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font parvenues jufqu'à nous. Il y a beaucoup d'apparence que ces piéces fe font mieux confervées que celles des autres, parce qu'étant trouvées plus agréables, elles étoient auffi plus fouvent redemandées. On ne les jouoit pas feulement du tems d'Augufte: il paroit Arnob. pas un paffage d'Arnobe, qu'elles étoit encore jouées du tems de Dioclétien, trois cens ans après la naiffance de JESUS-CHRIST.

b. 7.

On a porté divers jugemens de Plaute. Il me femble que pour l'élocution il eft généralement eftimé, fans doute par raport à la pureté, à l'exactitude, à l'énergie, à l'abondance, & même à l'élégance du difcours. Varron difoit que fi les Mufes vouloient par- ! ler en Latin, elles emprunteroient le Quintil. langage de Plaute: licet Varro dicat b. 10.c.1. Mufas... Plautino fermone locuturas fuiffe, fi Latinè loqui vellent. Un tel éloge n'excepte rien, & ne laiffe rien à désiA. Gell. rer. Aulu-Gelle n'en parle pas moins b.7. c.17. avantageufement: Plautus, homo lingue atque elegantia in verbis Latina princeps.

Horace, bon Juge fans doute en cette matiére, ne paroit pas favorable à Plaute. Je raporterai l'endroit entier.

At

At noftri proavi Plautinos & numeros, &
Laudavere fales: nimium patienter utrumque,
Ne dicam ftultè, mirati; fi modò ego & vos
Scimus in urbanum lepido feponere dicto,
Legitimumque fonum digito callemus, &

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aure.

,, Nos ancêtres, dit-il aux Pifons, ,, ont loué & admiré les vers & les railleries de Plaute, un peu trop, ,,bonnement, pour ne pas dire fottement; s'il eft vrai que vous & moi fachions diftinguer, dans les railleries, le délicat d'avec le groffier, & " que nous ayions l'oreille affez fine pour bien juger du fon & de la cadence des vers." Cette critique peut faire d'autant plus de tort à Plaute, qu'il paroit qu'Horace n'étoit par feul de ce fentiment, & que la Cour d'Augufte ne goûtoit pas plus que lui, ni la verfification, ni les plaifanteries de ce Poéte.

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La cenfure d'Horace tombe fur deux articles: fur le nombre & la cadence des vers, numeros; & fur les railleries, fales. Je croi qu'on ne peut pas fe difpenfer d'adopter le jugement d'Horace en grande partie. Mais il peut bien être arrivé que ce

Poéte

Horat, de Art. Poët.

Poéte, piqué de l'injufte préférence que ceux de fon fiécle donnoient aux anciens Poétes Latins fur ceux de leur tems, ait un peu outré la critique en quelques occafions, & ici en particulier.

Il eft certain que Plaute n'eft point exact dans fes vers, qu'il a appellés par cette raison numeros innumeros, des nombres fans nombre, dans fon épitaphe qu'il fit lui-même: il ne s'eft point affujetti à fuivre une même mefure, & il a mélé tant de fortes de vers, que les plus favans ont de la peine à les reconnoitre. Il eft certain encore qu'il a des plaifanteries fades baffes, & fouvent outrées: mais il en a auffi de fines & de délicates. C'eft • pourquoi Ciceron, qui n'étoit pas un mauvais Juge de ce que les Anciens appelloient Urbanité, le propose comme un modéle à fuivre pour la raillerie.

Ces défauts de Plaute n'empêchent donc point qu'il n'ait été un excel--

lent

a Duplex omnino eft jocandi genus: unum illiberale, petulans, flagitiofum, obfcœnum; alterum elegans, urbanum, ingeniofum, facetum: quo genere non modò Plautus nofter, & Atticorum antiqua Comoedia, fed etiam Philofophorum Socraticorum libri funt referti. Lib. 1. de Offic. n. 104.

lent Poéte Comique. Ils font réparés bien avantageufement par beaucoup de belles qualités qui peuvent non feulement l'égaler à Térence, mais peutêtre même le mettre au-deffus de lui. C'est le Jugement qu'en porte Mada- Préface de me Dacier (pour lors Melle, le Fevre) tion de trois dans la comparaifon qu'elle fait de ces Comédies deux Poétes.

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Térence, dit elle, a fans doute beaucoup plus d'art, mais il me femble que l'autre a plus d'efprit. Térence fait plus parler qu'agir: Plaute fait plus agir que parler; & c'eft le véritable caractère de la Comédie, qui eft beaucoup plus dans l'action que dans le difcours. Cette vivacité me paroit donner » encore un grand avantage à Plau»te: c'eft que fes intrigues font toujours conformes à la qualité des Acteurs que fes incidens font bien variés, & ont toujours quel. » que chofe qui furprend agréable»ment; au lieu que le Théatre femble languir quelquefois dans Té rence, à qui la vivacité de l'action " & le nœud des incidens & des intrigues manque manifeftement. " C'est le reproche que lui fait Céfar

"

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dans

la traduc

de Plaute.

1

dans des vers que je raporterai en parlant de Térence.

Pour donner aux Lecteurs quelque idée du ftile de Plaute, de fa Latinité, & de fon langage antique, je copierai ici le commencement du Prologue d'une de fes plus belles piéces, intitulée Amphitryon. C'eft Mercure qui parle.

Ut vos in voftris voltis mercimoniis
Emundis vendundifque me lætum lucris
Afficere, atque adjuvare in rebus omnibus;
Et ut res rationefque veftrorum omnium
Bene expedire voltis peregreque & domi,
Bonoque atque amplo auctare perpetuo lucro,
Quafque incœpiftis res, quafque incœptabitis:
Et uti vos voftrofque omnis nuntiis

Me afficere voltis; ea afferam, eaque ut nun.
tiem,

Quæ maximè in rem voftram communem fient:

(Nam nos quidem id jam fcitis conceffum &
datum

Mi effe ab diis aliis, nuntiis præfim & lucro: )
Hæc ut me vultis approbare; annitier
Lucrum ut perenne vobis femper fuppetat:
Ita huic faciet s fabula filentium,

Itaque æqui & jufti hic eritis omnes arbitri.

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