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gnité même, c'est tellement le droit propre et spécial de l'Eglise, que, sous peine de détruire les bases de son divin mandat, elle ne peut le communiquer au pouvoir civil.

Il reste donc que la faculté de nomination concédée à l'Etat ne veut pas signifier autre chose que la désignation au Siège Apostolique de celui que le Pape élèvera à l'honneur de l'épiscopat, si lui-même l'y reconnaît également apte. Et, pour celui qui est ainsi nommé, l'institution canonique ne doit pas nécessairement suivre, mais avant tout les qualités du sujet doivent se peser religieusement. Que si d'aventure elles sont telles que le Pape ne puisse, par devoir de conscience, lui conférer l'épiscopat, aucune loi ne pourra le contraindre à divulguer les raisons pour lesquelles il n'aura pas cru pouvoir le lui conférer.

En outre, l'Eglise établit certaines prières détermi nées pour le magistrat suprême de l'Etat, prières par lesquelles elle fait profession de vouloir être l'amie du pouvoir civil, quelle que soit la forme du gouvernement.

Ce sont là les points du Concordat qui regardent le présent et l'avenir; quant au passé, une transaction intervint au sujet des biens ecclésiastiques dont l'Etat s'était emparé peu de temps auparavant, biens dont le Pape fait l'abandon à l'Etat ; celui-ci, à son tour, s'engage à fournir au clergé la subsistance convenable à l'état de chacun. Il s'agit ici, comme on le voit, d'un contrat propre et véritable, en vertu duquel une compensation certaine étant stipulée en retour de biens déterminés, il n'y a pas de doute que, si le concordat vient à être déchiré, le droit demeure entier pour l'Eglise, ou de réclamer ses biens, ou d'exiger à leur place une juste compensation.

Nous avons exposé, sous leurs principaux chefs, les choses à propos desquelles il y eut convention entre la France et le Saint-Siège, en un temps où il y avait grande urgence pour l'un et pour l'autre de se mettre d'accord; que tous ceux qui jugent suivant la vérité décident laquelle des deux parties a manqué aux pactes.

L'Eglise a-t-elle jamais retiré le droit donné à l'Etat de nommer les Evêques? Loin de là: elle a conféré l'institution canonique à la plus grande majorité des candidats proposés par lui. Que s'il arriva parfois que cette

institution ne fût pas conférée à quelqu'un, ce fut toùjours pour des causes très graves et toujours étrangères aux questions de nature politique; causes qui, plus d'une fois, quand elles parvinrent à la connaissance des autorités civiles elles-mêmes, furent approuvées par elles. Le refus était signifié pour que la religion, que le Pape doit nécessairement avoir à cœur, n'eût à subir aucun préjudice.

De même, personne n'ignore comment l'Eglise a tenu ce qu'elle avait promis dans l'exercice du culte sacré, conformément aux prescriptions ordonnées au nom de la tranquillité publique.Son enseignement solennel et très connu est, en effet que Dieu est la source de tout pouvoir, quel qu'il soit, sur les hommes, et que, partant, les prescriptions et les défenses des lois civiles, si elles sont justes et coordonnées avec le bien commun, doivent être religieusement et inviolablement observées.

L'Eglise ne s'est pas montrée moins amie de l'Etat quelque constitution qu'il eût jusqu'alors. Toujours, en effet, en priant Dieu, selon la formule consacrée, pour ceux qui y présidaient, elle s'appliqua à concilier, non seulement l'aide du Ciel, ce qui est l'essentiel, mais aussi la faveur de la majorité des citoyens.

Finalement, pour comprendre avec quelle fidélité elle a observé la transaction, faite au sujet de ses biens il suffit de constater que jamais personne n'a été molesté par l'Eglise pour le fait d'occuper ses biens acquis aux enchères publiques.

Il est maintenant permis de demander si le pouvoir civil a également rempli les devoirs que le traité faisait siens.

On posa en principe que la religion catholique devrait être libre. Mais pourra-t-on dire qu'aujourd'hui subsiste cette liberté quand on interdit aux Evêques de visiter le Pape et de communiquer avec lui par lettre à l'insu du gouvernement, avec le Pape qui est bien le souverain maître et le gardien de la religion catholique ; quand les sacrées congrégations qui, on le sait, administrent, dans la ville de Rome, par l'autorité et au nom du Pape, les affaires de l'Eglise universelle, sont publiquement vouées au mépris, et qu'on refuse leurs. actes, et que c'est à peine si on épargne les actes mêmes du Pape; quand on ne fait pas mystère de vouloir enlever à la religion le faisceau de ses forces en privant l'Eglise de ceux qui, par la volonté de la Providence

divine, sont un secours très utile pour l'accomplissement de sa mission ?

Nous ne pouvons, en effet, penser sans une très grande angoisse, à la ruine récente des ordres religieux : pour les jeter hors des frontières de la patrie, cette raison dernière a été déterminante, à savoir qu'ils étaient les appuis efficaces de la vieille religion au milieu du peuple; le souvenir des grands mérites par eux acquis en tous temps auprès de leurs concitoyens, n'a servi de rien pour les maintenir, nous ne disons pas pour les honorer, comme c'était pourtant un devoir. Et qu'y a-t-il de plus contraire à l'alliance et au pacte conclu avec le Siège apostolique que de vouloir accabler de tant d'injustice et d'outrages ceux qui sont plus chers que tout à l'Eglise? Bien plus, on a récemment mis le comble aux vexations de cet ordre.

