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droit naturel des familles à diriger l'éducation des enfants, tout ce qui s'est fait en Allemagne. Après cela, si les catholiques français trouvent intolérable l'odieux régime que font peser sur eux des gens qui ne connaissent les problèmes de la destinée humaine que par ce qu'ils en ont entendu dire à la loge ou au cabaret ou ce qu'ils ont lu dans les journaux à un sou, il est temps de le dire et de montrer par des actes, à l'exemple des catholiques allemands, qu'ils en ont assez.

Il n'y a pas pour eux deux manières d'en finir. C'est par l'Association que les catholiques de France, comme ceux d'Allemagne et de Belgique reconquerront leur place au soleil.

Les conditions que les circonstances leur ont faites font apparaître pour eux, par comparaison avec les catholiques allemands et belges, plusieurs causes d'infériorité, mais on aperçoit aussi des éléments de succès qui leur sont propes.

Encore très novices dans la pratique de l'Association dont ils ne peuvent user que depuis peu d'années, ils n'en connaissent pas la puissance et sont trop imbus des habitudes d'isolement dont la Révolution s'est fait un moyen d'oppression sur les individus. Avant de trouver dans l'Association les avantages que d'autres en ont retirés, il faut qu'ils apprennent à s'en servir. Le spectacle de leur faiblesse, de l'impuissance où les réduit l'émiettement de leurs forces, en face de cette colossale association qu'est l'Etat, avec ses hiérarchies de fonctionnaires, la formidable centralisation de ses services, et ses irrésistibles moyens de gouvernement, ne peut pas leur laisser d'illusion sur le sort qui les attend s'ils ne s'organisent pas pour opposer le bloc au bloc. Sur beaucoup de points du territoire, il y a des tentatives de groupements, mais trop souvent avec un esprit d'étroit particularisme qui ne veut pas voir au delà de la petite patrie locale, refuse d'adhérer aux grandes associations d'intérêt général et stérilise ainsi de généreux efforts.

Après le défaut d'expérience, le principal obstacle au développement chez nous de l'esprit d'association, ce sont les funestes divisions que la politique a engendrées et entretient pour notre malheur. S'il pouvait se former une vaste association de défense religieuse qui ne serait que cela, sauf à régler plus tard la question politique, elle acquerrait bientôt une grande force par le nombre de ses adhérents et la légitimité de ses revendications. Mais est-ce possible, avec la violence des passions, et toute entreprise qui se propose de combattre le parti dominant n'est-elle pas d'avance fatalement soupçonnée de nourrir des projets contre le principe même du pouvoir? On ne peut que formuler le souhait de voir les catholiques se grouper dans l'Association qui inscrit le plus énergiquement dans son programme la défense religieuse et offre le plus de garanties pour le succès par le caractère de ceux qui la dirigent et l'énergie de sa propagande.

On dit que les œuvres sociales sont un puissant moyen d'action des catholiques allemands. La France est-elle en retard sur ce terrain? En quoi ses œuvres, qui peuvent défier toute comparaison par leur nombre et le dévouement qui les fait vivre, ne sont-elles pas assez sociales? Ce n'est pas l'enseignement primaire religieux qui a manqué pendant ce dernier siècle aux enfants du peuple, mais plutôt son complément, l'enseignement post-scolaire, le contrepoison journalier des doctrines absorbées par l'ouvrier adulte dans la lecture des journaux et des livres. On doit applaudir et aider aux dévouements qui se consacrent à des œuvres de ce genre; mais encore faut-il, pour que leur initiative porte de bons fruits, que les doctrines sociales qu'ils enseignent soient faites de vérités et de principes solides sur les points essentiels, et non de dangereuses concessions aux fausses théories du socialisme. Les encycliques de Léon XIII seront le meilleur guide à suivre dans l'œuvre de l'instruction du peuple.

L'opinion reçue en France sur le rôle du clergé qui lui interdit de s'occuper des affaires publiques et ne lui permet que d'user du bulletin de vote, nous prive, dans la lutte pour la liberté religieuse, d'un précieux concours, qui nous serait sans doute assuré si le Concordat était dénoncé. Mais cette conséquence prévue de la dénonciation du Concordat est un motif de croire que l'événement n'est pas près de s'accomplir.

Beaucoup de catholiques désespèrent d'obtenir par les voies légales un changement dans l'état de choses et croient qu'il n'y a rien à tirer du suffrage universel. Notre système électoral est, en effet, par son organisation et son fonctionnement un piètre régime. Mais le Reichstag allemand est soumis à la même législation électorale que la Chambre française.

