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MAROT.

Pour mettre comme un homme habile,
Le bien d'autrui avec le sien,

Et vous laisser fans croix, ne pile,
Frere Lubin le fera bien.

On a beau dire, je le tien,

Et le preffer de satisfaire,

Jamais il ne vous rendra rien ;
Frere Lubin ne le peut faire.

Pour débaucher par un doux stile
Quelque fille d'un bon maintien,
Point ne faut de vieille fubtile,
Frere Lubin le fera bien.

Il prêche en Theologien,

Mais pour boire de belle eau claire
Faites-la boire à notre chien,

Frere Lubin ne le peut

Envoi.

faire.

POUR faire plûtôt mal que bien,
Frere Lubin le fera bien:

Mais fi c'eft quelque bon affaire;
Frere Lubin ne le peut faire.

aux François, que l'on difoit en proverbe, il y a des Anglois dans cette ruë, pour dire, j'ai des Créanciers dans cette ruë; je n'y veux point paffer de crainte de quelque affront.

EPITRE S.

Au Roi, pour être délivré de prison. ▾

Rordes

Ordes François, plein de toutes bontez,
Quinze joursa ( je les ai bien comptez)
Et dès demain feront juftement feize,
Que je fus fait confrere au Diocèfe
De Saint Marry, en l'Eglife Saint Pris.
Je vous dirai comment je fus furpris,
Et me déplaît qu'il faut que je le die. 3
Trois grands pendards vinrent à l'étourdie
En ce Palais me dire en défarroi, 4
Nous vous faifons prifonnier par le Roi.

MAROT.

1 Cet emprisonnement de Marot eft du mois d'Otobre 1527. François I. fut fi charmé de fon Epître, qu'il écrivit lui-même à la Cour des Aydes pour lui faire accor der fa liberté. La Lettre de ce Prince eft du premier No vembre de la même année. Voyez l'Anti-Baillet, Tome II. Ch. CXII. ་

2 Façon de parler de ce tems-là, pour dire, il ув quinze jours.

3 Die pour dife, étoit encore ufité parmi nos meilleurs Ecrivains, il n'y a pas un demi-fiécle.

4 C'est-à-dire, en défordre, en mauvais train. Ce mot eft un compofé d'arroi, dérivé du vieux François déroyer, qui fignifioit tirer hors de voye, ou de raye, qu'on difoi: autrefois pour orniere ou fentier,

MAROT.

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Incontinent, qui fur bien étonné,
Ce fut Marot, plus que s'il eût tonné :
Puis m'ont fait voir un parchemin écrit,
Où n'y avoit feul mot de JESUS-CHRIST.
Vous fouvient-il, me dirent-ils alors
Que vous étiez l'autre jour là dehors,
Qu'on recourut un certain prifonnier
Entre nos mains? Et moi de le nier ;
Car foyez für que fi j'euffe dit oui,
Le plus fourd d'eux fans peine m'eût oùî:
Et d'autre part j'euffe publiquement
Eté menteur: car pourquoi & comment
Aurois-je pû un autre recourir,
Quand je n'ai fçû moi-même fecourir?
Pour faire court; je ne pus tant prêcher,
Que ces pendards me vouluffent lâcher.
Sur mes deux bras ils ont leur main posée,
Et m'ont mené ainfi qu'une époufée;
Non pas ainfi, mais plus roide un petit.
Et toutefois j'ai plus grand appétit
De pardonner à leur folle fureur,
Qu'à celle-là de mon beau Procureur :
Que male mort les deux jambes lui caffe.
Il a de moi bien pris une Beccaffe,
Une Perdrix, & un Levraut auffi;
Et cependant je fuis encore ici.
Encor je croi, fi j'en envoyois plus,
Qu'il le prendroit, car ils ont tant de glus

1

MAROT.

I

Au bout des doits, ces faifeurs de pipée,
Que toute chofe où touchent, eft grippée.
Mais pour venir au point de ma fortie,
Si doucement j'ai flatté ma Partie,
Que nous avons bien accordé ensemble;
Et je n'ai plus affaire, ce me semble,
Sinon à vous. La Partie eft bien forte;
Mais le grand point où je me réconforte,
Vous n'entendez procès non plus que moi;
Ne plaidons point, ce n'eft que tout émoi.
Si vous fuppli', SIRE, mander par lettre,
Qu'en liberté vos gens me veuillent mettre;
Et fi j'en fors, j'efpere qu'à grand' peine
M'y reverront, fi l'on ne m'y rameine,

Au même. Pour avoir été dérobé.

2

ON dit bien vrai, la mauvaise fortune
Ne vient jamais, qu'elle n'en apporte une,
Ou deux ou trois avecques 3 elle, SIRE.
Votre cœur noble en fçauroit bien que dire :
Et moi chétif, qui ne fuis ne Roi, ne rien,
L'ai éprouvé ; & vous compterai bien,

1 Ce mot vient du Latin pipata, qui eft le cri des oifeaux autour de la Chouëte.

2 Jamais argent ne fut demandé avec tant d'efprit, & du caractere dont étoit François I. jamais argent ne fut donné avec plus de joye.

3 Le privilége qu'avoient nos anciens Poëtes d'allonger

MAROT.

>

Si vous voulez, comment vint la befogne.
J'avois un jour un valet de Gascogne,
Gourmand, yvrogne, & affuré menteur
I Pipeur, larron, jureur, blafphémateur,
Sentant la hart de cent pas à la ronde;
Au demeurant, 2 le meilleur fils du monde,
Ce vénérable Hillot 3 fut averti,

De quelque argent que m'aviez départi,
Et que ma bourfe avoit groffe apofthume:
Il fe leva plutôt que de coutume,

Et me va prendre en tapinois icelle;
Et vous la met très-bien fous fon aiffelle,
Argent & tout (cela fe doit entendre)
Et ne croi point que ce fut pour la rendre,
Car onc depuis n'en ai oui parler.
Bref, le vilain ne s'en voulut aller

Pour fi petit: mais encore il me happe
Saye & bonnet, chauffes, pourpoint & cappe:

ou d'abreger certains mots, pour la mesure du Vers', ou la commodité de la rime, n'a plus lieu aujourd'hui. Il en eft de même de beaucoup d'autres licences qu'on a profcrites, & avec raifon; puifque la Poëfie Françoise doit une partie de fes agrémens aux obstacles qu'elle a fur

montés.

1 Homme fouthe & frippon au jeu.

2 A cela près.

3 Ce terme eft apparemment tiré du nom que les Lacédémoniens donnoient à leurs Efclaves, qu'ils appelloient Hillotes.

De

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