Page images
PDF
EPUB

<< droit immuable, antérieur et supérieur aux consti«<tutions humaines, à ce droit contre lequel nulle « puissance terrestre ne peut légitimement rien voua loir, ni rien pouvoir... Aussi, dans le sentiment de « notre humilité, mais dans l'ardeur de notre foi, nous prions Dieu, la Vérité pure et par essence, le législateur de qui émane toute justice, de faire que, malgré notre indignité, par nous et par notre œuvre, << son Saint Nom soit glorifié et que son règne arrive! « Nous sommes et nous voulons rester les serviteurs fidèles de Notre Seigneur et Maître, Jésus-Christ, à « qui tout pouvoir a été donné au ciel et sur la terre! Après seize ans écoulés, seize ans, qui, dans notre pays, ont été remplis par des luttes sans trêve contre tous les droits de l'Eglise catholique et de ses enfants, le Souverain Pontife ne pouvait ignorer que, tout en perdant, comme c'est, hélas! la loi, pour toutes les choses humaines, plusieurs de ses membres les plus dévoués et son vertueux président, l'Association catholique des Jurisconsultes français n'avait changé ni d'esprit, ni de langage.

[ocr errors]

«M. le sénateur de Lamarzelle, Pie X le savait bien, n'a rien répudié du glorieux héritage de son prédécesseur; et sous sa ferme conduite, à laquelle se soumettent, avec le plus touchant empressement, les amis, les confrères, les admirateurs et les fils de M. Lucien-Brun, l'œuvre poursuit, avec patience et fermeté, le but que lui ont assigné ses fondateurs. Pie X avait appris tout cela, et dès les premières heures de notre arrivée à Rome, nous avons vu les portes du Vatican s'ouvrir, devant nous, à deux battants.

« Vous savez, Messieurs et nos très chers Frères, ce qu'a été l'audience générale que le Souverain Pontife a daigné nous accorder, le samedi 15 octobre, à 11 heures du matin. Les journaux catholiques et la Semaine Religieuse vous ont rapporté les paroles échangées entre

le Pape et nous; vous avez compris nos protestations d'obéissance et de fidélité, vous les aviez presque devancées, puisque, avant l'audience, nous avions nousmême remis aux mains de Sa Sainteté les belles adresses rédigées par vous-mêmes, Messieurs du Clergé, pendant les Retraites Pastorales.

« Vous avez admiré la réponse du Pape, flatteuse pour les Jurisconsultes et pour leur président, pleine surtout de hautes et larges vues, imprégnée d'une suave piété, d'une confiance absolue en la bonté comme en la puissance de Jésus-Christ, d'une compassion tendre et vraiment paternelle envers notre chère Patrie, qui, malgré ses épreuves, et en dépit des ruines actuelles, conserve en elle-même une semence de résurrection» et de future prospérité.

Non content de recevoir les Congressistes dans une même audience, le Souverain Pontife leur a spontanément offert de les admettre, deux fois, à entendre sa Messe; puis il s'est prêté gracieusement à les recevoir encore par petits groupes, heureux qu'il était de voir et de connaître de près ces fils très chers, qui, depuis « trente ans, combattent la sainte bataille, pour soutenir, en particulier comme en public, et spéciale«ment devant les tribunaux, les droits de Dieu et de

l'Eglise, la propriété et la liberté de ceux qui par << dévouement servent l'Eglise et Dieu, s'opposant ainsi « directement à l'impiété, alors qu'elle voudrait ban«nir le nom de Dieu, celui de l'Eglise, et jusqu'à celui « des fidèles qui en observent et en font observer les «<lois très saintes. »

« Comment le Vicaire de Jésus-Christ n'aurait-il pas de spéciales complaisances pour ces Jurisconsultes distingués, si attachés à tout ce que l'Eglise aime et honore?

« Nul, en effet, parmi eux, ne prétend se soustraire à la vive censure, formulée dans les Décrets, et que

saint Thomas n'a pas dédaigné de faire sienne, en l'insérant dans sa somme théologique : « Ridiculum est et satis abominabile dedecus ut traditiones, quas antiquitus a Patribus suscepimus, infringi patiamur.

Il serait ridicule, honteux et presque abominable a de consentir au mépris et à l'abandon des traditions, << que nous avons reçues anciennement de nos pères. » « Le respect du passé est une partie de l'héritage national. Ce serait diminuer la Patrie que d'effacer de nos propres mains la vieille et glorieuse histoire, dont tant de pages subsistent encore, pour attester la grandeur de notre rôle à travers les quinze siècles que la France a remplis du bruit de son nom.

