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LIVRE VINGT- CINQUIEME.

DES

BELLES LETTRES.

AVANT-PROPOS.

L

A POESIE, l'Hiftoire, l'Eloquence, qui font la matiere de ce vingt-cin quiéme Livre, renferment ce qu'il y a de principal dans ce qu'on appelle les Belles Lettres. C'eft de toute la Li térature la partie qui a le plus d'agrément, qui jette le plus d'éclat, & qui, en un certain fens, eft le plus capable de faire honneur à une nation par des Ouvrages, qui font s'il eft permis de s'exprimer ainsi la fleur de l'efprit la plus fine & la plus déliée. Je ne prétens pas par là diminuer rien du prix des autres fciences, dont je parlerai dans la Tome XII. A Alite

fuite, & dont on ne peut faire trop de cas. Je remarque feulement que celles dont il s'agit ici ont quelque chofe de plus vif, de plus brillant & de plus propre à fraper les hommes, & à exciter leur admiration ; qu'elles font acceffibles à un plus grand nombre de perfonnes; qu'elles entrent plus dans le commerce & dans l'ufage univerfel des hommes d'efprit. La Poéfie affaifonne la folidité de fes inftructions par l'attrait du plaifir, & par de riantes images dont elle a foin de les revétir. L'Hiftoire, en nous racontant d'une maniere agréable & fpirituelle tous les événemens des fiécles paffés, pique & fatisfait notre curiofité & donne en même tems aux Rois, aux Princes, & aux perfonnes de tout état, d'utiles leçons, mais fous des noms empruntés, de peur de bleffer leur délicateffe. Enfin l'Eloquence fe montrant à nous, tan tôt avec un air fimple & modefte, tantôt avec toute la pompe & toute la majefté d'une puiffante Reine, charme les efprits & entraine les cœurs avec une douceur & une force, auxquelles il n'eft pas poffible de réfifter.

A

Athénes & Rome, ces deux grands théatres de la gloire humaine, ont porté dans leur fein ce qu'il y a eu de plus grands hommes dans Panti quité, foit pour la valeur & la fcien ce militaire, foit pour l'habileté dans le gouvernement. Mais ces grands hommes feroient-ils connus, & leur nom ne feroit-il pas demeuré enfe veli avec eux dans leurs tombeaux, fans le fecours des Arts dont je parle, qui leur ont donné une forte d'immortalité dont les hommes font fi jaloux? Ces deux villes même qui font encore généralement pectées comme la fource primitive du bon goût en tout genre, & qui, au milieu du débri de tant d'empires en ont confervé un par raport aux Belles - Lettres qui ne perira jamais, ne doivent-elles pas cette gloire aux excellens Ouvrages de Poéfie, d'Hif toire, & d'Eloquence dont elles ont enrichi l'univers?

ref

Rome fembloit en quelque ma niére s'y être bornée; du moins elle n'a excellé pleinement que dans ces fortes de connoiffances, qu'elle regardoit comme plus utiles & plus brillantes que les autres. La Grèce

!

:

a été plus riche en matiere de fcien ces, & les a embraffé toutes fans diftinction. Ses Hommes illuftres, fes Princes, fes Rois ont étendu. leur protection à toutes les fciences en quelque genre que ce pût être. Pour ne point parler de tant d'autres qui fe font rendu recommandables par cet endroit, à quoi Ptole mée Philadelphe a-t-il dû cette réputation qui l'a fi fort diftingué entre les Rois d'Egypte, finon au foin particulier qu'il a pris d'attirer dans fon Roiaume des Savans de toutes les efpéces, de les combler d'honneurs & de récompenfes, & d'y fai re fleurir par leur moien tous les Arts & toutes les Sciences ? La fameufe Bibliothéque d'Alexandrie enrichie par fa magnificence vraiment roiale d'un nombre fi confidérable de livres, & ce Mufée célèbre où s'affembloient tous les Savans, ont plus illuftré le nom de ce Prince, & lui ont acquis une gloire plus folide & plus durable, que n'auroient pu faire les plus grandes conquêtes.

Notre France ne le céde pas à PEgypte en ce point, pour ne rien dire de plus. La fameufe Bibliothé

que

què du Roi, augmentée infiniment par la magnificence de LOUIS le Grand, n'eft pas une des chofes qui ait le moins illuftré fon régne. LOUIS XV. fon fucceffeur, qui a fignalé le commencement du fien par le glorieux établiffement de l'Inf truction gratuite dans l'Univerfié de Paris, s'eft piqué auffi, pour mar cher fur les traces de fon illuftre Bifaieul, de donner fes foins particuliers à l'augmentation & à la décoration de la Bibliothéque Roiale. En peu d'années il l'a enrichie de quinze à dix-huit mille Volumes imprimés & de près de huit mille Volumes manufcrits, qui faifoient partie de la Bibliothéque de Mr. Colbert, les plus rares & les plus auciens que l'on connoiffe; fans par-. ler de ceux que Mr. l'Abbé Sevin a raportés tout récemment de fon voiage de Conftantinople. De forte que maintenant la Bibliothéque du Roi monte environ à quatre-vingt dix mille volumes imprimés, & à trente ou trente-cinq mille Manuf crits. Il ne reftoit plus qu'à placer ce précieux Tréfor Tréfor d'une maniere qui en mît toutes les richesses en

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