Page images
PDF
EPUB

<«< Enfants héroïques, ils tracèrent avec leur épée et leur sang, dans ces nouvelles Thermopyles, le calme et sublime adieu du dévouement:

« Passant, va dire au Vatican que la France de Charlemagne et de saint Louis a fait une dernière fois son devoir. >>

Tandis que la tradition révolutionnaire trahissait la mission séculaire de notre patrie, la tradition française protestait ainsi par la bouche du petit fils de Charles X, qui écrivait le 9 décembre 1866: « Ma pensée se porte avec tristesse sur Rome, où nous laissons abattre en ce moment une des plus grandes choses que Dieu a faites par la France, gesta Dei per Francos, je veux dire la souveraineté temporelle du chef de l'Église, indispensable garantie de son indépendance et du libre exercice de son autorité spirituelle dans tout l'univers.» Au mois de mai 1871, au moment où était signé le déplorable traité mutilant la France à la suite des désastres qui coïncidaient presque jour pour jour avec ceux de l'armée pontificale et avec le triomphe de la révolution italienne, la même protestation se renouvelait. « La liberté de l'Eglise est la première condition de la paix des esprits et de l'ordre dans le monde, écrivait le Comte de Chambord. Protéger le Saint Siège fut toujours l'honneur de notre patrie et la cause la plus incontestable de sa grandeur parmi les nations. Ce n'est qu'aux époques de ses plus grands malheurs que la France a abandonné ce glorieux patronage. »

Aujourd'hui ce patronage est outrageusement renié et une grave offense qui réjouit la Franc-Maçonnerie internationale est faite au Souverain Pontife. Cette offense faite sciemment, préméditée du vivant de S. S. Léon XIII, rapelle l'ingratitude de Napoléon à l'égard de Pie VII qui, malgré de légitimes hésitations, consentait, il y a exactement un siècle, à venir couronner à Paris le fondateur d'un nouvel ordre de choses, né des

principes et des crimes de la Révolution. S. M. l'empereur d'Autriche n'a pas vu rompre les liens de son alliance avec l'Italie, pour n'avoir pas rendu à Rome la visite que lui avait faite le roi d'Italie. Une diplomatie soucieuse à la fois du respect dû au Souverain Pontife et des relations indispensables de courtoisie internationale à entretenir avec une nation voisine, aurait prévu ces difficultés et évité, dans l'intérêt du pays, de se placer dans une impasse d'où la France ne peut sortir que diminuée. C'est pourquoi il faut dire que la France est un pays mal gouverné; l'anticlericalisme de ses gouvernants les entraîne à commettre les fautes les plus impardonnables et peut-être les plus irréparables. Mais que leur importe? Le but de la Révolution n'est-il pas de détruire la France pour mieux frapper l'Église !

Les toasts portés en italien, en face du représentant de la France, et cela contrairement à tous les usages internationaux qu'on ne se serait pas permis de violer en face de notre fidèle ami et allié l'Empereur de Russie, sont le premier châtiment de l'abandon, par nos gouvernants, de la mission de la France. Ceux-ci, oublieux de nos propres traditions, pourraient-ils se plaindre de l'oubli, par les souverains étrangers, des traditions européennes? Pourraient-ils s'étonner et s'émouvoir de la fin du prestige de la France dans le monde? Auraient-ils donc voulu sanctionner à Rome, comme Victor-Emmanuel l'avait fait à Metz, les spoliations de 1870! Mais, Dieu merci, les traditions révolutionnaires ne sont pas celles de la vraie France, dont les droits et les devoirs ne seront pas prescrits, et dont la place ne sera pas prise dans le monde, et plus les ennemis de notre patrie s'efforceront de l'entraîner à sa perte et à son déshonneur dans les voies de la Révolution, plus nous demeurerons fidèlement attachés à l'Eglise romaine et aux traditions françaises.

Henry LUCIEN-Brun.

LES CRUCIFIX ARRACHÉS DES PRÉTOIRES

« LE CHRIST, VOILA L'ENNEMI »

Par cette formule de haine, M. le bâtonnier Rousse a raison de le dire, se traduit « l'ineple sacrilège » contre lequel s'est élevé « l'hôte presque séculaire de la vieille maison qui était jadis le refuge de toutes les libertés. La magnifique protestation du doyen vénéré du barreau de Paris a soulagé les consciences honnêtes en faisant entendre le cri de l'opinion publique indignée : On a osé arracher des prétoires l'image du Christ, et cela sans l'avis des conseils généraux, sans consulter la magistrature et pendant son absence, furtivement, en cachette, comme on commet une action honteuse. Après la lettre vengeresse de M. Rousse, il semble qu'il n'y ait plus rien à écrire que pour y apporter une reconnaissante adhésion. La Revue catholique des Institutions et du Droit a pensé cependant qu'elle devait à ses lecteurs et à elle-même de se joindre aux protestations qui, de toutes parts, s'unissent à la voix éloquente de l'éminent bâtonnier. La question est trop grave pour ne pas y insister, ne fût-ce qu'en essayant de mettre en lumière les différents points de vue sous lesquels elle peut être envisagée. Plus on étudie la mesure prise par le garde des sceaux, et plus en apparaît l'arbitraire et l'odieux.

