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Un mode d'élections conforme à ce qui vient d'être dit offrirait plusieurs avantages, outre celui d'une représentation aussi exactement proportionnelle que possible des partis. Ainsi :

Il serait essentiellement favorable à la pacification sociale;

Il apporterait des entraves à l'action funeste et corruptrice du Gouvernement sur le scrutin;

Il relèverait le niveau de la représentation nationale; Il supprimerait la plupart des motifs d'abstention; Il se prêterait très facilement à la représentation d'intérêts professionnels auxquels l'accès du Parlement est actuellement impossible.

Nous vivons sous le joug d'une majorité parlementaire et d'un Gouvernement de francs-maçons qui ne se soutiennent, contre la volonté manifeste de l'immense majorité des citoyens, qu'en employant, pour fausser la représentation nationale, tous les moyens de fraude et de corruption possibles avec un mode d'élections foncièrement vicieux.

Aussi n'avons-nous pas la naïveté de croire que le parti actuellement au pouvoir modifiera notre législation électorale dans un sens favorable à une représentation vraie du pays.

Mais la France, qui se laisse depuis si longtemps outrager, opprimer, rançonner, vilipender de toutes manières, doune enfin quelques signes d'un prochain réveil. Elle se ressaisira un jour complètement; et nous serions heureux si les idées que nous venons d'émettre pouvaient contribuer alors, dans la mesure même la plus modeste, à affranchir notre malheureuse patrie d'un régime électoral auquel elle doit la honteuse majorité de la Chambre qui est censée la représenter aujourd'hui.

Théodore DUFAY,

Docteur en droit, ancien magistrat.

LA LOI DU 1er JUILLET 1901 ET LA JURISPRUDENCE

(suite)

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Je reprends septembre 1904- l'examen trop longtemps interrompu de la jurisprudence à laquelle a donné lieu la loi du 1er juillet 1901; et je devrais, pour rester fidèle à mon plan, ne plus parler des décisions rendues en référé.

Mais il a été, depuis ma dernière note, rendu et publié de si notables décisions en la matière que je ne crois vraiment pas avoir le droit de les omettre aujourd'hui. Je les signale donc avant d'entreprendre l'étude de toutes les solutions données par les Cours et tribunaux en matière de liquidation.

Le 16 novembre 1903, la Cour de Montpellier réformait une ordonnance rendue le 30 septembre par un vice-président du tribunal de Béziers. Un liquidateur (de la congrégation des Chartreux) avait demandé à prendre possession d'un domaine (de Mougères) et l'ordonnance, admettant cette prétention avait prescrit que les clefs du domaine lui seraient remises. Il n'en pouvait être ainsi, dit l'arrêt, car 1° en admettant que le domaine fût, à la promulgation de la loi du 1er juillet 1901, détenu par les Chartreux, il était, aux dates de l'assignation en référé et de l'ordonnance entreprise, possédé et détenu exclusivement par B..., tiers acquéreur; 2o les actes produits par B... étaient sans doute incriminés par le liquidateur, soit comme feints et simulés, soit comme faits en fraude de la loi du 1er juillet 1901,

1 Voir les numéros d'octobre et de décembre 1902, avril et octobre 1903.

pour avoir été faits après la promulgation de cette loi. Mais B... affirmait, qu'il n'y avait ni fiction ni interposition de personne et soutenait d'ailleurs que « pour la période de trois mois déterminée par la loi du 1er juillet 1901 à dater de sa promulgation, aucune disposition. expresse de cette loi n'a, spécialement au regard des tiers, édicté comme conséquence de la dissolution de plein droit prononcé par son article 18, soit l'incapacité des membres des congrégations dissoutes, soit l'indisponibilité des biens de ces dernières » ; il alléguait enfin «< qu'aucune disposition de la même loi n'a davantage, spécialement au regard des tiers, édicté que les présomptions de propriété attachées conformément au droit commun, à la possession fondée sur un titre, seraient inefficaces visà-vis du liquidateur et qu'elles seraient désormais, à son profit, attachées au fait matériel de l'occupation des biens par la congrégation à quelque date ou à quelque titre que ce fait se fût réalisé »; un tel débat dont rien ne permettait de contester le caractère sérieux < portant sur la question de savoir si le domaine de Mougères devait ou non être compris dans la liquidation des Chartreux, et par suite, en réalité, sur la propriété de ce domaine, dépassait la compétence du juge des référés »; et ce magistrat n'a pu dans ces circonstances, autoriser dans les termes de la demande du liquidateur l'expulsion provisoire de B... sans faire préjudice au principal et sans préjuger le fond du litige ».