Nous avons appris, en effet, qu'une circulaire a été publiée, qui prescrit aux religieux d'une société illustre et autorisée même par la loi, de quitter les séminaires diocésains où, pour le plus grand profit de l'ordre sacré du sacerdoce, ils détenaient la direction depuis longtemps déjà. La liberté promise à la religion en est arrivée à ce point qu'il n'est plus licite désormais aux Evêques de pourvoir, comme mieux leur semble, à la formation de la jeunese sacrée, et qu'ils sont contraints, dans une affaire d'une gravité si haute, et d'une si grande importance, d'éloigner d'eux des auxiliaires qu'ils ont toujours appréciés comme d'excellents coopé

rateurs.

Et cependant, une entrave beaucoup plus grave a été apportée au ministère apostolique. La nature même de la chose réclame, comme Nous l'avons dit, que l'institution canonique, spécialement si on doit la donner pour le degré suprême de l'ordre ecclésiastique, ne peut, si l'on veut sauvegarder la majesté de la religion, tomber sur quelqu'un qui, par les mœurs, par les aptitudes, par la doctrine, ne paraisse pas digne d'une charge aussi élevée.

Lié par cette obligation sacrée, le Pape n'estime pas toujours devoir promouvoir à l'épiscopat tous ceux qui lui sont désignés par le pouvoir civil; mais, après avoir mûrement examiné les titres de chacun, il prend les uns qu'il trouve aptes, il laisse les autres qu'il trouve moins aptes; et après avoir informé le pouvoir civil de sa délibération, il le prie de vouloir bien mener à bonne

fin les pourparlers engagés pour les uns, et substituer de meilleurs candidats aux autres.

A notre connaissance, le Siège apostolique a toujours observé cette conduite, sans variation, pour laisser intacte la concorde des deux pouvoirs. Que fait aujourd'hui la République ? Elle nie que ce soit le droit du Pape de refuser l'un quelconque de ceux qu'elle a nommés; elle veut que tous les candidats nommés soient indistinctement acceptés; à cet effet, elle s'obstine à ne pas permettre que ceux dont le choix a été approuvé par l'Egllise soient canoniquement institués avant que ceux qui ont essuyé d'elle un refus obtiennent la même approbation. En vérité, étendre la portée du droit de nomination de telle sorte que la faculté laissée à la République par concession du Pape,en vienne à éluder le droit naturel et sacré de l'Eglise de rechercher si ceux qui ont été nommés en sont dignes, ce n'est pas là interpréter le pacte, c'est le détruire; et prétendre que, si quelque candidat est omis dans les acceptations, l'institution canonique ne puisse plus être donnée aux autres, équivaut à ne plus vouloir que des Evêques soient désormais institués en France.

Quant à ce qui touche à cette partie de la convention qui pourvut à l'entretien convenable du clergé, la République l'observe-t-elle, quand elle retire à son gré leur légitime traitement aux Evêques et aux autres ministres sacrés, sans aucune enquête préalable, sans aucun jugement, sans les entendre et sans qu'ils puissent se défendre, comme vous savez que cela se produit fort fréquemment? A vrai dire, il s'agit ici, non seulement d'une violation du contrat, mais d'une violation de la justice. On ne doit pas, en effet, croire que l'Etat, en dispensant ces traitements, fait une grâce et une largesse spontanée à l'Eglise, mais bien qu'il paie un acompte, un minime acompte de sa dette.

C'est à contre-cœur, Vénérables Frères, que Nous sommes amené à vous entretenir de choses aussi tristes à rappeler et à entendre. Tout en ayant pensé qu'en vous le confiant Nous pourrions apporter quelque appaisement au lourd chagrin que Nous éprouvons pour les choses de France, Nous aurions préféré le supporter en silence, pour cette autre raison également que, chez tant de fils dévoués de l'Eglise que Nous comptons en France, Nous n'aurions pas exaspéré l'amertume de leur âme par les lamentations du Père commun.

Mais les droits sacrés de l'Eglise indignement violés et spécialement la dignité du Siège apostolique accusée d'une faute imputable à autrui, réclamaient de notre part une protestation contre l'injustice. Et Nous l'avons faite, dégagé de tout sentiment d'amertume contre qui que ce soit, et sûrement mû par une sollicitude paternelle envers la nation française, dans l'amour de laquelle nul ne peut d'ailleurs en douter, Nous ne le cédons à aucun de Nos prédécesseurs.

Sans doute, il n'y a pas lieu d'espérer que le cours des hostilités contre l'Eglise vienne à s'arrêter.

Tels événements, dans ces tout derniers jours Nous ont fourni l'indice très certain que ceux qui siègent a gouvernement de la République sont tellement opposés au catholicisme, qu'avant peu l'on en doit venir aux extrémités. Au total, tandis que le Siège apostolique, en des documents solennels a proclamé que la profession du catholicisme peut bien s'accorder avec la forme républicaine, il semble, au contraire, que ceux-là veuillent affirmer que la République, telle qu'elle existe en France, est de telle nature qu'elle ne peut avoir aucun commerce avec la religion chrétienne; ce qui atteint d'une façon doublement calomnieuse les Français, à savoir comme catholiques et comme citoyens.

Mais quels que soient les événements, si amers soientils, on ne Nous trouvera jamais mal préparé et tremblant, Nous, à qui servent de réconfort cette parole et cette exhortation du Seigneur : S'ils m'ont persécuté, ils vous persécuteront aussi. (Joann., XV, 20). Vous serez éprouvés dans le monde, mais ayez confiance, j'ai vaincu le monde (Joann., XVI, 33).

En attendant, Vénérables Frères, prions ensemble avec constance et humilité le Seigneur pour que, pouvant seul retirer d'où Il le veut et pousser où Il le veut la volonté des hommes, Il daigne hâter, pour son Eglise, par l'intercession de la Vierge immaculée, le jour de la tranquillité et de la paix.

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