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Mais, dans ce nouvel ordre de choses, un plan plus relevé, plus magnifique, dans lequel Dieu trouve toute la gloire qui peut lui convenir, et l'homme regagne bien au delà de ce qu'il avoit perdu, se développe en notre faveur. C'est celui qui nous offre ce Réparateur, ce Médiateur, que nous avons vu promis dès la chute d'Adam; annoncé toujours plus clairement d'âge en âge; et, dans le tems prescrit, donné au monde par l'union ineffable du Verbe avec l'humanité. Ainsi l'Etre Suprême reçoit par son Verbe, qu'il a engendré de toute éternité dans l'unité d'une même essence, une réparation digne de lui, un hommage d'un prix

Saint Augustin se servoit de ces erreurs mêmes pour montrer aux Pélagiens combien étoit répandue la croyance d'un péché originel ( Contr. Julian, 1.4, ch. 12 et 15). Hujus evidentia miseriæ gentium, dit-il dans le dernier chapitre de ce 4me. livre, Philosophos compulit dicere, ob aliqua scelera suscepta in rita superiore, pœnarum luendarum causâ, nos esse natos. Le dogme de la Métempsycose ou de la transmigration des ames, qui, des Égyptiens, au rapport d'Herodote (1. 2, p. 137, Edit. Jungerm.), avoit passé chez les Grecs, qui a toujours été reçu chez les Indiens, qui l'est encore chez la plupart des Nations qui ne sont pas éclairées des lumières de la Religion (Burigny, Théologie Païenne, tom. II, p. 34 et suiv.), paroît tenir en partie aux mêmes idées, ou du moins avoir été la suite d'une tradition universelle, quoiqu'altérée, relative à cet objet.

infini. Ce n'est plus par l'homme seul que Dieu est adoré, glorifié; c'est par son Fils, de même nature, de même substance que lui; c'est par l'homme uni à Jésus-Christ, relevé, purifié, ennobli par sa grace, et revêtu de ses mérites.

Économie sublime! et telle qu'un Philosophe célèbre (1) s'élevant aussi haut que la Philosophie, aidée de la Religion, pouvoit le faire, se sentoit disposé à croire que, » quand bien même l'homme n'eût pas pé» ché, une Personne divine n'eût pas laissé » de s'unir à l'univers pour le sanctifier, » pour le tirer de son état profane, pour lui >> donner une dignité infinie; afin que Dieu, » qui ne peut agir que pour sa gloire, en » reçût une, qui répondît parfaitement à

>> son action «.

Après avoir conçu de Dieu et de l'homme les idées les plus conformes à leur nature, à la raison, et à la Religion, il nous est encore essentiel, pour achever de poser les bases sur lesquelles doit porter, même icibas, notre félicité la plus vraie, de faire une juste estimation des biens et des maux, comme étant les élémens de notre bonheur ou

(1) Mallebranche, Entretiens sur la Métaphysique et sur

de notre malheur; et de prévenir les erreurs dans lesquelles l'abus de notre raison pourroit nous entraîner.

SECTION II.

De la juste appréciation des biens et des maux, et des règles les plus propres à nous rapprocher du bonheur.

Le bonheur se formant de la plus grande somme des biens auxquels nous pouvons prétendre, et de la moindre somme possible des maux que nous sommes dans le cas d'éprou

ver, il n'y a que deux moyens pour rendre

notre condition aussi bonne qu'elle peut l'être : l'un consiste à augmenter la somme des biens, et l'autre à diminuer celle des maux (1). Pour y parvenir nous ne saurions trop nous appliquer à les bien connoître, afin d'être en état de les comparer entre eux, de faire choix des biens qui nous rapprochent le plus du bonheur, et d'éviter les maux qui contribueroient le plus à nous en éloigner (1).

(1) Voyez l'Essai de Philosophie morale de M. de Maupertuis, de l'Académie Françoise et de l'Académie des Sciences, ch. 4.

(2) Lisez, sur tout ceci, Burlamaqui, Principes du droit Naturel, ch. 6, et les notes de Barbeyrac, sur les devoirs de l'Homme et du Citoyen, par Puffendorf, ch. 1, §. XI.

1. Il y a des biens réels et des biens apparens. 小

Nous remarquons fréquemment que les apparences nous trompent, et que ce qui nous avoit d'abord paru un bien, se trouve réellement un mal; tandis qu'un mal apparent cache souvent un très-grand bien.

Nous ne devons pas considérer comme un bien réel ce qui peut détériorer notre être, tout ce qui tend à l'altérer ou à le corrompre; puisque ce seroit, par-là même, sapper les fondemens de notre félicité. Ainsi la raison étant la plus noble partie de l'homme, comme elle est son premier guide, tout ce qui est incompatible avec elle ne sauroit faire son bonheur. Disons la même chose de tout ce qui est en opposition avec les rapports pris dans la nature, qui sont entre nous et les êtres qui nous environnent; puisque ces rapports font partie de notre constitution, et que les contredire c'est altérer notre constitution même et détériorer la nature de notre être.

On peut mettre, à certains égards, au nombre des biens apparens, tout ce qui tient en partie à l'opinion. La gloire, les grandeurs, les richesses, etc. considérées comme nécessaires à notre bonheur, n'ont, sous ce point de vue, qu'une apparence de réalité.

Combien d'hommes, combien de sages ont su trouver, au sein de l'obscurité, de la médiocrité, d'une sorte de dénuement et de pauvreté, la paix qu'ils n'avoient pu rencontrer parmi tout l'éclat de la renommée, dans la plus haute fortune, et dans le rang le plus élevé. N'oublions jamais que c'est dans les principes de la vraie sagesse, et dans les dispositions d'un cœur maître de soi et bien ordonné, que se puisent le plus sûrement le contentement et la paix.

2t. Tous les biens ne sont pas du même genre; tous ne sont pas égaux.⠀

Nous devons préférer un plus grand bien à un moindre; nous devons aspirer toujours aux biens les plus excellens qui peuvent nous convenir, et proportionner nos désirs et nos recherches à la nature de chaque bien.

Ce principe est évident par lui-même ; puisque plus un bien est excellent et de nature à nous convenir, plus il doit ajouter à notre bonheur.

5t. Il y a des biens durables et des biens passagers.

Nous devons, toutes choses égales, préférer un bien plus durable, et à plus forte raison un bien qui nous reste, à celui qui passe et qui a moins de durée. Dans l'inégalité même, la raison nous dicteroit encore

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