« Autant et plus que tous les autres citoyens français, les Evêques et les prêtres sont tenus à ce respect, puisque, surtout aujourd'hui, en dépit de l'ignorance ou de l'ingratitude, ils ont le droit de rappeler que l'éducation progressive et constamment ascendante de notre peuple a été particulièrement l'œuvre de leurs devanciers. Ils étaient avec Clovis, avec Charlemagne, avec Hugues Capet; ils ont créé et soutenu la Trêve de Dieu, la Chevalerie, les Croisades, l'affranchissement des Communes; et si, depuis la Réforme, ils se sont renfermés davantage dans la sphère immédiate de leur ministère, qui oserait nier que de cette époque jusqu'à nos jours, sans marchander leur dévouement ou ménager leurs services, ils se sont toujours intimement unis aux épreuves comme aux triomphes de la Patrie française !

« Avons-nous besoin, honorés Messieurs et très chers Frères, d'essayer de vous peindre la physionomie, les traits, l'attitude, l'expression des regards de Sa Sainteté, le Pape Pie X? Déjà, sans doute, par les innombrables photographies qui se sont répandues dans le monde, depuis l'intronisation du nouveau Pape, et qui, toutes, même alors qu'elles ne lui ressemblent pas par

faitement, donnent cependant une idée de sa stature et de son visage; - déjà vous connaissez cette figure avenante et douce, qui respire l'humilité et la bonté. Déjà, vous vous êtes arrêtés à considérer ces yeux profonds, où se peignent la mélancolie, la gravité de la pensée, unies l'une et l'autre à la sérénité d'une conscience, sûre de sa propre et inébranlable fermeté.

α

Dès qu'il parle, Pie X oublie sa tristesse pour sourire à ses enfants, ou pour regarder avec amour le Crucifix, placé tout près de lui, et auquel il demande sans cesse ses inspirations. « Si les ennemis visent à atteindre << le pauvre homme que je suis », c'est, dit-il, parce que << je suis le vicaire de Celui qui a été persécuté avant <«moi Je suis le successeur de son premier disciple; n'est-il pas naturel que je ne sois pas mieux traité « que Notre Maître à tous deux ? »

« Et c'est ainsi, Messieurs et mes Frères, que, par sa triomphante douceur, associée à une droiture tranquille, Pie X justifie le portrait que l'on trace de son «< irrésistible séduction, de sa remarquable intelligence, « de sa fine et souple sagacité, de son calme courage, << de son invincible constance à défendre les droits et « à remplir les devoirs du Pontificat suprême. »

« Nous avons eu nous-même toute facilité pour ouvrir filialement au Vicaire de Jésus-Christ notre âme, oppressée par les angoisses du présent et par celles de l'avenir. C'est là, chers Frères et honorés Messieurs, notre habitude, depuis le jour où, dans sa bonté, Dieu nous a permis d'approcher de très près et Pie IX et Léon XIII et maintenant, Pie X, glorieusement régnant. Nous aurions cru manquer à un devoir sacré si, dans ces conversations intimes, nous avions dissimulé quelque chose de nos pensées. Et c'est le meilleur fondement de notre sécurité intérieure que de nous rendre le témoignage que, parlant au Père commun, nous n'avons jamais ni voilé nos convictions ni caché nos sentiments.

XXXII-II

26

Le Pape est le premier et le plus nécessaire confident des préoccupations, des inquiétudes qui assiègent l'âme d'un Evêque, en des temps aussi troublés que les nôtres; et puisque l'épiscopat est une fonction de surveillance et d'autorité, n'est-ce point pour ses membres une obligation rigoureuse que de porter au Chef de l'Eglise l'expression naïve et sincère de leurs jugements, de leurs appréciations, de leurs craintes comme de leurs espérances. Tout chrétien peut aborder le Pape, pourvu que ce soit avec respect et docilité. A plus forte raison, les Evêques doivent-ils aller tout droit à la Chaire de Pierre pour présenter sous les couleurs qu'ils croient vraies les affaires de leur pays. C'est le moyen d'offrir au Conducteur du troupeau chrétien des témoignages d'une absolue loyauté, qui, se contrôlant les uns par les autres, lui permettent de discerner la vérité et de tracer à ses fils une route assurée et sans péril... »

Telles étaient bien les impressions des jurisconsultes en se rendant le samedi à 5 heures à la séance de clôture du Congrès.

S. Em. le cardinal Macchi avait bien voulu l'honorer de sa présence. Il avait déjà en 1888, alors Majordome, accueilli les jurisconsultes catholiques avec la plus exquise amabilité, il tenait à leur prouver que, depuis seize ans, sa fidèle affection pour eux n'avait pas changé. Qu'il nous soit permis de lui déclarer que les sentiments de reconnaissance des jurisconsultes n'ont pas varié non plus, et ne changeront jamais à son égard.

Mgr de Cabrières donne tout d'abord la parole à M. Henry Lucien-Brun qu'il avait chargé comme rédacteur de la Revue et organisateur des Congrès, de présenter un rapport, que nos lecteurs trouveront dans la Revue, sur l'œuvre des Congrès des Jurisconsultes catholiques. Après un délicat hommage à Mgr de Ca

« PreviousContinue »