Il n'y a pas de raison pour croire que nous ne pourrons pas en obtenir ce que nos voisins ont su en tirer, pourvu que nous sachions nous y prendre comme eux.

Mais il y au moins une chose qui doit nous donner confiance, à nous, catholiques français. Les catholiques allemands n'avaient pas d'alliés et étaient réduits à eux-mêmes dans la lutte contre leurs ennemis. Ceux-ci n'en voulaient qu'à l'Eglise. Ils ne menaçaient ni la propriété, ni l'armée, ni la patrie. Combien, chez nous, les choses sont différentes! La guerre aux congrégations fut entreprise pour venger les juifs de la condamnation pour trahison prononcée contre l'un des leurs. La même cause engendra la campagne contre l'armée, et le ministère qui fit appel au concours des socialistes pour mener en commun l'oeuvre de réhabilitation du traître. Mais les socialistes ne sont pas chez nous comme en Allemagne, seulement les auxiliaires du pouvoir. Ils sont le pouvoir. Le gouvernement dominé par eux n'a pas reculė devant l'odieuse confiscation. Chaque ministre, agent de dissolution dans son département, prend à tâche de désorganiser les services dont il est chargé. Aux Cultes,

on dissout les congrégations et on prépare la dénonciation du Concordat; à la Guerre, on tire vengeance du jugement de Rennes contre le corps d'officiers, on fait voter par les Chambres un système de recrutement de l'armée condamné par les hommes compétents, on ne refuse rien à ceux qui, malgré l'expérience d'il y a trente ans, répètent le mot de Jules Simon, à la chambre des députés, à la fin de l'Empire: nous voulons une armée qui n'en soit pas une ; à la Marine, le ministre se fait accompagner par des marins ivres hurlant que les balles de leurs fusils sont pour leurs officiers; à l'Instruction publique, on ferme les écoles, on condamne des milliers d'enfants à l'ignorance et l'on tolère l'antimilitarisme et l'internationalisme chez les maîtres chargés d'élever la jeunesse française. Plus de capitaux, plus de religion, plus d'armée, plus de patrie! voilà le programme des plus fermes soutiens du ministère Il n'y a pas que les catholiques intéressés à ce qu'il échoue. Dans la lutte à laquelle on les convie, ils auront pour alliés ceux qui possèdent, les pères qui ont des enfants à élever, les Français qui aiment leur pays. Il y en a encore beaucoup de ceux-là. Le jour n'est peut-être pas loin où ils finiront par comprendre que leur propriété n'est pas plus en sûreté que celle des congréganistes, que l'Etat prétend les exproprier de leurs droits de pères de famille et qu'affaiblir l'armée c'est compromettre l'existence même de la patrie. Ce jour-là, les catholiques redeviendront des citoyens libres.

A. POIDEBARD.

(La suite du congrès au prochain numéro).

ESSAI SUR UN MODE DE REPRÉSENTATION PROPORTIONNELLE

PAR LE VOTE UNINOMINAL

(suite 1)

X.

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DIRECTION DES OPÉRATIONS ÉLECTORALES: COMMISSION CENTRALE ET COMMISSIONS DÉPARTEMENTALES. RECENSEMENT DES VOTES ET VALIDATION DES ÉLECTIONS.

Les opérations successives de vote par séries et de report de voix devraient naturellement être dirigées par une commission centrale, mais non par l'Administration seule, trop justement suspecte de partialité en matière électorale. On pourrait la composer d'un ou plusieurs délégués du Ministre de l'Intérieur et de conseillers à la Cour de cassation désignés par cette haute juridiction, qui s'adjoindraient un nombre égal de citoyens notables choisis dans les différents partis.

Chaque département aurait une commission composée du Préfet ou de son délégué, de membres de la Cour d'appel, dans les départements où siège une Cour, de membres du tribunal du chef-lieu dans les autres départements, avec adjonction d'autant d'électeurs qu'il y aurait de candidats déclarés dans le département, chacun de ceux-ci en désignant un.

On pourrait aussi, si la chose paraissait utile, établir des commissions analogues soit aux chefs-lieux des arrondissements, soit à ceux des cantons.

Le mode d'élections que nous avons exposé n'admettant pas d'élections partielles faites directement par une fraction territoriale du corps des électeurs, il importe particulièrement d'y prévenir tout ce qui peut faire annuler les élections. Pour cela, une opération

Voir les numéros de juillet et d'octobre 1904

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