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GODEAU.

Des plus tragiques accidens,
Paroît deffus notre hémisphere
Avec fes longs cheveux ardens,
Chacun la contemple, & s'étonne
Qu'aux feux dont la nuit fe couronne,
Son éclat fe montre pareil;

Mais on voit mourir la lumiere;
Peu de jours bornent fa carriere,
Et fon couchant eft fon réveil,

Tel on voit le deftin funefte
Des Miniftres ambitieux,
Que fouvent le courroux célefte
Donne aux Monarques vicieux :
Leurs paroles font des cracles,
Tandis
que par de faux miracles
Ils tiennent leur fiécle enchanté ;

I Mais leur gloire tombe par terre;

1 Quoique ces trois derniers Vers fe trouvent mot pour mot dans le Polyeucte du grand Corneille, il ne s'enfuit pas qu'il les ait empruntez de M. GODEAU. Ayant eu la même penfée à exprimer, les mêmes termes fe font préfentez, pour ainfi dire, fous fa main. Au refte, ces fortes de rencontres font affez ordinaires dans nos Poëtes; & Racan nous en fournit un exemple fingulier. Il avoit fait fur la mort le quatrain fuivant :

Eftime qui voudra la mort épouvantable,

Et la faffe l'horreur de tous les animaux;

Quant à moi je la tiens pour le point defirable
Où commencent nos biens, & finiffent nos maux.
Racan fut bien furpris quand Malherbe, après avoir

Et comme elle a l'éclat du verre,
Elle en a la fragilité.

RICHELIEU dans fon innocence
Ne doit pas craindre un même fort;
Son pouvoir eft fans violence,
Il n'eft pas moins fage que fort:
Le Ciel fait ce qu'il te confeille;
Jamais fon efprit ne fommeille.
Dans les fervices qu'il te rend;
Et par un amour fans exemple,
Il veut au milieu de ton temple
Se confumer en t'éclairant..

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entendu ces Vers, lui fit connoître, livre en main, qu'ils étoient du fameux Pibrac que Racan n'avoit jamais lû.

GODEAU.

GODEAU

IDYLL E.

Combien la Poëfie facrée eft au deffus de la
profane.

1 AVEUGLE Clair-voyant, de qui les doctes Vers,
Sont encore aujourd'hui lûs par tout l'Univers;
Tantôt contre le camp, tantôt contre la ville,
J'ai pleuré ton Hector, j'ai pleuré ton Achille;
Et cent fois par l'effort de tes inventions,
Tu m'as fait, à ton gré, changer de paffions.
2 Délices de Mantouë, effort de la Nature,
Soit que d'Amarillis tu faffes la peinture,

Soit

que

d'un coutre d'or tu fendes les guérets;
abeilles & forêts,

Soit que laiffant vergers,

Ta Mufe généreufe au bord du Tybre fonde
Cet Empire, vainqueur de tous les Rois du Monde;
Il le faut avouer, l'art & le jugement,

Dans tes fameux écrits brillent également.
Pour fuivre tes Pafteurs dans leurs grotes
fecretes,
Pour eüir les concerts de leurs tendres mufetes,
Pour voir les doux tranfports dont ils font agitez
Il n'eft point de palais que je n'euffe quittez.
Combien de fois, blâmant l'inconftance d'Enée,
Ai-je plaint de Didon la trifte destinée !

I Homere.

2 Virgile.

Combien de fois mes yeux, pour de fausses dou

leurs,

Ont-ils laiffé couler de véritables pleurs!

Pourrois-je t'oublier, admirable Génie,'
Avec qui des neuf Sœurs la troupe fut bannie;
Toi de qui les appas fans contrainte & fans fard,
Montrent que la nature eft plus belle que l'art 2

Mais enfin je vous laiffe, agréables menteurs ; Que d'autres foient touchez de vos difcours flatteurs;

David feul me ravit, je n'aime que fa lyre;

A ses charmans accords je pleure, je foupire;
peut tout fur mon cœur, il peut tout fur mes

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fens;

Et ma raifon ne fuit que fes divins accens.

Phébus & les neuf Sœurs font pour moi des idoles
Leurs plus nobles fujets me paroiffent frivoles ;
Et Dieu, dont la bonté m'aide en tant de façons,
Eft feul & pour toujours, l'objet de mes chansons.

SONNE T.

Sur la naiffance de JESUS-CHRIST..

QUELS miracles nouveaux,

lieux,

éclatans dans ces

Confondent la raifon, les fens & la nature!

1 Qvide, relegué en Scythic par Augufte.

GODEAU

L'ETERNEL vient de naître en ce jour glorieux, GODEAU. Et celle qui l'enfante eft une Vierge pure.

L'auteur de notre joye a les larmes aux yeux;
Celui qui nourrit tout manque de nourriture;
La crêche enferme un Dieu plus vaste que
cieux;

Le Monarque eft efclave, & l'Impaffible endure.

les

Un petit Roi pourfuit le Roi qui fait les Rois;
La parole du Pere eft aujourd'hui fans voix;
Le froid tranfit les mains qui lancent le tonnerre:

Mais que pour retirer les hommes de prison,
Des miracles fi grands fe faffent fur la terre,
C'est le plus grand miracle où fe perd ma raison.

STANCES CHOISIES DU CANTIQUE DE JUDITH.

Incipite Domino in tympanis, cantate Domine in cymbalis..

POUSSONS dans l'air des cris de joye,

Oublions nos longues douleurs;
Qu'aujourd'hui notre front se voye
Couronné des plus belles fleurs;

1 Après que Judith eût coupé la tête à Holopherne, elle rentra dans Béthulie qu'il affiégeoit, & chanta ce Cantique avec le peuple, pour remercier Dieu d'une victoire fi éclatante. Chap. XVI. du Liv, de Judith.

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