Et d'abord les précédents. Une première fois la question a été soulevée, mais il faut rendre cette justice aux promoteurs de la mesure qu'ils avaient voulu la revêtir d'une forme de légalité. C'est à propos de la proposition de modification du serment judiciaire que se posait la question de la suppression dans les prétoires des

1 Lettre adressée au Directeur du Journal des Débats, le 11 avril 1904.

emblèmes religieux, en 1882. On devine d'où venait cette proposition qui fut combattue en particulier avec beaucoup de bon sens, dans un spirituel discours, par M. Frédéric Thomas dans la séance du 20 juin : « J'ai interrogé, disait-il, un brave paysan qui passe dans la contrée pour la sagesse même. Il m'a dit : j'ai entendu raconter de tous côtés que vous vous occupiez du serment et que vous vouliez en faire l'économie eh bien, nous aimerions mieux la moindre réduction d'impôt. »>

:

La question du maintien des crucifix était liée du reste à celle du serment. C'est ce que Mgr Freppel rappelait dans la même séance en termes éloquents: « Jusqu'à présent, disait-il, à défaut de loi, car je crois qu'il n'y en a pas, dans tout le monde chrétien, un usage traditionnel avait maintenu dans tous les prétoires un emblème religieux. Et la cause de ce maintien, la voici :

«Il y a eu dans l'histoire de l'humanité un jugement, le plus célèbre de tous et qui est resté pour tout le monde un grand exemple et une haute leçon. Le jour où ce jugement fut rendu, une foule ameutée assaillit le juge sur son siège, elle lui criait de toutes parts: Si tu ne condamnes pas cet accusé, tu n'es pas l'ami de César. Non es amicus Cæsaris. Devant ces clameurs, la conscience du juge se troubla; la crainte de César étouffa dans son âme le sentiment de la justice, et il condamna comme coupable celui que, dans son âme et conscience, il regardait comme innocent, se contentant pour toute justification de se laver les mains devant le peuple.

« D'autre part, de faux témoins arrivèrent, affirmant ce qu'ils n'avaient pas vu, ce qu'ils n'avaient pas entendu, et l'innocent fut condamné.

«Voilà le grand drame judiciaire que le monde civilisé médite depuis dix-huit siècles et dont le symbole est maintenu dans tous nos prétoires pour rappeler aux témoins et aux juges quels sont leurs droits et quelles sont leurs obligations.

« Cet emblème religieux, vous avez pu, en un jour d'oubli, le faire disparaître d'ailleurs; mais il a sa place marquée en face de l'accusé, au-dessus de la tête du juge, pour enseigner à l'un la résignation, à l'autre, la fermeté et l'impartialité.

« Cette haute leçon, ce grand exemple, non, vous ne le ferez pas disparaître de nos prétoires, car la croix du Christ est, pour le monde entier, l'immortel symbole du droit, de la justice, de la vérité, du dévouement, du sacrifice, de toutes ces grandes choses qui sont l'honneur et la force de notre civilisation. >>

Dans la séance du 24 juin on mit aux voix un amendement de M. Jules Roche ainsi conçu : « Il est interdit de placer dans les salles d'audience des tribunaux et dans les salles servant à l'instruction des crimes ou délits ou enquêtes officielles aucun emblème religieux. » M. Varambon, sous-secrétaire d'Etat à la justice, déclara que le gouvernement ne pouvait accepter cet amendement: « La présence ou la non-présence des emblèmes religieux dépend entièrement du magistrat qui a la police de l'audience. Il n'y a aucune loi qui oblige à placer les emblèmes religieux dans les prétoires des salles de justice. Dès lors il n'appartient pas à la loi de réglementer cette matière. Il faut distinguer ce qui est matière à règlement, ce qui est matière législative, et ce qui est matière administrative. Quand vous aurez réalisé la réforme judiciaire et quand vous aurez à la tête des tribunaux des magistrats éclairés, tolérants, quand ils auront tenu compte des circonstances, du milieu dans lequel ils se trouvent, ils pourront arriver à supprimer peu à peu ces emblèmes sans que personne ne proteste. » Et il ajoutait : « Tout ce que vous pouvez nous demander c'est de faire à la chancellerie un règlement sur cette matière... Actuellement personne ne se plaint... Il ne faut pas se créer sans motif de difficulté. » S'est-on préoccupé, observait-il en terminant, de cel

« PreviousContinue »