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de parties finies. Anaximène modifie à sa manière l'idée de cette substance infiniment étendue, et prétend que c'est l'air. Xénophane dit que Dieu est un tout infini; et il y ajoute une intelligence. Tout est un, dit-il encore; il n'éprouve aucune vicissi- tude; il est Dieu; il est éternel et de figure ronde. Parménide, disciple de Xénophane, admet deux élémens, le feu et la terre, dont l'un qui est le feu, agit sur l'autre qui lui sert de matière : il soutient que la première génération de l'homme est venue du soleil. Anaxagore, qui a vécu un siècle après Thalès, est le premier qui ait senti la nécessité d'une cause efficiente, essentiellement distinguée de la matière, et il pose pour principe que le système et l'arrangement de l'univers sont dûs à la puissance et à la sagesse d'un esprit infini. Mais il est un écueil contre lequel il vient échouer avec la plupart des anciens Philosophes; c'est la coéternité de deux principes indépendans l'un de l'autre quant à leur existence, tous deux existans par eux-mêmes, existans nécessairement, et dont l'un cependant force l'autre à prendre la situation et la forme qu'il lui plaît (1).

(1) La source de ces erreurs est dans le peu d'idées justes qu'on s'étoit faites de la nécessité d'être par oppo

N'oublions pas ce qu'a dit Anaxagore sur l'origine du genre humain. La terre, selon lui, d'abord humide, aqueuse, et réchauffée

sition à la simple possibilité, ou ce qu'on appelle la contingence. L'être nécessaire, existant par lui-même, trouvant tout ce qu'il est et tout ce qu'il possède dans sa propre essence, est nécessairement immuable et indépendant. L'être qui n'étoit que possible, qui ne passe de cette simple possibilité à l'être que par une cause qui est hors de lui, et dont il reçoit par cela même une existence empruntée, est dès-lors muable au gré de cette cause, et dépendant tels sont évidemment les attributs de la matière.

Nihil est toto quod perstet in orbe; cuncta fluunt.

Et le reste qu'on peut voir dans Ovide, Métamorph. 1. 15, v. 177.

C'est ce que Voltaire a si bien rendu dans ces vers:

Le tems qui donne à tout le mouvement et l'être,
Produit, accroît, détruit, fait mourir, fait renaître,
Change tout dans les cieux, sur la terre et dans l'air.
L'âge d'or, à son tour, suivra l'âge de fer.
Flore embellit d'un champ l'aridité sauvage;
La mer change son lit, son flux et son rivage;
Tandis que l'Éternel, le Souverain des tems,
Demeure inébranlable en ces grands changemens.

Les anciens Philosophes vouloient que tout eût toujours été ; et il est certain que quelque chose est de toute éternité, puisque quelque chose existe, et que le néant ne peut être par lui-même le principe de l'être; mais aussi, il ne faut qu'un premier être, existant par luimême, pour que tout le reste, qui n'étoit que dans l'ordre des possibles, ait commencé à exister.

C'est de là que se forme l'idée de la création. Bien des gens la rejettent, parce qu'ils ne peuvent la comprendre;

ensuite par le soleil, produisit les premiers animaux et les premiers hommes. Anaximandre avoit dit avant lui que de l'eau et de la terre échauffée, étoient sortis des poissons et des animaux fort semblables; que, dans ces poissons, il s'étoit formé des hommes, qui y étoient restés jusqu'à l'âge de puberté; et qu'à cet âge, rompant les barrières qui les retenoient, ils s'étoient trouvés en état de se nourrir eux-mêmes (1).

Démocrite donne aux atômes un mouve

mais elle est prouvée par ce que nous venons de dire plus haut. Que de choses sont démontrées, même dans les mathématiques, et que nous ne comprenons pas ; telles, par exemple, que les lignes appellées asymptotes par les Géomètres, et qui sont composées d'une ligne droite dont une ligne courbe s'approche continuellement et à l'infini, sans la rencontrer jamais. Demandez au reste à bien des gens s'ils comprennent que quelque chose ait existé de toute éternité: ils vous diront que non ; ils sont portés à rejetter l'existence éternelle de quelque être que ce soit, quoique démontrée ; et cela par la même raison d'autres rejettent la création,

que

On

29 peut trouver par le seul raisonnement, dit M. de » Voltaire, dans une de ses remarques sur les Pensées de Pascal des preuves de la création; car, en voyant que la matière n'existe pas par elle-même, et n'a pas le mou>vement par elle-même, on parvient à connoître qu'elle est nécessairement créée..... La création est donc un objet de la raison .