Les pouvoirs du liquidateur, nettement limités par l'article 18 de la loi du 1er juillet 1901 ne sauraient l'autoriser à se mettre, au bénéfice de son titre de séquestre, en possessions de biens auxquels il est précisément et formellement contesté que la liquidation soit applicable ».

Et la Cour, annulant toutes mesures d'exécution faites ou commencées par le liquidateur en vertu de l'ordonnance du 30 septembre 1903, a prescrit que « toutes choses seront remises par lui ou pour son compte et à

ses frais au même et semblable état qu'avant les exécution par lui faites ou commencées1 ».

En proclamant magistralement ces principes que nous avions modestement rappelés dans la Revue, en les affirmant en un vrai corps de doctrine dans les cinq arrêts du 24 novembre 1903 3, en les répétant enfin le 19 mars 1904 et le 8 août 1904, la Cour de Montpellier a vraiment et simplement dit le Droit.

Avec elle et comme elle le disait le 8 décembre 1903 la Cour de Grenoble. « La loi du 1er juillet 1901, d'après laquelle la liquidation des biens détenus par les congrégations dissoutes ou non autorisées a lieu en justice, ne déroge en rien au droit commun en matière de référé » et « aussi, les prescriptions des art. 806 etc. du code de Proc. civ. règlementent les pouvoirs du magistrat saisi en référé des difficultés que soulève l'application de ladite loi »; « le juge des référés ne peut donc, en cette matière comme en toute autre de sa compétence, statuer en cas d'urgence qu'au 'provisoire, et sans préjudicier au principal ».

En conséquence, et sans d'ailleurs qu'on ait contesté les droits compétant au liquidateur sur les biens détenus par la congrégation dissoute, dès lors qu'il est dénié que l'immeuble en litige ait été détenu par ladite congrégation ou pour son compte », et « en présence de la prétention à la propriété de cet immeuble formulée par Baglin et appuyée par la production d'un titre authentique, le juge des référés, saisi par des conclusions respectives d'une question étrangère à sa compétence

'Montpellier, 16 nov. 1903. Gazette des tribunaux. Moniteur judiciaire du Midi, 7 février 1904.

Voir Revue cath. des Institutions et du Droit. numéro d'octobre 1903, p. 349 etc.

* Voir Moniteur judiciaire du Midi, 7 février 1904.

Bulletin des congrégations du 29 mars 1903.

Grenoble, 8 décembre 1903. · Gazette des Tribunaux.

Bulletin des congrégations du 3 janvier 1904.

n'avait pas qualité pour la trancher ». Il ne pourrait, en effet, faire droit à la demande du liquidateur « et l'autoriser à prendre possession de l'immeuble occupé par la dame X qu'en admettant comme dûment établie la détention par les Chartreux ou pour leur compte de la maison dont Baglin se prétend personnellement propriétaire » et « il aurait ainsi gravement préjudicié au principal en attribuant d'ores et déjà à l'immeuble le caractère d'un bien de congrégation... et en infligeant par voie de suite à Baglin, au profit du liquidateur, une dépossession que le juge du fond peut seul prononcer s'il y a lieu »>.

La Cour de Grenoble ajoutait que, saisie comme juge. des référés elle ne pouvait davantage sans excéder les bornes de sa compétence se fonder sur une prétendue rétroactivité de la présomption légale de l'art. 17, ni sur les termes de l'art, 18 §§ 5 et 6 pour investir le liquidateur au préjudice d'un tiers revendiquant la propriété.

Le droit commun, voilà la règle qui s'impose juridiquement au juge, quand un texte impérieux ne l'oblige pas à déroger. Or, je ne vois nulle part dans la loi du 1er juillet 1901 ce qui serait d'ailleurs une monstruosité législative que le seul fait de l'occupation matérielle d'un immeuble par les membres d'une congrégation crée une présomption légale contre le droit de celui qui est propriétaire de cet immeuble et que les actes révèlent comme tel. Les journaux judiciaires nous ont fait savoir que la Cour de Rouen le 6 janvier 1904 n'avait point hésité à affirmer cette présomption légale. Mais l'arrêt rapporté avait omis de donner les raisons de cette grave affirmation. Et je ne crois pas m'abuser en affirmant à mon tour que la loi n'a, dans aucun de ses termes, édicté la dépossession que consommait l'arrêt en question.' Je ne veux point admettre, certes, et je

1 Gazette des Tribunaux du 21 août 1904.

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