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crime politique, et que je n'avais pas vu depuis six mois; ce ne fut que par les journaux anglais que j'appris que M. Sauquaire avait échappé aux recherches de la police de France, et qu'il allait porter sa grande Tontine en Portugal.

C'est de ce chaos de turpitudes qu'est sorti le procès qui m'est intenté par le noble pair; examinons les moyens de l'attaque, et défendons-nous.

Les liaisons intimes qui existent entre la famille ..................... et la famille Sauquaire-Souligné sont de notoriété publique. Je ne cherche point à approfondir la source de ces liaisons, j'énonce un fait.

M. Dégousée, même antérieurement à son mariage, complait beaucoup sur la protection du noble pair, qui fut l'ami de son père dans le cours de la révolution, et cette protection ne fut pas stérile, puisqu'il en obtint une somme considérable pour traiter avec M. Guéroult de Fougères.

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Ce patronage dure encore ce qui laisse au moins présumer que M. Dégousée n'est pas tout-à-fait indépendant du noble pair dans l'administration de la Tontine. M. le comte a d'ailleurs un goût particulier pour les tontines et autres établissemens de ce genre; sa philantropie est inépuisable pour cette sorte d'opérations.

La Tontine perpétuelle d'amortissement est un établissement public, autorisé par ordonnance royale, qui permet aux particuliers de mettre des fonds en communauté pour acheter des rentes, et d'en donner la jouissance au plus vivant, la survivance pour le fonds réservée à l'État.

Les fonds versés dans le cours de la journée, sont re

mis à l'agent de change, qui achète des rentes au cours du jour, et qui remet son bordereau d'achat le lendemain.

Quatre censeurs et un commissaire du roi tiennent la main à ce que le caissier de l'administration ne se couche jamais avec la disponibilité d'un centime.

Les rentes acquises jour par jour sont inaliénables, et trois forçats, tirés tout exprès du bagne de Toulon pour administrer la Tontine, ne pourraient pas nuire au public, tant les précautions sont fortes et régulières.

L'ordonnance royale alloue aux trois administrateurs un salaire de 5 pour cent sur chaque mise, et la jouissance pendant leur vie du dixième des extinctions.

C'est ce salaire fixe, déterminé, et l'expectative certaine des extinctions, que les trois administrateurs qui y avaient droit, chacun pour un tiers, mirent en communauté avec la faculté de l'aliéner par trois centièmes pour les besoins du service administratif.

Trois cents actions au porteur furent créées, et donnèrent droit au porteur à 1 trois centièmes du salaire fixé par l'ordonnance royale.

Tant que les anciens administrateurs, et notamment moi, firent partie de l'administration, les répartitions des cinq pour cent furent faites régulièrement entre les cessionnaires ou porteurs d'actions, et personne ne se plaignait.

Depuis quinze mois M. Dégousée reçoit, administre et ne paie personne.

Le noble pair aurait pu demander des comptes à ses cédans, mais comme le contre-coup eût atteint M. Dégousée, M. le comte a voulu éviter ce suicide.

Le noble pair imagina un moyen qui permet à M. Dé

gousée de jouir impunément des bénéfices attachés à la Tontine, sans reddition de comptes.

Il attaque les anciens administrateurs, les considère comme des hommes de négoce, et les traduit devant le tribunal de commerce, pour faire déclarer nulles les actions, et se faire rembourser le montant de ces actions sur le pied de 2,000 fr. chacune, et il y en a eu de négociées au cours de 300 fr.

J'essayai de me défendre devant ces juges consuls qui n'ont jamais pu ni dû être mes juges, je voulus même les visiter, mais les avenues étaient fermées; le noble pair, madame la comtesse et M. le vicomte leur fils, m'avaient délivré une patente en bonne forme, et je fus condamné par corps à payer ce que je n'ai jamais reçu, et ce que M. le comte ne m'a jamais versé, car je le défie d'articuler une preuve de négociation entre lui et moi.

