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voir. Il pouvoit craindre de fe donner en fa perfonne un rival dangereux, qui partageant d'abord avec lui la faveur de leur commun Protecteur, pourroit bien enfuite le fupplanter entiérement. Virgile n'eut aucune de fes penfées, qui ne conviennent qu'à une ame bas fe, & qu'il auroit cru avec raifon inJurieufes à fon ami, & encore plus à Mécéne. Car il n'en étoit pas de la maifon de ce Favori, comme de celles de la plupart des Grands Seigneurs & des Miniftres: où chacun ne fonge qu'à fes propres intérêts, où le mérite des autres fait ombrage, où tout fe conduit par cabale & par de fourdes me

ées, où la bonne foi & l'honneur font peu connues, & où fouvent les plus noirs deffeins font cachés fous les dehors de l'amitié la plus affectueufe.,, Ce n'eft pas ainfi, difoit Horace à un homme qui lui promettoit, pour peu qu'il voulût lui donner d'accès auprès de Mécéne, qu'il le mettroit en état de fupplanter bientôt tous les autrès: ce n'eft pas ainfi que l'on vit chez Mécéne. Il n'y a jamais eu de maifon plus intégre que la fienso ne, ni plus éloignée de toute caba le & de toute intrigue. Là un plus Tome XII.

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riche ou un plus favant ne fait ni tort ni ombrage aux autres. Chacun a fa ,, place, & en eft content.

Non ifto vivimus illic,

Quo tu rere, modo. Domus hac nec purior ulla eft,

Nec magis his aliena malis. Nil mi officit un

quam

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Ditior hic, aut eft quia doctior. Eft locus uni
Cuique fuus.

Mécéne, dès les commencemens, rendit d'utiles fervices à Horace auprès du Prince, contre lequel il avoit porté les armes dans l'armée de Brutus. Il obtint fon pardon, & lui fit reftituer fes revenus qui avoient été confifqués. Depuis ce tems-là Horace commença à entrer dans la familiarité de Mécéne, & à être admis dans fa confidence & dans fes plaifirs. Il l'accompagna dans le voiage qu'il fit à Brundufe, comme il paroit par la Satyre. V. du premier Livre.

La réputation & le crédit d'Horace augmentoient tous les jours par les piéces de poéfie qu'il publioit, tant fur les victoires d'Augufte, que fur des événemens particuliers, & fur d'autres matiéres différentes, foit Odes, ou Satyres, ou Epitres,

Le

Le Poéte Quintilius Varus, parent de Virgile, étant mort, Horace tâche de confoler fon ami par l'Ode XXIV. du Livre L.

Ergo Quin&tilium perpetuus foper
Urget? cui pudor, & juftitiæ foror
Incorrupta fides, nudaque veritas,

Quando ullum invenient parem?
Multis ille quidem flebilis occidit,
Nulli febilior quàm tibi, Virgili.
Tu fruftra pius, heu, non ita creditum.
Pofcis Quinctilium deos.

Quand Virgile lui même partit pour la Grèce, dans le deffein d'emploier le repos qu'il y alloit chercher pour revoir fon Enéide, & y mettre la derniere main, Horace compofa à l'occafion de ce voiage une Ode pleine de vœux, qui malheureufement ne furent pas exaucés. C'eft la IIIe du 1a Livre.

Sic te, diva potens Cypri,

Sic fratres Helena, lucida fidera,

Ventorumque regat pater,

Obftrictis aliis, præter Japyga,

Navis, quæ tibi creditum

Debes Virgilium; finibus Atticis

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Reddas incolumem, precor,

Et ferves animæ dimidium meæ.

On peut juger de la tendre amitié de Mécéne pour Horace par ce peu de mots qu'il écrivit à Augufte dans fon teftament: Je vous conjure de vous fouvenir d'Horace comme de moi-même. Augufte lui offrit la Charge de Sécretaire du Cabinet, & écrivit pour cet effet à Mécéne de cette maniere: Jufques ici je n'ai eu besoin de personne pour écrire mes Lettres à mes amis; mais aujour d'hui que je me voi accablé d'affaires, & infirme, je souhaite que vous m'ameniez notre Horace. Il paffera de votre table* à la mienne, & il m'aidera à faire mes Lettres. Horace, qui aimoit fort fa liberté, ne crut pas devoir accepter une offre fi honorable, mais qui l'auroit fort géné, & s'excufa fur fes infirmités vraies ou fuppofées. Le Prince ne fut nullement choqué du refus qu'Horace fit de cette charge, &

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n'en

*Le texte porte: Veniet gitur ab ifta para fitica menfa ad hanc regiam. Il paffera de votre table où il n'eft que parafite, à cette table roiale. La plaifanterie d'Augufte roule fur ce qu' Horace n'étoit point de la maison de Mécéne, par conféquent n'avoit point droit de manger à fa table. Le mot de Parafite e deshonorant dans notre langue.

n'en fut pas moins de fes amis. Quelque tems après il lui écrivit en ces termes: Ufez-en a à mon égard avec liberté, comme fi vous étiez mon commenfal; cette qualité vous en donne le droit. Vous favez bien que je voulois que vous vécuffiez avec moi de cette manié, re, fi votre fanté l'eût permis.

Combien de réflexions ce récit nous fourniroit fur la bonté d'Augufte, sur la franchise d'Horace, fur la douceur du commerce qui régnoit alors dans la focieté, fur la différence des mœurs anciennes avec les nôtres! Un Sécretaire du Cabinet à table avec un Empereur! Un Poéte qui refufe cet honneur, fans que l'Empereur s'en trou ve offenfé!

Horace ne fe plaifoit qu'à fes mai, fons de campagne, foit dans le pays de Sabine, foit à Tivoli; où, libre de foins & d'inquiétudes, il goûtoit dans une agréable retraite toute la douceur du repos, unique objet de fes vœux. Orus, quando ego te afpiciam, quandoque li cebit.

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a Sume tibi aliquid juris apud me,tanquam si convictor mihi fueris. Recte enim & non temerè feceris,quoniam id ufus mihi tecum effe volui, fi per valetudinem tuam fieri poffet. Sueton. in vit. Virg.

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