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non seulement en en louant les travaux mais en la bénissant avec une particulière affection.

<«< Heureux de vous communiquer ces sentiments élogieux du Saint-Père, je me réjouis de me déclarer, avec une grande estime,

de votre Excellence illustrissime,

Rome, 28 mai 1904

le très dévoué serviteur.

CARDINAL MERRY DEL VAL.

M. HENRY DE VIENNE

Un nouveau deuil vient de frapper la Revue. M. Henry de Vienne, ancien magistrat et membre de notre comité est mort il y a peu de jours, à Nancy, dans la force de l'âge.

M. Henry de Vienne appartenait à une vieille famille lorraine, passionnément française. Il entra dans la magistrature, où ses éminentes qualités lui promettaient un brillant avenir. Mais après avoir porté avec honneur la robe du magistrat, il vit un jour sa carrière brisée, parce que sa conscience ne pouvait se prêter aux besognes avilissantes que le gouvernement, dont les actes, depuis un quart de siècle déshonorent notre pays, sollicitait de ceux qui ont reçu le redoutable pouvoir de juger les hommes, de rassurer les bons et de faire trembler les méchants.

Rentré dans la vie privée, M. de Vienne, ne pouvant plus rendre la justice, n'eut plus qu'une pensée: exercer la charité sous toutes les formes que lui inspiraient la générosité de son cœur et l'élévation de son intelligence. Il estimait, en effet, que le soulagement des souffrances du corps n'est pas la seule charité commandée par les lois de l'Evangile. Aussi, en face des misères intellectuelles, qui sont aujourd'hui le fléau le plus menaçant pour l'avenir de notre pauvre France, se consacra-t-il avec un zèle infatigable aux oeuvres capables de rendre à notre pays la Foi de ses pères, et le respect de ces grandes vérités politiques et sociales que les siècles ont consacrées, et dont l'observation fidèle avait toujours été le gage assuré de l'hégémonie de la France. Cercles, œuvres de jeunesse, œuvres de presse aujourd'hui si négligées, à peine comprises même, et bien d'autres encore, en un mot toutes les œuvres qui ont aujourd'hui besoin du concours de ceux qui se glorifient du

double titre de chrétien et de français, sollicitèrent son dévouement, et il le prodigua généreusement à chacune d'elles. L'Evêque de Nancy lui accordait sa pleine confiance, et lui remettait volontiers le soin des grands intérêts des institutions dont il avait la garde, lorsque celles-ci, menacées par les ennemis de l'Eglise, avaient besoin de trouver, jusque parmi les fidèles, de zélés défenseurs. C'est pourquoi Monseigneur Turinaz, désireux de trouver un homme dont les aspirations généreuses répondissent aux siennes, et disposé à ne reculer devant aucun labeur toutes les fois qu'il s'agissait de lutter pour la vérité et la justice, fit appel à lui pour organiser à Nancy le 27 Congrès des Jurisconsultes catholiques. Celui qui écrit ces lignes a été témoin de l'empressement avec lequel M. de Vienne répondit à la demande de son Evêque, et de l'activité qu'il déploya pendant plusieurs mois pour assurer le succès d'un Congrès dont tout l'honneur lui revient.

Il n'est pas un Congressiste qui n'ait gardé le souvenir de l'accueil charmant de cet homme aimable chez qui la façon de rendre service valait mieux encore que les innombrables services dont il savait combler ses amis. Il ne cessa jamais d'unir à une infatigable énergie, à un entrain bien français, qui assurait le succès de toutes ses entreprises, cette exquise courtoisie qui fit pendant des siècles l'honneur de notre pays, cette bonne grâce séduisante qui devient d'autant plus précieuse que nos mœurs démocratiques la rendent plus rare.

Le nom de M. de Vienne restera indissolublement lié au souvenir du Congrès de Nancy. Comme parmi les siens, auxquels nous offrons nos respectueuses condoléances, la mémoire de M. de Vienne vivra parmi nous; car nous savons n'oublier jamais ceux qui ont contribué à faire grandir et prospérer notre œuvre.

