Page images
PDF
EPUB

à peu cet air de groffiéreté & de rudeffe qui leur reftoit encore de leur ancienne origine, & leur infpira du goût pour les Arts, propres à cultiver, à adoucir, & à humanifer les efprits.

Horat. Græcia capta ferum victorem cepit, & artes Intulit agrefti Latio. Sic horridus ille

Epift. 1.

b. 2.

*

Defluxit numerus Saturnius, & grave virus
Munditiæ pepulere.

Cet heureux changement commen-
ça par la Poéfie qui s'applique princi-
palement à plaire, & dont les char-
mes, pleins de douceur & d'agrément,
fe font goûter avec plus de facilité &
de promtitude. Elle fut pourtant elle-
même fort groffiére & inculte dans les
commencemens. Ce fut fur le Théa-
tre qu'elle prit fa naiffance, ou du
moins quelle commença à prendre un
air plus poli & plus orné. Elle s'effaia,
pour ainsi dire, dans la Comédie, la
Tragédie, la Satyre, qu'elle condui-
fit peu à peu,
શું & par des accroiffemens
infenfibles à un grand dégré de per-
fection.

Les

Horace marque ici le tems où la poésie commença à fe perfectionner chez les Latins; car elle étoit connue à Rome dès le tems de Numa: Sali re Numa carmen. Horat. Epift. 1. lib. 2.

Les Romains aiant été près de quatre cent ans fans aucuns Jeux Scéni ques, le hazard & la débauche leur firent trouver dans une de leurs Fêtes les vers* Fefcennins, qui leur tinrent lieu de piéces de théatre près de fix vingt ans. Ces vers étoient rudes, & fans prefque aucun nombre, comme étant nés fur le champ, & faits par un peuple encore fauvage, & qui ne connoif foit d'autres maîtres que la joie & les vapeurs du vin. Ils étoient remplis de railleries groffiéres, & accompagnés de postures & de danfes.

Fefcennina per hunc inventa licentia morum
Verfibus alternis opprobria ruftica fudit.

A ces vers licentieux & déréglés fuccéda bien-tôt une autre espèce de Poême plus chatié, qui étoit auffi rempli de railleries plaifantes, mais qui n'avoit rien de deshonnête. Ce Poéme parut fous le nom de Satyre, (Satura) à caufe de fa varieté; & cette Satyre avoit des modes réglés, c'eft-à dire une Mufique réglée, & des danfes: mais les postures deshonnêtes en étoient bannics. Ces Satyres étoient proprement des

C

*Ces vers furent ainfi appellés d'une ville d'Etrume, nommée Fefcennia, d'où ils furent apportés à Rome.

Horat.

Epift. 1. lib. 2. Liv.

lib. 7. 1.2.

Liv, ibid.

des farces honnêtes, où les Spectateurs & les Acteurs étoient joués indifférem

ment.

Livius Andronius trouva les chofes en cet état, quand il s'avifa le premier de faire des Comédies & des Tragédies à l'imitation des Grecs. D'au tres Poétes, en puifant dans les pèmes fources, fuivirent fon exemple : Nævius, Ennius, Cécilius, Pacuvius, Accius, & Plaute. Ces fept Poétes dont je vais parler, vécurent prefque tous en même tems dans l'efpace de foixante ans.

Dans ce que je me propofe de raporter ici des Poétes Latins, je ne fui-. vrai point l'ordre des matiéres, com me je l'ai fait en parlant des Puétes. Grecs, mais l'ordre des tems, qui m'a paru plus propre à faire connoitre la naiffance, les progrès, la perfection & la décadence de la Poéfie Latine.

Je diviferai tout ce tems en trois âges. Le premier comprendra l'efpace d'environ deux cens ans, pendant lefquels la Poéfie Latine eft née, s'eft ac& s'eft fortifiée par différens pro grès. Le fecond âge fera de cent ans environ, depuis Jule Céfar jufqu'au milieu de l'Empire de Tibére; c'eft le

crue,

tems

tems où la Poéfie a été portée à fon dernier dégré de perfection. Le troifiéme âge contiendra les années fuivantes, où, par des déclins affez promts, elle est déchue de cet état, & a enfin dégéneré entiérement de fon ancienne réputa

tion.

§. I.

Premier âge de la Poéfie Latine.

LIVIUS ANDRONICUS.

LE POETE Andronique prit le Eufeb. in prénom de Livius, parce qu'il avoit Chron. été mis en liberté par M. Livius Salinator, dont il avoit inftruit les filles.

Cic. in.

Brut.n.72.
Aul. Gel

lib. 17.

cap. 21

Il repréfenta fa premiére Tragédie AN. M un an avant la naiffance d'Ennius, la 3764 premiére année d'après la premiére guerre Punique, qui étoit l'année de Rome 514. fous le Confulat de C. Claudius Cento, & de M. Sempronius Tuditanus: environ cent foixante ans depuis la mort de Sophocle & d'Euripide, cinquante depuis celle de Ménandre, deux cent vingt avant celle de Virgile.

CN. NE VIUS.

AN. M 3769.

NEVIUS, felon Varron, avoit fer. Aul. Ge

Ibid.

[ocr errors]

vi dans la premiére guerre Punique. Animé par l'exemple d'Andronique, il marcha fur fes traces, & commença. cinq ans après lui à donner des piéces Eufeb, in de théatre: c'étoient des Comédies. Il Chron. s'attira la haine de la Nobleffe, & fur tout d'un, Métellus: ce qui l'obligea de fortir de Rome. Il fe retira à Utique, où il mourut. Il avoit compofé en vers l'hiftoire de la premiére guerre Punique.

AN. M.

3764. Aurel

Vict. de

cap. 67. I.

[blocks in formation]

IL E'TOIT né l'an de Rome 514. ou 515. à Rudi ville de Calabre. Il vécut dans la Sardaigne jufqu'à l'âge de Vir. Illuft. 40. ans. C'est là qu'il fit connoiffance Tufen. 3. avec Caton, qui apprit de lui la langue Grecque dans un âge fort avancé, & qui l'emmena enfuite avec lui à Rome. M. Fulvius Nobilior le mena avec lui en Etolie. Le fils de ce Nobilior lui fit accorder le droit de Bourgeoisie Romaine, ce qui étoit, dans ces tems-là, un honneur fort confidérable. Il avoit compofé en vers Héroïques les Annales de Rome; & en étoit au douzième Livre à l'âge de 67. ans. Il avoit auffi célébré les victoires du premier Scipion l'Afriquain, avec qui il étoit

« PreviousContinue »