absolu de sa personne, il suit que la liberté, pleine de son consentement, est une condition inséparable de tout engagement (1); qu'enfin par ses sensations, l'homme, tantôt détourné de ce qui blesse ses sens, tantôt entraîné vers ce qui les flatte, est nécessité d'aimer et de conserver sa vie (2).

Quant aux principes de certitude, qu'on ne nous parle pas de ce qui saute aux yeux, de ce que l'on conçoit clairement. L'évidence est, de toutes les démonstrations, celle qu'on recherche le plus; et elle est la plus foible, quand on n'est pas prévenu (3). Les Mahometans croient que l'Alcoran est véri

une plante, qui, arrachée de son sol, se dessèche et se flétrit; il n'a plus d'humain que la figure; tout ce qui fait l'homme s'évanouit. An essay on the History of civil Society, sect. 3, pag. 3o. O Philosophes, que vos vues sont donc courtes! vous ne voyez jamais les choses que du plus petit côté.

(1) De l'ouvrage ci-dssus, pag. 131. La liberté pleine de son consentement ! La société toute entière ne peut donc elle-même imposer une Loi qui oblige tout individu, à moins que chaque individu n'y consente? Elle ne peut faire un devoir à aucun Citoyen de défendre l'État auquel il doit tout, et dont il est membre ?

(2) Ibid, chap. 5, pag. 32. Est nécessité de conserver sa vie'; par conséquent d'abandonner son poste, s'il devient trop périlleux; d'enfreindre toute espèce de Loi, toute espèce de devoir, s'il compromet sa sûreté personnelle.

table, les enfans que les fantômes sont re→ doutables; donc il n'y a rien d'évident (1)!

Eh, voilà ce que nos Sages appèlent de la philosophie (2)! c'est là ce qui leur inspire ce saint respect, cette admiration profonde dont ils se sentent pénétrés pour eux-mêmes ! c'est là sur-tout ce qui leur fait dire, en s'adressant à ceux qui sont initiés à leur doctrine et à leurs mystères: Considère le

(1) Ibid. §. 25.

(2) Que Rousseau peint à grand traits nos Philosophes. modernes, lui qui les connoissoit si bien, lorsqu'il dit : " Je consultai les Philosophes, je feuilletai leurs livres ; » j'examinai leurs diverses opinions : je les trouvai tous " fiers, affirmatifs, dogmatiques même, dans leur scepticisme prétendu, n'ignorant rien, ne prouvant rien, se "moquant les uns des autres ; et ce point, commun à tous, me parut le seul sur lequel ils ont tous raison. Triomphans quand ils attaquent, ils sont sans vigueur en se défendant. Si vous pesez les raisons, ils n'en ont que pour détruire; si vous comptez les voix, chacun est " réduit à la sienne, ils ne s'accordent que pour disputer. "Les écouter n'étoit pas le moyen de sortir de mon incertitude. Je conçus que l'insuffisance de l'esprit humain est la première cause de cette prodigieuse diversité de sentiments, et que l'orgueil est la seconde .

Quand on a étudié nos Sages du dix-huitième siècle ; on n'est que trop en droit de leur appliquer ce que Platon disoit des faux Sages de son tems :» Nous ne leur ferons

aucune injustice, en les appelant Philodoxes, plutôt que Philosophes ; c'est-à-dire, amateurs de l'opinion, plutôt qu'amateurs de la sagesse, de Republ. 1. 5. in fin.

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