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qu'un fameux Peintre raffembla autrefois dans une feule figure tout ce qu'il avoit remarqué de plus gracieux & de plus achevé dans plufieurs belles perfonnes, de même l'Ode raffemble en elle feule toutes les différentes beau tés dont les différens genres de poésie. font fufceptibles. Mais elle a encore quelque chofe de plus qui n'appartient qu'à elle, & qui fait fon véritable caractére. C'eft l'enthoufiafme; & par là les. Poétes croient pouvoir encore la comparer à cette Junon d'Homére, qui emprunte la ceinture de Venus pour fe rendre toute gracieufe, mais qui eft toujours la Reine des dieux diftinguée par un air de grandeur qui lui eft particulier, par fa fureur même & fon emportement.

Cet enthousiasme fe fent mieux qu'il ne peut fe définir. Quand un Ecrivain en eft faifi, fon esprit s'échaufe fon imagination s'allume, toutes les facultés de fon ame fe réveillent pour concourir à la perfection de fon Ou vrage. Tantôt les penfées nobles & les traits les plus brillans, tantôt les images tendres & gracieufes fe préfen tet à lui en foule. Souvent auffi la chaleur de l'enthousiasme s'empare tel

le

lement de fon efprit, qu'il n'en eft plus le maître ; & pour lors il s'abandonne à cette vive impétuofité & à ce beau défordre, infiniment fupérieurs à la régularité de l'art la plus étudiée.

Ces différentes impreffions produifent des effets différens : des defcriptions quelque fois fimples & pleines de douceur & d'agrément, quelquefois riches, nobles, & élevées; des comparaifons juftes & vives; des traits de morale lumineux ; des endroits heureufement empruntés de l'hiftoire, ou de la fable, & des digreffions mille fois plus belles que le fonds de son fujet. L'harmonie, l'ame des beaux vers, ne fe fait point dans ce moment chercher par le poéte. Les expreffions nobles & les cadences heureuses s'arrangent toutes feules, comme les pierres fous la lyre d'Amphion: rien ne reffent l'étude ni le travail. Les poéfies qui font le fruit de l'enthoufiafme, ont un tel caractère de beauté, qu'on ne peut ni les lire ni les entendre fans être échaufé du même feu qui les a produites; & l'effet de la mufique la plus parfaite n'eft ni fi fûr ni fi grand que celui des vers nés dans le feu de la fureur poétique.

Ce

Ce petit morceau que j'ai tiré du commencement de la courte mais éloquente differtation de M. l'Abbé Fraguier fur Pindare, fuffic pour donner une jufte idée de la poéfie Lyrique & en même tems de Pindare, qui tient le premier rang parmi les neuf Poétes Grecs qui fe font diftingués par cette forte de poéme, & desquels il me reste à dire un mot.

AN. M. Il eft parlé dans Plutarque de * 3135. THALES, à qui Lycurgue perfuaPlut. in da de s'aller établir à Sparte. GiéLycurg. pag. 41. toit un poéte Lyrique, (il n'eft point du nombre des neuf:) mais, fous prétexte de ne compofer que des chanfons, il faifoit en effet tout ce que les plus graves Législateurs auroient pu faire. Car toutes fes piéces de vers étoient autant de difcours qui portoient les hommes à l'obéiffance & à la concorde par le moien de certaines mefures fi harmonieufes, & où il y avoit tant de jufteffe, tant de force & tant de douceur, qu'infenfiblement elles adouciffoient les mœurs de ceux qui les entendoient, & les portoient

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Plutarque paroit confondre le Thalès dont il s'agit ici, avec Thalès de Milet l'un des fept Sages, qui lui étoit poftérieur de plus de 250. ans.

à l'amour des chofes honnêtes, en faifant ceffer les animofités & les haines qui régnoient entr'eux. Ainsi, par les attraits & les charmes d'une poéfie mélodieufe, il prépara les voies à Lycurge pour l'instruction & la correction de fes citoiens.

3324.

in Lacon.

ALCMAN étoit de Sardes en Lydie. AN. M. Son mérite le fit adopter par les Lacé- Plut. de démoniens, qui lui accordérent le droit exil. de bourgeoifie, dont il fe félicite lui. P. 599. même dans ses vers comme d'un honneur fingulier. Il fleuriffoit du tems d'Ardys fils de Gygès, Roi des Lydiens. AN. M. STESICHORE étoit d'Himé- 3398. re, ville de Sicile. Paufanias raconte Paufan. que ce Poété, ayant perdu la vûe en p. 22. punition des vers mordans qu'il avoit fait contre Héléne, ne la recouvra qu'après avoir retracté fes médifances par une nouvelle piéce contraire à la premiére, ce qu'on appella depuis palinodie. Quintilien a dit qu'il chanta des guerres confidérables & d'illuftres Héros, & qu'il foutint fur la Lyre la nobleffe & l'élévation du

poé

a Stefichorum, quàm fit ingenio validus, materiæ quoque oftendunt, maxima bella & clariffimos canentem duces, & Epici carminis oner a Lyra fuftinentem. Lib. 10. cap. 1.

་་

AN. M.

3400.

Herod.

lib. 5. cap. 95.

poéme Epique. Horace lui donne le
même caractère par une feule épithé
te, Stefichorique graves camœnæ.

ne,

ALCE'E. Sa patrie étroit Mityléville de Lesbos: c'eft de lui que le vers Alcaïque a tiré fon nom. Il fut l'ennemi déclaré des Tyrans de Lesbos, & en particulier de Pittacus, qu'il ne ceffa de déchirer dans fes vers. On dit que dans un combat où il fe trouva, faifi de frateuril jetta bas fes armes, & fe fauva par la fuite. a Horace a raconté de luimême une pareille avanture. Les Poétes fe piquent moins de bravoure, que de bel efprit. Quintilien b dit que le ftile d'Alcée étoit ferré, magnifique, chatié ; &, ce qui met le comble à fon éloge, qu'il reflembloit fort à Homére.

SAPHO. Elle étoit du même lieu & vivoit du même tems qu'Alcée. Le vers Saphique lui doit fon nom. Elle eut trois frères, Larychus, Eurvgius, & Charaxus. Elle célébra extremement le premier dans fes vers, & au contraire déchira Charaxus parce qu'il aimoit éperduement une

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a Tecum Philippos & celerem fugam
Senti, relicta non bene parmula.

Od. 7. lib. 2.

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b In eloquendo brevis, & magnificus, & diligens, plerumque Homero fimilis. Lib. 10.c..

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