Page images
PDF
EPUB

tes, par cette autre : une majorité qui fait tout ne sera responsable de rien; une minorité qui ne fait rien sera responsable de tout.

Le vote de l'impôt par celui qui ne le paie pas est mis en pratique par des lois socialistes sous les noms de dégression, de dégrèvement des petites cotes, d'exemption à la base, etc.

Le paiement de l'impôt par celui qui ne le vote pas est le sort habituel de la fortune en France. En voici un exemple: Pour remplacer les revenus de l'octroi de Lyon, aboli en 1901, le maire de cette ville proposa, entre autres taxes de remplacement, un impôt sur les maisons d'enseignement libre, de 10 francs par externe et de 20 francs par interne. Parmi les plus importantes de ces maisons figuraient deux établissements où enseignaient les jésuites. Or, le même maire socialiste, lors de la révision annuelle des listes électorales, proposa la radiation de tous les jésuites inscrits sur ces listes, sous le faux prétexte qu'ils ne justifiaient pas d'une résidence suffisante. Toute une catégorie de citoyens étaient ainsi considérés comme des vagabonds et des personnalités flottantes au point de vue du vote, mais comme des contribuables domiciliés au point de vue de l'impôt.

Il est vrai que le juge de paix ordonna leur maintien sur la liste électorale, et que le maire dût retirer son projet fiscal. Mais le fait ne subsiste pas moins pour marquer la tendance du régime socialiste à l'irresponsabilité de l'électeur.

Un publiciste a eu raison de dire qu'un pays court grand risque à confier ses destinées aux gens étrangers aux intérêts qu'ils sont censés défendre.

L'irresponsabilité érigée en système dans l'organisation politique est tellement passée dans les mœurs qu'elle tend à devenir, à la faveur de certaines institutions sociales, la loi des rapports entre les particuliers.

Etant donnée la législation sur la presse, le journa

liste est à peu près irresponsable de ce qu'il écrit. La loi lui fait une situation privilégiée dont on peut dire, comme de celles des membres du parlement, qu'elle aurait besoin d'être justifiée par plus de garanties de moralité. S'il met ses privilèges au service du mensonge, de la diffamation et de l'injure et s'il est un lâche qui s'embusque derrière l'anonyme, il n'a personnellement rien à craindre.

Il n'a rien à craindre non plus de l'insuffisance de la loi ou de la faiblesse des tribunaux, l'auteur du livre, de l'affiche ou de l'image, qui fait métier d'outrager tout ce qui est en honneur chez les peuples qui ont conservé la notion du respect.

Victor Hugo pouvait prendre pour lui-même le conseil qu'il adressait aux lettrés : « Vous êtes l'élite des générations. Pour n'oublier jamais quelle est votre responsabilité, n'oubliez jamais quelle est votre influence. »

L'application de la loi sur les syndicats professionnels consacre trop souvent l'irresponsabilité de leurs membres ou des agitateurs étrangers qui fomentent les grèves. La bonne foi n'est plus observée dans l'exécution du contrat de travail, et il ne faut pas parler de responsabilité de droit commun aux grévistes qui violent la liberté de l'ouvrier ou rompent brusquement les engagements contractés envers le patron.

Les lois sur les rapports de famille tendent à abolir la première des responsabilités par l'article 340 du Code civil qui interdit la recherche de la paternité naturelle; par les lois scolaires qui transportent du père à l'Etat la direction et la charge de l'éducation des enfants; par la loi du divorce qui affranchit les époux des obligations nées du mariage.

S'il est une responsabilité que la société devrait maintenir à tout prix, car il y va de sa sécurité, c'est celle des individus coupables de crimes ou de délits.

Là encore la tendance est la même. Les réformes apportées au Code pénal et au Code de justice criminelle sont toutes favorables aux délinquants, et le garde des sceaux est bien fondé à écrire au début d'une circulaire adressée aux procureurs généraux le 10 février 1900, pour recommander aux parquets l'indulgence dans la répression « La rudesse de notre Code d'instruction criminelle et la rigueur de notre législation pénale ont été, depuis quelques années, corrigées et adoucies sur beaucoup de points. »> Certains magistrats sont entrés largement dans les vues de leur chef et se sont fait une renommée par des théories de leur invention sur l'irresponsabilité de leurs justiciables.

