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son rationalisme huguenot a fait toute la renommée, a remplacé sa présence à ce Congrès par une lettre où, après avoir sottement proclamé la hauteur morale des déductions sociales de la science nouvelle remplaçant les vieilles croyances, il convie les congressistes à user vis-à-vis de leurs adversaires d'une « sérénité bienveillante». Vaine concession: les motions les plus saugrenues ont prévalu dans les séances de ce Congrès, tenu dans le Collegio romano volé à la Compagnie de Jésus et au Saint-Siège, et, après la lutte des classes, l'anarchisme lui-même a reçu des encouragements de ces fanatiques ennemis de la Papauté, qui montraient ainsi quel est le redoutable terme de leur logique évolution : qui répudie le Pape verse dans l'anarchie!

Il s'en faut cependant que le gouvernement actuel de la Péninsule partage cette intransigeance antipapale. On l'a bien vu quand, quelques jours avant ce satanique Congrès, la reine Hélène a mis au monde un prince, qui a reçu le titre de prince de Piémont adieu, du coup. le rêve mauvais que les outranciers de l'unitarisme avaient caressé de brandir contre le Saint-Siège le nom d'un « prince de Rome»! Même sagesse s'observe en Espagne, où un décret royal vient d'ordonner l'observation du repos dominical, à la grande stupéfaction des agences télégraphiques libérales, qui supportent en Angleterre un chômage hebdomadaire qui les indispose en pays catholique.

Après cela, peu de chose reste à dire quant à la chronique extérieure: le congrès de Brême, qui réunissait les délégués du parti socialiste allemand, a entendu Bebel, au risque de faire la leçon à Jaurès, proclamer que le parti ne refuserait jamais un centime pour la défense du pays allemand.

Pierre I Karageorgevitch a été couronné en grande

pompe à Belgrade, mais bien rares sont les puissances qui avaient envoyé à cette occasion des missions spéciales le Monténégro et la Bulgarie avaient eu cette attention, mais la Russie s'en était abstenue,

Guillaume II a célébré les fiançailles de son fils aîné, ou Kronprinz, avec la duchesse Cécile de Mecklembourg: alliance savante qui rattache les destinées futures de l'Allemagne à celle des cours de Saint-Pétersbourg, de La Haye et de Copenhagne, et qui prépare la réconciliation de la Prusse et du Hanovre.

L'Angleterre a conclu avec le Thibet un traité qui met fin à l'expédition du colonel Younghusband, et qui permet au Foreign-Office de voir venir les conséquences de la guerre russo-japonaise dans l'Asie centrale.

Quant à cette guerre elle-même, rien d'essentiel n'y est intervenu depuis notre dernière chronique, car la grande bataille prévue sous Moukden, entre l'armée de Kouropatkine et les trois armées japonaises qui l'y ont suivie, n'est pas engagée; d'autre part, Port-Arthur continue de résister aux assauts presque quotidiens des troupes du maréchal Oyama.

Paul TAILLIEZ.

Ancne imprimerie X. Jevain.

Le Gérant: J. PONCET.

J. Poncet, 18, rue François-Dauphin, Lyon.

REVUE CATHOLIQUE

DES INSTITUTIONS ET DU DROIT

(XXXII⚫ ANNÉE)

XXVIII CONGRÈS DES JURISCONSULTES CATHOLIQUES

Rome, 13, 14 et 15 octobre 1904

PROCÈS-VERBAL

C'est avec une vive et profonde émotion que les Jurisconsultes catholiques se rendaient à Rome pour y tenir leur Congrès annuel. Ils se rappelaient les encouragements de Pie IX, l'accueil si paternel et si bienveillant de Léon XIII. Ils voulaient aller de nouveau déposer l'hommage de leur fidélité et de leur soumission aux pieds du Vicaire de Jésus-Christ, et demander à Sa Sainteté Pie X d'approuver leurs doctrines, de bénir leurs travaux, et de les encourager dans les luttes qu'ils soutiennent.

S. G. Mgr de Cabrières, le Président d'honneur des Jurisconsultes, avait bien voulu leur ouvrir toutes grandes les portes du Vatican en les présentant luimême au Saint-Père.

Fidèles à leur tradition, les Jurisconsultes ouvraient leur Congrès en assistant dans l'église de Saint-Venance à la sainte Messe, dite par S. G. Mgr de Cabrières, pour implorer les bénédictions de Dieu sur leurs travaux.

