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publics civils et militaires et même à les faire mettre. en état d'arrestation, si les circonstances l'exigent, ainsi que de pourvoir à leur remplacement provisoire, s'ils le jugent nécessaire'. >>

De même, le Conseil, dans sa séance du 30 août 1792, arrête qu'il sera nommé « trois commissaires qui se tiendront dans la ville de Metz à l'effet de rendre au Conseil un compte habituel de l'état de cette ville et d'employer tous leurs moyens pour y maintenir l'esprit public. La sanction des pouvoirs ainsi confiés aux envoyés de l'Assemblée est le droit, pour eux, de faire annuler, au simple vu de leurs rapports, les délibérations des corps suspects, ainsi que de frapper de suspension tous ou quelques uns de leurs membres.

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Souvent, les commissaires se font aider dans l'accomplissement de leur mission. Des hommes à leur dévotion, connaissant parfaitement les localités et les habitants, < rassemblent des renseignements, facilitent et håtent les opérations. »

Aussi bien, cette vigilante recherche des administrateurs suspects de tiédeur est-elle considérée comme une œuvre de la première importance. On ne conçoit aucune action politique efficace tant que toutes les assemblées locales ne sont pas animées d'un esprit sincèrement républicain. Les Commissaires dans le Nord en sont bien convaincus. « Il faut, écrivent-ils à la Convention, avoir la République dans le cœur pour faire marcher les choses en son nom. C'est dans cet esprit que nous nous proposons d'user des pouvoirs que vous nous avez donnés pour remplacer provisoirement... les officiers municipaux dont les opinions bien prononcées ou la

'Instruction décrétée par l'Assemblée nationale, août 1792. Coll. Gén., t. X, p. 118.

* 16e séance Aulard, op. cit. I, p. 40.

3 Les Commissaires dans le département du Nord à la Convention, 15 octobre 1792. I, p. 144.

conduite décèlent de l'éloignement pour le gouvernement républicain. Nous allons parcourir le Pas-de-Calais et une partie du Nord particulièrement pour cet objet »1. Ils annoncent que les administrations districales, dans la région qu'ils parcourent, vont être renouvelées dans un délai de six jours et, craignant que l'Assemblée ne trouve ce laps trop long, ils s'en excusent, disant : « Il n'était pas possible d'assigner un jour plus prochain, quelque important qu'il soit pour la République de purifier tous ces corps des souillures du royalisme, de l'aristocratie et du feuillantisme ». Les administrateurs du directoire départemental sont, à Arras, les victimes du zèle des mêmes représentants qui, dans leur message à la Convention, reviennent sur les motifs qui les portent à prendre de telles mesures. « Il nous a paru impossible de supposer que l'amour de la Républque fût dans le cœur de pareils citoyens... Nous avons pensé que, si nous les laissions plus longtemps en place, les ennemis de la liberté et de l'égalité ne manqueraient pas de s'en prévaloir et se croiraient peut-être autorisés par là à concevoir des espérances qui, quelque chimériques et vaines qu'elles puissent être, seraient cependant un obstacle au parfait établissement de l'ordre dans le sens du gouvernement républicain »3.

S'il arrive souvent aux représentants de rencontrer des administrateurs aussi peu zélés et contre lesquels ils usent de toutes les rigueurs que l'Assemblée leur a donné mission de prodiguer, ils ont, d'autres fois, la joie de voir les fonctions publiques en des mains irréprochablement civiques. Aussi les corps où siègent de tels citoyens voient-ils leurs délibérations proposées pour modèles. Le 1er septembre 1792, « lecture est faite au Conseil d'un arrêté rendu par le Conseil général

Ibid. 2 Ibid.

3 I, p. 177.

du département de l'Oise, sur l'invitation qui lui a été faite par les commissaires de l'Assemblée Nationale, de prendre toutes les mesures que le civisme et les ressources des administrés rendraient possibles. Cet arrêté étant un modèle de ce que le patriotisme le plus éclairé peut suggérer de plus convenable pour la défense et dans le danger de la patrie, le Conseil exécutif arrête qu'il sera imprimé et placardé avec profusion '».

L'éloge le plus vibrant est fait, par les représentants, des administrateurs dévoués à la Révolution. Les Commissaires aux frontières du Doubs « ne peuvent terminer leur dépêche sans exprimer à la Convention nationale la satisfaction qu'ils ont éprouvée de l'ordre, de l'activité, du zèle et du civisme qui animent, à Besançon, les corps administratifs.» A Toulon, la municipalité est « animée d'un excellent esprit et de la ferme volonté de seconder les efforts des Commissaires. >>3 Les envoyés de la Convention écrivent de Liège : « Nous avons vu l'administration provisoire et la Société populaire. Partout, nous avons trouvé les esprits à la hauteur des circonstances. >> On peut penser combien la lecture, en pleine séance de la Convention, de rapports aussi élogieux était bien faite pour provoquer l'émulation civique.