(1) Voyez, sur Anaxagore, Diog. Laert. Vit. Philos. in Anaxag. et sur Anaximandre , voyez Plutarch. in Conviv. 1. 8. Quest. 8. Censor. in die Natal. c. 4.

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ment éternel et nécessaire; et dans son systême tout provient de leur réunion et de leur assemblage; mais si leur mouvement est nécessaire, s'ils l'ont par leur propre essence, en tant qu'ils existent nécessairement tels qu'ils sont, comment peuvent-ils modifier leur mouvement réciproque pour se lier et s'enchaîner les uns aux autres? comment peuvent-ils d'ailleurs former un tout régulier?

Protagoras, disciple de Démocrite, accusé ainsi que Diagoras d'athéisme, et chassé comme lui d'Athènes (1), dit que tout est vrai, et que l'ame et le corps ne sont qu'une même chose (2).

(1) Non-seulement Protagoras fut chassé de la Ville par les Athéniens, mais ils condamnèrent ses ouvrages à être brûlés en plein marché, et ceux qui en avoient des copies, à les produire en justice, sur la sommation qui leur en fut faite par le crieur public. Diog. Laert. in Protag.

On ne croyoit donc pas, dans cette République, qu'on dût permettre d'y professer l'Athéisme; et l'on croyoit que, sans religion, tous les liens de la société seroient bientôt rompus. En effet, comme le dit Montesquieu, la Religion, même fausse, est le meilleur garant que les hommes puissent avoir de la probité des hommes. Esprit des Loix, 1. 24, c. 8.

(2) En relevant l'absurdité des anciens systêmes, Bayle fait une remarque bien importante. Quelque fausses et insensées, dit-il, que soient ces hypothèses, je ne m'étonne plus, comme je le faisois, qu'elles ayent » pu être admisés par des Philosophes. La plupart d'en

n

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Le chef de l'ancienne Académie, le divin Platon, si obscur en bien des endroits, mais sur-tout si obscur dans son Timée, qu'au ju

» tr'eux supposoient que l'ame de l'homme est corporelle. Ils croyoient donc qu'elle se forme des parties les "plus subtiles du sang.... Or, dès qu'on a fait ce pas, on » va bien loin en peu de tems. Recueillons de tout ceci » qu'il n'y a rien de si contagieux que d'établir de faux

principes. C'est un levain qui, lors même qu'il est " petit, peut gâter toute la pâte; une absurdité une fois posée, en amène plusieurs autres. Errez seulement sur ” la nature de l'ame humaine; imaginez-vous faussement qu'elle n'est pas une substance distincte de l'étendue; " cette fausseté sera capable de vous faire croire qu'il y a "des Dieux (et à plus forte raison des hommes ), qui » d'abord sont nés de la fermentation, et qui se sont multipliés ensuite par le mariage. Rien ne me paroît fondé » sur des idées plus claires et plus distinctes que l'imma

térialité de tout ce qui pense «. Bayle. Diction. au mot Jupiter, remarque G. Voyez aussi la remarque L, et ce qu'il dit dans ses Nouvelles de la République des Lettres, août 1684, relativement à l'organisation dont on a prétendu faire sortir la pensée. Il y pose en principe, que si ces parties organisées n'ont pas le don de penser avant que d'être organisées, elles ne l'auront pas après l'organisation, qui n'est qu'une nouvelle position de ces parties. On peut consulter également Locke, dans son Essai sur l'entendement Humain, liv. 4, chap. 10, S. 9 et suiv.

Sans parler des preuves sensibles que nous avons de la distinction de la substance spirituelle, et de la substance corporelle, à n'envisager que leurs propriétés et leurs attributs divers, nous portons une démonstration complète de l'immatérialité de l'ame, dans l'unité et l'indivisibilité du moi qui sent et qui pense en nous.

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