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Tous, et à juste titre, oubliant le souverain venu sur un char doré, fixaient attentivement le détenu, voûté par l'âge, accroupi sur le sol... Spectacle nouveau et stupéfiant, te détenu, chargé de fers, parlait à l'empereur avec autant d'assurance et de liberté qu'un souverain s'adressant à un misérable et vil esclave. L'assistance était grande. Tous les serviteurs de l'empereur étaient présents. Ils admiraient, non leur maître, mais le vainqueur de leur maître. Le prisonnier, abandonné, écrasait l'homme devant lequel tremblait l'univers'. »

Paul donne de sa comparution cette indication sommaire qui concorde si bien avec le précédent récit : «16) Dans ma première défense, pas un ne m'a assisté, mais tous m'ont abandonné. Que cela ne leur soit pas compté !... « 17). Mais le Seigneur m'a assisté et il m'a fortifié afin que par moi le message divin fût pleinement confirmé et que tous les gentils l'entendissent ».

Néron ne sévit pas de suite, parce qu'il voyait dans Paul l'intermédiaire nécessaire à la soumission d'Acté. Si cette hypothèse est exacte, l'apôtre, rentré dans son cachot, dût méditer sur sa responsabilité terrible. Il tenait entre ses mains le sort de la chrétienté. Son parti fut pris sans hésitation, car il écrit aussitôt ces mots inexplicables en dehors du récit de saint Chrysostome: « Le Seigneur me délivrera de toute action mauvaise «et, me sauvant, me conduira dans son royaume céleste ». L'action mauvaise ne serait-elle pas d'acheter la sécurité des fidèles en ne s'opposant plus à la chûte d'Acté ?

Paul commence à gravir son calvaire. Son agonie mo

'S. Jean Chrysostôme, In epistolam secundam ad Timotheum, homélie IV, 4. (Migne, P. G. L.. LXII, 623.)

II Timothée, IV.

Traduit du texte grec.

• Liberabit me Dominus ab omni opere malo et salvum faciet in regnum suum coeleste (Loco cit., IV, 18).

rale vient de la pusillanimité des frères. Ame héroïque et généreuse, il n'admet pas la défection. Il écrit à Timothée en lui faisant confidence de ses amertumes1 : «15) Tous ceux qui sont en Asie se sont éloignés de moi, Phygelle et Hermogène sont de ce nombre..." 9) Démas m'a abandonné, s'étant laissé emporter à l'amour du siècle; il s'en est allé à Thessalonique; 10) Crescens, en Galatie; Tite, en Dalmatie... 12) J'ai aussi envoyé Tychique à Ephèse... 14) Alexandre, l'ouvrier en cuivre, m'a fait beaucoup de maux; le Seigneur lui rendra selon ses œuvres... 20) Eraste est demeuré à Corinthe. J'ai laissé Trophime malade à Milet... »

Il n'est pourtant pas aussi seul qu'il croit le ressentir. Rome, il est vrai, a perdu nombre de frères dispersés par l'orage, et les fidèles présents se sont tenus à l'écart, comme les disciples pendant la nuit de la Passion. Pourtant Luc ne l'a pas quitté3.

Il appelle alors à lui ceux qu'il aime'. Il dit à Timothée « 11) Prenez Marc avec vous et amenez-le; car il peut beaucoup me servir pour le ministère de l'Evangile ».

Cette épître ne peut être que du commencement de 66. Il ne pense pas trop s'avancer quand il escompte les lenteurs des poursuites. Les communications qu'il entretenait avec ses coopérateurs montrent aussi que l'édit de persécution n'est pas encore signé. Lorsqu'il sera interdit aux chrétiens d'exister, tout fidèle qui viendra frapper à la porte de son cachot sera arrêté et mis à mort.

Il sait, d'autre part, que son supplice n'est qu'une question de mois. L'épître contient donc son adieu suprême : « 6) Pour moi, je vais être immolé, et le temps

1 Loco cit.,II.

⚫ Ibid., IV.

