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de ses prescriptions qui proclament les droits du pouvoir civil. Le Saint-Siège a repoussé les propositions du gouvernement aux évêchés pour des raisons purement politiques. Les évêques ont prêché l'insoumission, en alléguant que la loi des hommes doit s'effacer devant la loi de Dieu, et ils ont écrit ou prêché contre la loi des associations, contre les décisions des Chambres, contre l'autorité de la loi, contre l'exécution des mesures les plus légales, contre tout ce qui avait pour but d'assujet tir, de subordonner tous les corps, toutes les institulions, quelles qu'elles soient, à la suprématie de l'Etat républicain et laïque. Le Pape lui-même, au mépris des textes légaux les plus formels, a donné à son nonce et à des cardinaux étrangers la mission de correspondre avec les évêques de France pour fausser la situation officielle de ceux qui lui déplaisent, pour les mutiler dans leur attributions essentielles, pour leur intimer des ordres manifestement contraires aux lois organiques du Concordat. Le gouvernement a donc dû mettre le pouvoir ecclésiastique, violateur obstiné du pacte concordataire, en demeure de déclarer une fois pour toutes, par oui ou par non, s'il entendait se soumettre aux obligations du Concordat, comme le gouvernement s'y était lui-même constamment soumis. Et, cette mise en demeure restant sans effet, la rupture des relations diplomatiques entre la France et le Vatican a été signifiée au Pape Pie X. Le pouvoir religieux avait déchiré ostensiblement le Concordat, et il n'entre nullement dans les intentions du gouvernement de le rapiècer. Désormais, entre les deux pouvoirs en conflit, la seule voie qui restât libre, c'était le divorce, divorce fondé sur une incompatibilité radicale de principes. On n'oppose d'ailleurs à cette séparation qu'une proposition du Syllabus, ce répertoire effroyable des sentences les plus oppressives de la conscience et de la raison humaines. On consommera donc cette séparation, et dès l'ouverture de la session ordi

naire de 1905, le Parlement sera invité à la prononcer, non dans un sentiment d'hostilité contre la conscience chrétienne, mais dans un sentiment de paix sociale et de liberté religieuse. Et l'on montrera dans cette discussion un sincère désir de conciliation, une grande largeur d'idées, beaucoup de bienveillance envers les per

sonnes.

Voilà le discours d'Auxerre, et si nous n'avons pas guillemeté la plupart des phrases de cette analyse, c'est que toutes reproduisent fidèlement la physionomie du morceau. Quant à le discuter, s'il fallait le faire à loisir, nous y devrions consacrer une place plus considérable que celle dont nous disposons. Bornons-nous à dire que le loup de la fable n'accusait pas plus injustement l'agneau, que M. Combes n'accuse l'Eglise, et qu'ainsi la seule raison qu'on voit prévaloir ici, c'est la raison du plus fort. Il suffit d'ailleurs d'invoquer la soumission des évêques de Laval et de Dijon, dans les derniers incidents dont s'arme M. Combes, pour montrer que le Pape était dans son droit, même au regard des prélats dont le président du conseil avait espéré faire ses auxiliaires dans sa querelle perfide. Pour le surplus, nous renvoyons le lecteur à l'admirable lettre que Mgr de Cabrières, le vaillant évêque de Montpellier, a écrite à ses prêtres pour réfuter le discours d'Auxerre, et pour protester avec une amertume justement indignée contre le dessein, avoué par le gouvernement, de courber l'Eglise sous le joug de l'Etat, et encore de l'Etat a républicain » et <«< laïque », deux épithètes qui n'ont été imaginées que comme pierre de touche pour la délation, et comme instrument d'exclusion et d'ostracisme contre quiconque est envié dans une démocratie orgueilleuse et cupide.

Quoi qu'il en soit, c'est autour du discours d'Auxerre qu'ont tourné tous les commentaires qui ont défrayé la presse en ce mois. L'enquête ouverte par le Figaro sur les rapports de l'Eglise et de l'Etat s'est poursuivie

auprès des évêques, dont la plupart, tout en maintenant le principe de l'union des deux pouvoirs, ont déploré les conséquences ruineuses de la séparation pour le clergé, mais affirmé leur confiance dans les destinées de l'Eglise et dans l'indépendance indestructible du clergé français. D'autre part, on ne compte plus les adresses qui ont été envoyées par le clergé des divers diocèses et par les groupes de catholiques laïcs pour affirmer l'affection inébranlable des uns et des autres pour le SaintSiège, et pour protester contre la rupture iniquement consommée. Pareillement, divers pèlerinages français, celui de la France du travail », celui du « Sillon », celui de l'«Association catholique de la Jeunesse Française », ont porté au Saint-Père l'expression verbale des mêmes sentiments, auxquels Sa Sainteté a répondu en exprimant sa paternelle reconnaissance, en poussant les pèlerins à l'action et à l'union, en protestant de son amour pour la France, soigneusement distinguée de son gouvernement.