Bien entendu, tout ce qui supprime ou diminue les responsabilités se recommande du progrès, de l'affranchissement de l'esprit humain, de l'abolition des vieux préjugés. La responsabilité est une entrave. Moins l'homme sera responsable, plus il sera libre. Libre de faire le mal, oui. C'est cette liberté-là que la Révolution a pour destinée de propager. Dieu avait dit : « L'homme sera responsable, parce qu'il est libre. » La Révolution a répondu « L'homme sera libre, parce qu'il n'est pas responsable. » Où est le progrès ? Sa responsabilité faisait sa grandeur. L'irresponsabilité le rend semblable aux êtres privés de raison.

A. POIDEBARD.

ATTEINTES PORTÉES A LA LIBERTÉ DU TRAVAIL

PAR LES LOIS CONTRE LES CONGREGATIONS

ET LES PROJETS SUR LES GRÈVES ET LES SYNDICATS OBLIGATOIRES

Rapport au XXVIIe Congrès des Jurisconsultes Catholiques, à Nancy.

Les différents rapports présentés sur les principes de gouvernement ont dès maintenant fixé les conditions d'un fonctionnement normal, et les données expérimentales de l'histoire montrent les périls d'une organisation politique qui absorbe l'individu, lui retire toute initiative, et l'assujettit à son entière maîtrise.

Nos feuilles contemporaines accusent chaque jour cette tendance, il suffit de parcourir les projets de loi qui encombrent les ordres du jour : l'Etat s'ingère dans toute l'organisation sociale, et entend en faire mouvoir les moindres ressorts.

Sans doute toute modification proposée se réclame de la liberté mais à qui en recherche l'inspiration, cette conclusion s'impose : elle vise à apaiser des revendications passionnées, et ne contente le plus souvent qu'une minorité oppressive, dont les caprices deviennent une loi despotique à l'encontre de majorités indifférentes, imprévoyantes ou indisciplinées. La liberté, qui ne devrait être autre que la synthèse de toutes les libertés, s'anéantit en même temps que celles-ci sont restreintes, mutilées, ou dénaturées.

Si chaque liberté est nécessaire à l'homme, et forme une des manifestations de son activité intellectuelle, morale ou physique, il en est cependant qui ont un caractère primordial essentiel... celle du culte, puisque c'est une prérogative de l'âme, qui s'en réclame pour atteindre sa fin, celle du travail, car elle donne à l'homme le moyen

XXXII-I

10

de passer sur cette terre avec honneur, en s'acheminant vers sa destinée définitive.

Aussi c'est une des plus grandes préoccupations de l'esprit humain que l'amélioration et l'affranchissement du régime du travail, et c'est à vrai dire un de ses plus féconds efforts. Ce régime a subi bien des vicissitudes, dont les plus célèbres économistes nous ont fait l'exposé et la critique. Le Play dans sa réforme sociale, Claudio Jannet, que beaucoup d'entre vous ont connu, et dont tous apprécient aujourd'hui la vaste érudition et l'étonnante clairvoyance, en ont relevé les diverses applications, aujourd'hui encore cette étude se poursuit, et les travaux de M. Hubert Valleroux ont une portée non seulement historique mais philosophique et sociale. Ce serait excéder les limites de ce rapport que de même résumer les règlementations multiples dont les travailleurs furent l'objet il faudrait aussi entrouvrir l'histoire de l'association, tant ces deux libertés se prêtent un mutuel concours.

Le but convoité pour le respect de l'une et de l'autre paraît avoir été heureusement entrevu par J.-J. Rousseau dans cette formule qui diffère de ses chimères et de ses utopies. «Trouver une forme d'association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun s'unissant à tous n'obéisse pourtant qu'à lui-même et reste aussi libre qu'auparavant ». Pour faciliter leur tâche, les hommes ont été amenés à se répartir d'après leurs aptitudes physiques ou morales, les circonstances sociales. Ainsi entre ceux mêmes qui exercent des fonctions analogues s'établirent des relations spéciales et étroites fixant les conditions du travail. Les classes ouvrières ont toujours recherché les moyens de se concerter et de s'unir, au témoignage des institutions qui les concernent, tels que les établissements de Louis IX, les règlements des métiers, les multiples formes de corporations.

« PreviousContinue »