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évidence, & qui répondît à la réputation & à la gloire du Roiaume. C'eft ce qu'a fait encore encore Louis XV. pour remplir les intentions de fon Bifaieul, en faifant préparer pour fa Bibliothéque un fuperbe bâtiment qui fait déja l'admiration de tous les Etrangers, & qui, lorfqu'il fera achevé, fera le plus magnifique vaiffeau qui foit dans l'Europe pour placer des livres.

de

On a admiré le Mufée d'Alexandrie. Qu'étoit ce en comparaifon de nos Académies d'Aschitecture, Sculpture, de Peinture; de l'Acadé me Françoife, de celle des BellesLettres, de celle des Sciences? Ajoutez-y les deux plus anciens établis femens du Roiaume; le Collége Roial, où s'enfeignent toutes les langues favantes & prefque toutes les fciences; & l'Univerfité de Paris, la mere & le modéle de toutes les Académies du monde, dont la réputation ne vieillit point depuis tant de fiécles, & qui, avec fes rides refpectables, conferve toujours un air de fraicheur & de jeuneffe. Qu'on compte le nombre de Savans qui rempliffent toutes ces places, qu'on

penfions

évalue les fommes où montent leurs & l'on reconnoitra qu'il n'y a rien de pareil dans l'Europe. Je ne puis m'empécher, pour l'honneur du régne & du ministére préfens, de faire remarquer, que pen dant la guerre qui vient de fe terminer fi heureufement & fi glorieufement pour nous, toutes ces pen fions des Savans n'ont été ni fufpendues, ni même retardées.

Qu'on pardonne à un vif amour de la patrie, & aux fentimens d'une jufte reconnoiffance dont je fuis pénétré, cette petite digreffion, qui n'est pourtant pas tout-à-fait étran gére à mon fujet. Avant que d'entrer en matiere, je me eroi obligé d'avertir, que, fur-tout dans ce qui regarde la Poéfie, je ferai grand ufa ge de plufieurs Differtations conte nues dans les Mémoires de l'Académie des Infcriptions & BellesLettres. Ces extraits feront connoitre combien cette Académie eft capable de conferver le bon goût de l'antiquité.

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CHAPITRE PREMIER.

DES POETES.

L EST CERTAIN, fi l'on confidére la Poéfie dans la pureté de fa premiére inftitution, qu'elle fut inventée d'abord pour rendre à la ma-jefté divine des hommages publics d'adoration & de reconnoiffance, & pour apprendre aux hommes les vérités les plus importantes de la religion. Cet art, qui paroit aujourd'hui fi profane, prit naiffance au milieu des fêtes deftinées à honorer l'Etre Souverain. Dans ces jours folemnels, où les Hébreux célébroient la mémoire des merveilles que le Dieu d'Ifrael avoit opérées en leur faveur, & où, libres de leurs travaux, ils fe livroient à une joie innocente & néceffaire tout retentifoit de Cantiques facrés, dont le ftile noble fublime, & majeftueux répondoit à la grandeur du Dieu qui en étoit l'objet. Quelle foule de beautés vives & animées dans ces divins Cantiques! Les fleuves qui remontent vers leur fource

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les mers qui s'entr'ouvrent & qui fuient les collines qui treffaillent; les montagnes qui fondent comme de la cire, & qui difparoiffent; le ciel & la terre qui écoutent dans le refpect & le filence; toute la nature qui s'émeut & qui s'ébranle devant la face de fon Auteur!

Mais comme la fimple voix humaine fuccomboit fous le poids des merveilles fi étonnantes, & paroiffoit au peuple trop foible pour marquer les fentimens de reconnoillance & d'adoration dont il étoit pénétré, pour les exprimer avec plus de force il appelloit à fon fecours la voix tonnante des tambours, des trompettes, & de tous les autres inf trumens de Mufique. Entrant même dans une forte de tranfport & d'enthoufiafine religieux, il voulut que le corps prît part à la fainte joie de l'ame par des mouvemens impé tueux mais concertés, afin que dans l'homme tout rendit hommage à la Divinité. Tels furent les commencemens de la mufique, de la danfe & de la poéfie.

Quel homme doué d'un bon goût, quand il ne feroit pas plein de refA 5

pect

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pect pour les Livres faints, & qu'il liroit les Cantiques de Moyfe avec les mêmes yeux dont on lit les Odes de Pindare, ne fera pas contraint d'avouer que ce Moyfe, que nous connoiffons comme le premier Hiftorien & le premier Législateur du monde eft en même tems le premier & le plus fublime des Poétes? Dans fes écrits, la Poéfie naiffante paroit tout d'un coup parfaite, parce que Dieu même la lui infpire, & que la néceffité d'arriver à la perfection par degrés, n'eft une condition attachée qu'aux Arts inventés par les hommes. Les Prophéties & les Pleaumes nous offrent encore des modéles femblables. Là brille dans fon éclat majestueux cette véritable Poéfie, qui n'excite que d'heureufes paffions, qui touche nos cœurs fans les féduire, qui nous plait fans favorifer nos foibleffes, qui nous attache fans nous amufer par des contes frivoles & ridicules qui nous inftruit fans nous rebuter, qui nous fait connoitre Dieu fans nous le repréfenter, fous des images inagnes de la Divinité, qui nous furprend toujours fans nous promener

par

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