Sur quoi donc les Commissaires, qui ne font ordinairement que passer dans chaque ville, se basent-ils pour apprécier le plus ou moins de civisme des assemblées locales? Sans doute, lorsqu'un conseil de directoire ou une municipalité vient de lancer un arrêté retentissant, les Commissaires les prennent tout naturellement comme base de leur jugement. Mais sur quoi se fonder pour taxer une assemblée lorsqu'elle n'a pas,

* 18e séance, I, p. 42.

* Dépêche du 23 octobre 1792, I, p. 187.

3 Les Cominissaires aux Côtes de la Méditerrannée, 8 février 1793. II, p. 77. '3 mars 1793. II, p. 249.

depuis longtemps, manifesté par des actes son sentiment sur la politique générale? En ce cas, c'est la voix publique » qui renseigne les Représentants, si l'on entend par là les rapports et les plaintes de la bande bigarrée qui vient les acclamer à leur arrivée au lieu de leur mission. A leurs yeux exercés, d'ailleurs, il faut peu de temps pour juger des sentiments d'un corps administratif. Du département du Nord ils écrivent : « A notre arrivée à Arras, nous avons été au Département, au District et à la municipalité. Tous ces corps étaient en séance publique. Au nombre des citoyens dont ils étaient environnés, il nous a été facile de reconnaître que la municipalité était éminemment investie de la confiance. publique.» Ce procédé est à remarquer qui consiste à juger une assemblée d'après la quantité des individus venus pour écouter ses délibérations.

Si, du moins, le nombre était partout aussi respecté, on ne saurait se plaindre. Mais on devine assez combien peu importe aux Commissaires, s'il s'agit d'une administration suspectée de tiédeur, le nombre des citoyens présents aux séances. Leur mépris, sitôt que leurs soupçons sont éveillés, devient absolu pour les manifestations du suffrage populaire et ils dénoncent, en termes émus, à la Convention, les assemblées coupables, demandant pour elles toutes les rigueurs de la loi. Jeanbon Saint-André écrit de Montauban: « Ceux qu'on appelait ci-devant modérés font cause commune avec les aristocrates; ils dominent dans les assemblées primaires et ils sont parvenus à former des municipalités presque toutes inciviques. »« Partout les municipalités qui sont du choix immédiat du peuple sont faibles ou corrompues; nous les avons, du moins, trouvées telles dans tous les lieux que nous avons parcourus. La gangrène a

122 octobre 1792. I, p. 177.

25 mars 1793. II, p. 498.

donc infecté la masse et, si l'on veut la sauver, il faut commencer par la régénérer. Quelles mesures prendre pour cela? Il faut qu'elles soient grandes et rigoureuses. Les demi-partis nous ont perdus. »1

Spécialement redoutable est la faiblesse de certaines assemblées locales en face des congrégations religieuses et des prêtres réfractaires. Commissaire dans les Côtesdu-Nord et l'Ille-et-Vilaine, Billaud-Varenne signale avec émoi « Redon, ville où l'on compte à peine trente patriotes et où il a trouvé, sous les yeux mêmes de la municipalité, des couvents de religieuses conservant encore leur costume. » Prieur écrit de Saint-Malo : Le fanatisme s'est plus ou moins répandu dans les campagnes et dans quelques communes. Les officiers municipaux sont dénoncés à l'opinion publique comme aristocrates parce qu'ils s'éloignent des prêtres constitutionnels. »

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Les assemblées locales objet de ces dénonciations vont se voir traquées sans relâche; le Conseil annulera leurs délibérations; leurs membres seront suspendus ou destitués.

Quelquefois, les motifs de ces mesures sont officiellement connus. Aux environs du 10 août, plusieurs assemblées ont, dans des arrêtés, manifesté leur désapprobation des émeutes parisiennes et protesté contre la déchéance de Louis XVI. C'est une occasion, pour le Conseil exécutif, de prodiguer ses rigueurs. Ainsi, le Directoire du département de la Somme a pris un arrêté ordonnant que deux députés pris dans son sein seront envoyés sur le champ à Paris pour présenter à Sa Majesté son hommage, son attachement et le témoignage de la reconnaissance publique ». En outre, la même

'Le même. II, p. 534.

229 mars 1793. II, p. 568.

Dépêche au Comité de défense générale, 1er avril 1793. III, p. 27.

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