Pendant que M. Combes se prépare ainsi à déchaîner dans le pays une guerre religieuse dont il n'est personne qui puisse prévoir tous les ravages, la crise économique, due aux haines sociales dont son gouvernement patronne l'explosion, persiste en ses ruineuses manifestations. Outre les grèves partielles de Limoges, de Bordeaux, de Toulouse, de Cluses, de Cette et de Perpignan, le conflit du port de Marseille continue de mettre aux prises, d'une part les armateurs, l'état-major de la marine marchande, les entrepreneurs, les contremaîtres, de l'autre les dockers, les charretiers, les charbonniers et les inscrits maritimes. La tyrannie syndicale s'exerçant avec son impérieux autoritarisme sur tous les salariés, il s'ensuit qu'aucun accord ne peut intervenir efficacement entre les belligérants, et c'est ainsi qu'aux dernières nouvelles, l'arbitrage demandé à

M. Léon Magnan, ancien président du tribunal de commerce, a été repoussé par les dockers, sous ce prétexte que la sentence arbitrale, interprétant le contrat intervenu en 1903, concluait à la liberté de l'embauche. Dans ces conditions, le port de Marseille se trouve voué à un marasme qui présage la ruine, et déjà les ports de Gênes et de Barcelone profitent de tous les avantages perdus par notre premier port de commerce, sans parler des compagnies anglaises qui se substituent insensiblement à nos entreprises de messageries maritimes et de transports transatlantiques.

Les collègues de M. Combes rivalisent d'ailleurs avec lui dans cette entreprise systématique de désorganisation nationale. Le général André entreprend à l'école Saint-Cyr, avec le concours du général Bazaine-Hayter, une réforme qui ne tend à rien moins qu'à introduire parmi nos futurs officiers la zizanie politique, l'indulgence pour l'indiscipline, et jusqu'au zèle pour l'internationalisme humanitariste. En même temps, le ministre refuse de mettre en disponibilité, malgré ses demandes itératives, le général de Négrier, écœuré par les défectuosités graves qu'il a observées dans sa dernière tournée d'inspection des garnisons de l'Est, mais il met en disgrâce le général Decharme, qui commandait le 12° corps d'armée à Limoges, parce que cet officier général a refusé de prescrire un diagnostic d'aliénation mentale aux médecins-majors qui furent chargés en juillet d'examiner le commandant Cuignet. D'autre part, le Matin, que des raisons ignorées ont éloigné du général André, a commencé contre lui une campagne qui met à la charge du ministre les pires exploits que puissent inspirer le favoritisme politique, la camaraderie maçonnique et l'ostracisme anticlérical. En tout cas, l'affaire Dautriche-Rollin-François-Mareschal est sur le point d'être classée, par suite d'une ordonnance de non-lieu générale, aucun délit n'ayant été relevé à la charge des

quatre honorables officiers. Le zèle dreyfusiste du génėral André en sera pour ses frais, et c'est en vain qu'il aura consciemmént réédité les actes d'intrusion judiciaire qu'il reprochait au général Mercier.

Quant à M. Pelletan, la commission d'enquête de la marine, qui a commencé sa visite des ports, est en train de lui causer de la tablature, car elle relève, dans l'administration de cet homme néfaste, des preuves d'incurie et même d'anarchisme, que prennent plaisir à corroborer les ouvriers de l'arsenal de Brest, qui répondent par les cris de : « A bas l'amiral Mallarmé! » à un ordre du jour où ce préfet maritime les avait rappelės à la correction qui convient à des ouvriers qui sont, en définitive, fonctionnaires de l'État.

Quand donc prendra fin toute cette gabegie, où l'on voit les chefs du pouvoir s'appliquer eux-mêmes à ruiner toute autorité et à favoriser comme des vertus civiques les passions les plus subversives? Au lendemain du grand Convent annuel, qui s'est tenu au milieu de ce mois de septembre, et qui a décidé d'imposer au gouvernement la prompte dénonciation du Concordat et la séparation de l'Église et de l'État, l'on a appris que M. Léon Bourgeois, sans doute piqué de voir l'assemblée des Loges désigner M. Henri Brisson comme son candidat à la succession de M. Loubet en 1906, avait résolu, à la prochaine rentrée des Chambres, de séparer la majorité et le ministère, et de se substituer à M. Combes pour diriger le « Bloc » en des voies différentes. Nous verrons bien, mais nous ne croyons pas nous tromper beaucoup en soupçonnant M. Léon Bourgeois de vouloir préparer une sorte d'Empire socialiste.

Ce Convent finissait à peine, que les libre-penseurs de tous pays se réunissaient à Rome, pour tenir, plus près du Vatican, le Congrès où ils devaient proférer leurs invectives blasphématoires et leurs insanités sacrilèges. M. Marcellin Berthelot, ce faux savant dont

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