Une société commerciale suppose toujours vente et achat d'industrie ou de matières; c'est le mouvement; la Tontine n'est que la mort; tout y est fixe, invariable, intransférable; le salaire même ne peut être dans aucun cas augmenté ni modifié; et cependant le tribunal de commerce a vu du négoce dans cet établissement. C'est bien là le bon curé qui voyait le clocher d'une cathédrale dans la lune.

J'espère que devant mes juges naturels, devant la cour royale, mon défenseur pourra développer les moyens de droit que je crois invincibles. Nous sommes devant des juges au-dessus des petites passions et des petites. vanités de la boutique; on m'écoutera par l'organe de mon avocat, et je n'aurai à craindre que les bonnes raisons, ce qui devrait dispenser le noble pair, madame

la comtesse, et leur noble fils, de l'étalage de leur jeune livrée et de leurs sollicitations ridicules, pour ne pas employer une autre expression.

Je fis un second mémoire, le 24 juin, dans lequel on trouve les passages suivans...

J'ai dit dans mon précédent mémoire, qu'on a qualifié de libelle, tout ce que j'avais à dire sur les relations que j'avais eues avec M. le comte. Le point de droit qui nous divise a été trop bien traité par les trois avocats chargés de ma défense et de celles de MM. Denuelle Saint-Leu et Fougère, pour que j'entreprenne d'y ajouter; mais il me reste à éclairer la marche de deux prétendus innocens : je vais l'essayer, sauf à y ajouter, si les circonstances le rendent indispensable.

Un libelle! contre qui? serait-ce par hasard contre M. Sauquaire-Souligné, l'âme, le génie invisible qui a porté la désolation dans la Tontine; l'homme qui, par ses machinations secrètes et ses idées gigantesques, l'a paralysée? L'événement n'a-t-il pas justifié mes pressentimens? devais-je suivre son allure, me porter son délateur ou me retirer? Ma conscience me prescrivait ce dernier parti, je le pris et je n'en ai pas de regrets, quoiqu'il ait été la source de tous les événemens qui ont fondu sur moi depuis cette époque. Qui a le droit d'imposer ses opinions à autrui? de qui émane la mission de tout exagérer pour rendre le vrai haïssable? et quand l'esprit d'intrigue se mêle aux opinions humaines, estil défendu de se défier?...

Séance du 12 mars.

- Chambre des Députés.

EXTRAIT.

« Le sieur Sauquaire-Souligné a demandé à M. Bec» quey, d'être employé dans la police. »

Demandez la suppression de ce que vous appelez mes libelles, obtenez-la, si la justice trouve que j'ai eu tort, mes remarques n'en subsisteront pas moins.

L'avocat, chargé de la défense de MM. Dégousée et Maitrejean, a trouvé piquant de faire rouler son plaidoyer sur des injures, sur des pronostics; qu'à défaut de bonnes raisons, il eût semé quelque équivoque dans son exorde ou dans sa péroraison, c'est l'usage, c'est même du récitatif obligé; mais le trop est trop; il a été plus heureux dans la peinture qu'il a faite de l'innocence de ses modestes cliens. Je vais faire chorus avec lui.

Je n'abuserai pas plus long-temps de la patience du public et de mes juges. J'ai voulu démontrer que je n'avais tiré aucun avantage de la Tontine, et que je l'avais administrée dans l'intérêt des actionnaires; les aveux de mes adversaires, les comptes, les quittances que j'ai dans mes mains, l'opinion des censeurs qui louent mon administration et blâment celle de mes successeurs, les faits qui parlent, me suffisent.

Trois frelons se sont introduits directement et mysté rieusement dans une véritable ruche à miel; ils l'ont ravagée; ils en ont fait un tripot politique; ils n'y ont apporté que leurs besoins, leur nullité et l'intrigue, compagne assidue des dévorateurs sans moyens.

Ils m'ont suivi dans la prospérité; l'homme industrieux et entreprenant a toujours autour de lui cette tourbe de parasites qui n'attendent que le moment opportun pour accabler ce qu'ils ont encensé,

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