3 Loco cil., IV, 11.

4 Ibid.,

Ibid., IV.

de mon départ est là. 7) J'ai combattu le bon combat, j'ai achevé ma course, j'ai gardé la foi. 8) Au reste, la couronne de justice m'est réservée; le Seigneur, le juste juge, me la rendra en ce jour-là, et non seulement à moi, mais encore à tous ceux qui ont aimé son avẻnement. Tâche de venir me trouver au plus tôt ». On croit que Timothée put répondre à l'appel de son maître1.

(A suivre)

Louis DE COMBES.

1 Drioux, Les Apôtres, 406, note 1.

VARIÉTÉS

UNE RÉPUBLIQUE PROTESTANTE EN FRANCE

NIMES A LA FIN DU XVIme SIÈCLE 1

Malgré toute l'obscurité que les controverses religieuses ou les dissensions politiques ont jetée à plaisir sur l'histoire des guerres de religion, dans leur ensemble les événements du xvi° siècle sont suffisamment connus: il n'en est pas de même en ce qui concerne de multiples points de détails et l'exactitude du tableau gagnerait à ce que de nombreuses monographies locales nous fissent connaître la situation des grandes villes ou l'état des diverses provinces aux premiers âges de la Réforme en particulier au moment de la promulgation de l'édit de Nantes.

L'état de la ville de Nîmes, au point de vue politique et religieux vers 1595 est, entre tous, digne de retenir l'attention l'on s'y trouve en présence d'une véritable république huguenote, établie en plein cœur du royaume et formant un pouvoir indépendant au sein de l'Etat.

A la fin du xvi° siècle, la ville de Nimes est systématiquement sous le joug des protestants qui sont les maîtres absolus de l'administration municipale et se sont assurés l'appui du présidial. Depuis plus de trente ans, les protestants règnent en maîtres dans la vieille cité; elle leur a été concédée sous Charles IX en 1573 comme ville de refuge par l'édit de la Rochelle; les guerres, qui ont ensanglanté le règne d'Henri III, n'ont pas ébranlé la puissance huguenote à Nîmes et c'est, dans

'A propos de l'ouvrage de M. Jacques Boulenger les protestants à Nîmes au temps de l'Edit de Nantes.

ces conditions, que nous allons tenter un rapide exposé de la situation des protestants nimois en 1595, de leurs rapports avec les catholiques et de la façon dont ils accueillirent la promulgation de l'édit de Nantes.

Examinons au préalable quelle est l'organisation des protestants nîmois à la fin du xvi° siècle.

Le service du culte est assuré par les pasteurs, qui, à cette époque, se trouvent au nombre de quatre dans la ville de Nîmes.

La principale de leurs fonctions est la prédication, mais ils doivent, en outre, faire le catéchisme aux enfants, instruire les grandes personnes, visiter les malades et inspecter les pauvres de l'hôpital et des prisons.

Les pasteurs sont choisis par le Consistoire qui, dans une véritable convention bilatérale, établit avec chacun. d'eux le montant du traitement et de l'indemnité de logement, qui lui sera attribuée.

L'influence que ces ministres de la religion réformée ont exercée sur leurs fidèles, paraît avoir été des plus inégales. Il semble que l'engouement et la mode aient joué ici un rôle, qui n'était guère de circonstance. La différence se retrouve surtout dans les traitements et tandis que l'Eglise réformée de Nîmes n'accordera que 600 livres à Falguerolles, elle en donnera 1.200 à Gigord dont la science et l'éloquence sont très renommées. La distinction se relève encore dans les démarches que fait le Consistoire pour enlever aux églises des petites paroisses environnantes ceux de leurs ministres qui obtiennent la faveur populaire, tandis que cette assemblée reçoit parfois avec froideur tel pasteur qu'elle n'accepte qu'à titre de pis-aller.

Dans de pareilles conditions, on conçoit que l'élément pastoral n'ait possédé qu'une influence minime. Le mi

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