L'éloquent évêque de Montpellier leur adressa, après la sainte Messe, une allocution que nous sommes heureux de reproduire presque in extenso, mais avec le regret de ne pouvoir rendre assez la distinction et le charme de langage, l'élévation des pensées et des senti

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ments et surtout, l'accent de cette bonté affectueuse qui ne nous surprend plus, mais nous touche toujours plus vivement:

Tu es qui venturus es, an alium expectamus ?

<«< Un des épisodes les plus touchants de la vie de Notre-Seigneur me revenait en mémoire, Messieurs, en me voyant au milieu de vous. Un jour, Jean-Baptiste, apprenant, dans sa prison, les œuvres merveilleuses du Christ, envoie vers lui deux disciples qui lui posent cette question « Tu es qui venturus es, an alium expectamus? » Qui es-tu? Question étrange de la part du Précurseur, qui connaissait le Messie dès avant sa naissance, qui, avant de consentir à le baptiser dans les eaux du Jourdain, s'était reconnu indigne de délier les cordons de sa chaussure, qui avait vu la colombe descendre sur sa tête et entendu la voix qui proclamait sa divinité. Question incompréhensible si elle n'eût été destinée à provoquer une réponse qui fut une lumière pour les disciples.

« Jésus alors leur répond: « Allez à Jean, dites-lui <«< ce que vous avez vu; les aveugles voient, les sourds entendent, les pauvres sont évangélisés. »

<«< Puis, à son tour, Il pose à ces auditeurs cette question: « Quid existis in desertum videre? Qu'êtes-vous allés voir dans le désert? Un roseau agité par le vent? Arundinem vento agitatam. Mais encore, qu'êtes-vous allés voir un homme vêtu mollement? Un prophète, je vous le dis, et plus qu'un prophète! »

« A vous aussi, Messieurs je la pose cette question: Quid existis videre? Qu'êtes-vous venus voir ici? Rome, la Rome moderne? Non certes. Mais quoi donc? Un roseau agité par le vent, oui, un roseau; n'estce point un roseau, invisible presque à l'œil humain, fragile plante que tous les vents font ployer? Que de fois dans le cours du siècle qui vient de finir, nous

l'avons vu courbé par la tempête. Déraciné, jeté sur le sol de la France, où il semblait condamné à périr, il reprend la vie à Venise, et pour quelques années, il est replanté dans le sol de Rome. Puis une main brutale le saisit de nouveau et le jette sur les chemins de l'exil, de la prison de Savone à la prison de Fontainebleau. Et que voit-on alors, avant même que le persécuteur soit tombé sous la main de la justice divine? le fragile roseau acclamé sur la terre étrangère et ramené en triomphe dans cette Rome, où il vivra encore quelques années, au sein d'une paix troublée par l'erreur, par le naufrage des génies qui avaient conquis leur gloire au service de la vérité, avant de sombrer dans l'hérésie et l'incrédulité. Puis vient un nouvel exil, sous la protection d'une puissance, hélas! bientôt vouée, elle aussi, à périr. Oui, je puis le dire, ma longue carrière de prêtre et d'évêque ne m'a fait le témoin que des persėcutions et des douleurs de la Papauté, dont hier encore l'impiété célébrait la fin prochaine, arundinem vento agitatam un roseau fragile, mais invincible, triomphant de la tempête, qui déracine les chênes.

Voilà, Messieurs, ce que vous êtes venus voir. Et que trouverez-vous encore, dans cet homme vêtu de blanc, au regard doux et profond, les lèvres souriantes, mais les épaules courbées, comme sous un fardeau trop lourd, et qui vous attend pour vous ouvrir ses bras : hominem mollibus vestitum, un homme vêtu mollement? Ah! plus que jamais maintenant, il est vrai de dire Non, ceux qui sont vêtus ainsi sont dans les palais des rois.

<< Non, aujourd'hui, vous ne verrez plus les splendeurs dont la Papauté s'était jadis environnée. Dieu nous garde d'ailleurs de les condamner. C'était une noble et grande pensée d'appeler tous les arts à se grouper dans l'harmonieuse synthèse de la vérité; c'était donner à l'âme humaine l'aliment dont elle a besoin; c'était satis

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