H. L.-B.

LES PRINCIPES DE GOUVERNEMENT

PENDANT LA PÉRIODE RÉVOLUTIONNAIRE

Il est impossible lorsque, pour étudier les débuts de la Révolution française, on se décide à vivre avec les hommes d'alors, à s'imprégner de leurs idées en lisant les mémoires, les journaux, les brochures, les documents de toutes sortes, afin de sortir de notre milieu contemporain et de penser comme les hommes de ce temps, il est impossible lorsqu'on étudie longuement et sérieusement cette époque de n'être pas frappé de l'enthousiasme qui animait, en 1789, tous les hommes éclairés des espérances infinies qu'ils avaient dans un prochain avenir. Cet espoir, cet enthousiasme ne sont pas le partage de quelques novateurs, ils se trouvent chez les personnes instruites (le nombre alors en était grand) de toutes classes et de toutes conditions; celles même qui vont perdre dans les innovations qui se préparent, leur rang, leur fortune, leur vie, ne sont pas les moins exaltées, ni les moins exposées aux grands espoirs. Spectacle extraordinaire pour nous qui connaissons les événements qui ont suivi et quels résultats ont donné toute cette exaltation ! Et cependant cet enthousiasme était sincère, immense, il éclatait partout, il n'avait rien de forcé, ni d'artificiel, on le trouve en de petites localités inconnues aussi fort que dans la capitale. D'où venait donc une disposition aussi étonnante?

De ce que l'instruction littéraire, celle que nous appelons aujourd'hui l'instruction secondaire, accompagnée toutefois d'une politesse et d'une générosité de sentiments qui ne se trouvent plus, était alors singulièrement répandue. On rencontrait en de petits endroits qui sont aujourd'hui destitués de toule vie intellectuelle,

des groupes de personnes ayant des loisirs et de la lecture, qui se réunissaient, qui lisaient et commentaient les auteurs en vogue, si bien que ce sont ces auteurs qui avaient vraiment fait l'éducation et les idées des Français et des Françaises d'alors. Nous nous figurons difficilement aujourd'hui l'influence qu'exerçaient (il y avait alors peu de journaux et qui ne faisaient pas de politique) les livres de J.-J. Rousseau et des auteurs appartenant au groupe dit des Encyclopédistes, que personne ne lit plus aujourd'hui et dont on sait à peine les noms. Ils exaltaient les contemporains et étaient en possession de former leurs idées et leurs convictions.

Que disaient ces livres si lus, si admirés, si puissants pour former l'opinion? Ils disaient que tout l'ordre politique et tout l'ordre social étaient à refaire; que l'un et l'autre venaient de la tradition, chose essentiellement méprisable, ne reposaient sur aucune base rationnelle, étaient pleins d'abus et d'irrégularités. Au lieu de cela, ils proposaient des systèmes de gouvernement et d'organisation économique dont la structure était théoriquement superbe et régulière dans toutes ses parties, mais qui n'avaient jamais été essayés, jamais éprouvés, qui ne tenaient compte ni de l'état de choses existant et existant depuis des siècles, ni des dispositions, des sentiments des populations. Il y avait lieu, suivant ces auteurs, de refaire tout les croyances et les habitudes des sujets aussi bien que l'organisation administrative de l'ordre politique. On devait y arriver par l'Education; l'Etat enseignant tous les Français et coulant tous les cerveaux dans le même moule.

A quoi donc pouvait-on reconnaître que ces idées, ces organisations qui devaient être imposées à la nation étaient supérieures à tout ce qui existait et avait existé jusqu'alors? Car il fallait, pour les imposer ainsi, être assuré qu'elles valaient mieux que ce qu'elles devaient remplacer et qu'elles feraient le bonheur et la prospé

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